Dossier

L’actualité des thèmes d’Ecclesia in Africa et d’Africae Munus dans Fratelli tutti

La actualidad de los temas de Ecclesia in Africa y de Africae Munus en Fratelli tutti

The Relevance of the Themes of Ecclesia in Africa and Africae Munus in Fratelli tutti

Patrick Ndodé-Sikossi, OP *
Instituto Católico de Yaoundé (icy), Universidad Católica de África Central (ucac), Camerún

L’actualité des thèmes d’Ecclesia in Africa et d’Africae Munus dans Fratelli tutti

Revista Iberoamericana de Teología, vol. XVIII, núm. 34, pp. 139-160, 2022

Universidad Iberoamericana, Ciudad de México

Revista Iberoamericana de Teología es una publicación semestral editada por el Departamento de Ciencias Religiosas de la Universidad Iberoamericana, A. C., Ciudad de México. Prol. Paseo de la Reforma 880, Col. Lomas de Santa Fe, Álvaro Obregón, C.P. 01219, Tel. 55 59 50 40 00, ext. 7007 y 7352, ribet@ibero.mx, revistas.ibero.mx/ribet. Editor responsable: Ángel F. Méndez Montoya. Responsable del diseño web y actualizaciones: Débora Roberta Sánchez Guajardo. Reserva de Derechos al Uso Exclusivo de Título No. 04-2016-050912461800-102 ISSN 1870-316X Licitud de título No. 13344, Licitud de Contenido No. 10917, ambos otorgados por la Comisión Calificadora de Publicaciones y Revistas Ilustradas de la Secretaría de Gobernación.

Recepción: 05 Julio 2021

Aprobación: 05 Noviembre 2021

Resumen: La preocupación del papa Francisco por las periferias se hace patente en sus escritos, que hacen evidente la pertenencia del pontífice a los pueblos del tercer mundo. La encíclica Fratelli tutti (2020) se enmarca en la consistente orientación pastoral de Francisco de construir puentes en lugar de levantar muros (o de cavar zanjas) entre personas, naciones o religiones. El mensaje de Fratelli tutti puede ser interpretado en África como extensión de las enseñanzas de Juan Pablo ii en Ecclesia in Africa (1995) y de Benedicto xvi en Africae munus (2011), las dos exhortaciones apostólicas postsinodales dedicadas en exclusivo a África, que abordan temas como “la Iglesia-familia de Dios en África” o “Justicia, reconciliación y paz en África”, ampliamente desarrollados en Fratelli tutti con perspectiva planetaria.

En virtud de su cultura, accesible al Evangelio de Cristo, los africanos pueden abrirse de manera natural a la fraternidad y a la amistad social. Sin embargo, la historia de su continente ―atravesada por la dolorosa experiencia de la esclavitud y de la colonización, que aún continúa a través de ciertas políticas― los hace sentirse algo escépticos. El Evangelio sigue siendo ese mensaje subversivo capaz de corregir estas políticas fraternicidas ―esto es, que acaban con la fraternidad―.

Palabras clave: África, esclavitud, colonización, tercer mundo, justicia, reconciliación, Iglesia-familia de Dios, hermandad universal, política internacional, papa Francisco, Fratelli tutti..

Résumé: La sollicitude du Pape François pour la périphérie transparait aussi dans ses écrits qui trahissent son appartenance au peuple du tiers-monde. Fratelli tutti (2020) s’inscrit dans cette perspective pastorale de François de construire des ponts et non d’élever des murs (ou de creuser des fossés) entre les hommes, les nations ou les religions. En Afrique, la teneur de Fratelli tutti peut être perçue comme prolongement des enseignements de Jean Paul ii dans Ecclesia in Africa (1995) et de Benoît xvi dans Africae munus (2011). Il s’agit des deux exhortations apostoliques post-synodales consacrées exclusivement à l’Afrique. Elles abordent des thèmes comme

“Église-famille de Dieu en Afrique”, “Justice, réconciliation et paix en Afrique” qui sont amplement développés dans Fratelli tutti avec une visée planétaire.

De par leur culture, accessible à l’Évangile du Christ, les africains s’ouvriraient naturellement à la fraternité et à l’amitié sociale. Toutefois, l’histoire de leur continent ―traversé par la pénible expérience de l’esclavage et de la colonisation, qui se poursuivent encore par le biais de certaines politiques― les rend un peu sceptiques. L’Évangile demeure le message subversif capable de corriger ces politiques fraternicides ―c’est-à-dire, qui tuent la fraternité―.

Mots clés: Afrique, esclavage, colonisation, tiers-monde, justice, réconciliation, Église-famille de Dieu, fraternité universelle, politique internationale, pape François, Fratelli tutti..

Abstract: Pope Francis' concern for the periphery is also reflected in his writings which betray his belonging to the people of the Third World. Fratelli tutti (2020) fits into this pastoral perspective of Francis of building bridges and not of raising walls (or digging ditches) between men, nations, or religions. In Africa, the content of Fratelli tutti can be seen as an extension of the teachings of John Paul ii in Ecclesia in Africa (1995) and Benedict xvi in Africae munus (2011). These are the two post-synodal apostolic exhortations devoted exclusively to Africa. They cover topics such as: "The Family of God Church in Africa”, “Justice, reconciliation and peace in Africa” which are amply developed in Fratelli tutti with a planetary aim.

Through their culture, accessible to the Gospel of Christ, Africans would naturally open up to fraternity and social friendship. However, the history of their continent –afflicted by the painful experience of slavery and colonisation, which continues through certain policies– makes them a little sceptical. The Gospel remains the subversive message capable of correcting these fratricidal policies –that is, those that kill fraternity–.

Keywords: Africa, slavery, colonisation, Third World, justice, reconciliation, Church-family of God, universal brotherhood, international politics, Pope Francis, Fratelli tutti.

1. Introduction: le Pontificat de François et la pastorale de la périphérie

La réception de la lettre encyclique Fratelli tutti (ft) (2020) du Pape François, dont le retentissement est planétaire, ne peut pas se faire en Afrique sans une relecture des écrits antérieurs du Pape tels que l’exhortations apostolique Evangelii gaudium (eg) (2013), la lettre encyclique Laudato si’ (ls)(2015),[1] et aussi et surtout une relecture des exhortations apostoliques post-synodales, Ecclesia in Africa (ea) (1995), de Jean-Paul II, et Africae munus (am) (2011), de Benoît XVI. Si Ecclesia in Africa dresse un bilan et des perspectives de la mission évangélisatrice de l’Église en l’Afrique, Africae munus se veut une interpellation de l’Église d’Afrique à s’engager davantage dans la recherche des réponses efficaces aux problèmes socio-politiques et économiques qui freinent le développement de l’Afrique et font d’elle le continent le moins écouté, le moins respecté voire oublié.

L’élection de l’ancien archevêque de Buenos Aires, comme successeur de saint Pierre, “chose nouvelle”, fut perçue en Afrique comme un événement de grâce. Celui qui préside désormais à la charité ecclésiale universelle, ne vient pas du continent européen ni de l’Occident à tendance capitaliste. Mgr Jorge Mario Bergoglio est un latino-américain, un chrétien dont la vie de foi a été tissée par l’expérience des pays du tiers-monde. Cette disposition humaine, spirituelle et pastorale du futur Pape François le préparait à assurer un magistère dont la sonorité rimera quasiment avec les aspirations des peuples d’Asie, d’Afrique et de son sous-continent d’Amérique latine.

Venant d’un monde de la périphérie, le Pape François se reconnait proche de ceux qui se sentent oubliés, les pauvres, les marginalisés, ceux à qui l’humanité semble avoir été refusée, ceux qui sont exclus des hauts lieux où les décisions se prennent (les sommets du G7, G20, etc.). Dans Evangelii gaudium on pressent que François trace une ligne magistérielle qui prône la pastorale de la périphérie.[2]Avec Laudato si’, c’est un appel mondial à la protection de l’environnement, mais il s’agit davantage de la défense du bien commun.[3]Fratelli tutti se situe dans la logique du Pape François de la promotion du bien commun qui doit se fonder sur la fraternité et l’amitié sociale.[4]

Une lecture africaine de Fratelli tutti[5]fait (re)découvrir l’expérience africaine de l’Église Famille de Dieu, la problématique de la justice, de la réconciliation et de la paix pour tous, car l’Afrique est, sans conteste, le continent où l’appel à la fraternité et à l’amitié sociale suscitera à la fois adhésion et réticence. Adhésion: parce que l’Afrique semble refléter le lieu originel où la chaleur humaine est garantie et l’hospitalité assurée; la fraternité y serait tout à fait naturelle. C’est ce que le Pape qualifie de “sagesse des quartiers populaires”.[6]Réticence: parce que l’Afrique demeure le continent des victimes qui se méfient encore de leurs anciens bourreaux (les anciennes puissances coloniales). Le paradoxe aussi, c’est que la fraternité entre les africains (victimes de l’histoire) ne va pas de soi.

2. La figure du Bon Samaritain de l’Évangile et celle de l’Afrique rouée de coup: les défis de la fraternité et l’amitié sociale après l’esclavage et la colonisation des africains

Le Pape François a consacré le chapitre 2 de Fratelli tutti à une méditation de la péricope sur le Bon Samaritain (Luc 10,25-37), qui donne la quintessence du message évangélique concernant les relations interhumaines. Selon le Pape,

… si nous étendons notre regard à l’ensemble de notre histoire et au monde de long en large, tous nous sommes ou avons été comme ces personnages: nous avons tous quelque chose d’un homme blessé, quelque chose d’un brigand, quelque chose de ceux qui passent outre et quelque chose du bon Samaritain (ft, 69).

Dans Ecclesia in Africa, le Pape Jean Paul II traduisait les sentiments de beaucoup d’africains en ces termes:

Pour plusieurs Pères synodaux, l’Afrique actuelle peut être comparée à l'homme qui descendait de Jérusalem à Jéricho; il tomba entre les mains de brigands qui le dépouillèrent, le rouèrent de coups et s'en allèrent, le laissant à demi mort (cf. Luc 10, 30-37). L’Afrique est un continent où d'innombrables êtres humains –hommes et femmes, enfants et jeunes– sont étendus, en quelque sorte, sur le bord de la route, malades, blessés, impotents, marginalisés et abandonnés. Ils ont un extrême besoin de bons Samaritains qui leur viennent en aide (ea, 41).

Jean Paul II ajoute:

Pour ma part, je souhaite que l’Église continue patiemment et inlassablement son œuvre de bon Samaritain; en effet, dans une longue période, des régimes aujourd'hui disparus ont fortement éprouvé les Africains et affaibli leurs capacités de réaction: l'homme blessé doit retrouver toutes les ressources de son humanité (ea, 41).

En parlant des régimes qui ont éprouvé les africains durant une longue période, Jean Paul II fait sûrement référence à l’esclavage et à la colonisation dont les africains ont été victimes de la part de leurs frères en humanité, les européens. Peut-on dire de l’Église qu’elle a toujours œuvrer en Bon Samaritain aux côtés des africains? La réponse à cette question n’est pas facile à formuler. Mais une évidence s’impose quant à la vérité de l’Évangile dont l’Église est, à juste titre, porteuse: l’Évangile est du côté des opprimés. Comme l’a affirmé le Pape François lors de sa visite au Kenya, “le chemin de Jésus commence dans les périphéries, il part des pauvres et avec les pauvres, et va vers tous”.[7]

En effet, l’Afrique porte un souvenir douloureux de plusieurs siècles d’esclavage et de colonisation auxquels s’entremêla une mission d’évangélisation. Comme le relève Jean-Marc Ela, “le développement du commerce des esclaves fera un tort considérable au christianisme”.[8] Comment les nations dites chrétiennes (ou bien l’Église) en sont-elles venues à admettre la traite des africains pendant quatre siècles? Comment aussi comprendre la suggestion de Bartolomé de las Casas de substituer les africains aux indiens pour être transformés en bêtes de somme?[9]

En outre, l’afflux des missionnaires européens vers l’Afrique au xixe. siècle s’est fait dans le contexte d’expansionnisme européen “dont les causes premières sont économiques, politiques et culturelles”.[10] L’Europe explore l’Afrique au xixe. siècle pour la partager entre ses États et la coloniser.[11]Dans ce contexte, l’extension missionnaire au xix. siècle apparait, malheureusement, comme un aspect de l’expansion de l’Occident dans le monde.[12]

À la lumière de cette rétrospective analytique des événements (esclavage, colonisation et mission d’évangélisation) qui ont marqué l’Afrique, le théologien camerounais dira que le défi historique que le christianisme doit relever en Afrique se résume dans la question suivante :

… comment adhérer à Jésus-Christ après l’alliance qui, depuis l’esclavage et la colonisation, s’est établie entre “Révélation et domination”? Ce défi n’a cessé de nourrir les débats et les réflexions dans un contexte ecclésial où l’émergence du discours théologique africain est liée à la prise de conscience du malaise vécu par les chrétiens d’Afrique dans l’Église.[13]

De nos jours, l’esclavage est officiellement aboli et les pays africains sont théoriquement indépendants. Mais le racisme, l’esclavagisme, le colonialisme n’ont pas complètement disparu; ils ont pris d’autres formes: le néo-colonialisme, la géopolitique, la géostratégie, la géoéconomie, prédation des multinationales, les manœuvres cyniques des lobbyings internationaux, le manque de volonté politique, la mauvaise gouvernance, l’injustice sociale, l’égoïsme, l’égocentrisme, le tribalisme, etc. C’est au cœur de ces réalités que l’Évangile de Jésus Christ se fait aussi entendre.

En effet, malgré la douloureuse expérience de la rencontre entre l’Europe et l’Afrique, il faut reconnaitre que cette rencontre, si controversée, a permis aussi l’annonce de l’Évangile aux africains. Ceux-ci ne l’ont pas rejeté. La terre africaine n’a pas refusé le contenu de la foi (depositum fidei) reçu des apôtres. Le premier Synode africain a été un moment privilégié de constater l’expérience de foi reçue et vécue par les africains. C’était aussi le lieu d’une réflexion théologico-pastorale pour murir davantage cette expérience. Il importe de souligner le mérite des Pères du premier Synode africain d’avoir épousé le concept d’Église Famille de Dieu (ea, 63), pour traduire l’expérience de foi chrétienne d’Afrique à conserver et à proposer à toute l’Église.

3. L’Église Famille de Dieu dans Ecclesia in Africa et la fraternité universelle dans Fratelli tutti

La notion d’Église Famille de Dieu en Afrique est un bel exemple du processus d’inculturation de l’Évangile effectué en Afrique. Dans Ecclesia in Africa, Jean Paul II écrit :

Non seulement le Synode a parlé de l'inculturation, mais il l’a appliquée en prenant, pour l’évangélisation de l’Afrique, l’idée-force de l’Église Famille de Dieu. Les Pères y ont vu une expression particulièrement appropriée de la nature de l’Église pour l’Afrique. L’image, en effet, met l’accent sur l’attention à l’autre, la solidarité, la chaleur des relations, l’accueil, le dialogue et la confiance. La nouvelle évangélisation visera donc à édifier l’Église Famille, en excluant tout ethnocentrisme et tout particularisme excessif, en prônant la réconciliation et une vraie communion entre les différentes ethnies, en favorisant la solidarité et le partage en ce qui concerne le personnel et les ressources entre Églises particulières, sans considérations indues d’ordre ethnique. “Il est vivement souhaité que les théologiens élaborent la théologie de l’Église Famille avec toute la richesse de son concept, en dégageant sa complémentarité avec d'autres images de l’Église” (ea, 63).

Le chapitre 3 d’Ecclesia in Africa,[14] souligne l’importance de l’inculturation comme moyen par excellence d’enraciner l’Évangile dans une culture, car l’inculturation est au fondement de la mission évangélisatrice de l’Église. Citant l’exhortation apostolique Evangelii nuntiandi, de Paul vi (n° 18), Jean-Paul II affirme qu’ “évangéliser c’est porter la Bonne Nouvelle dans tous les milieux de l’humanité et, par son impact, transformer du dedans, rendre neuve l’humanité elle-même” (ea, 54). L’évangélisateur doit aussi éviter toute attitude réductionniste de la tabula rasa à l’égard des cultures des peuples à évangéliser. Il doit se familiariser un tant soit peu avec la vision du monde propre à la société qui accueille l’Évangile. Il faut noter qu’à l’intérieur de chaque culture, la dynamique du changement est aussi importante que la quête ou le maintien de l’identité. L’un ne va pas sans l’autre car les cultures vivent et évoluent.

Les cultures africaines se présentent comme célébration de la vie et de la fécondité. La vie est au centre de l’existence africaine. On n’existe que dans la mesure où l’on communique et ajoute quelque chose de vital à la vie. L’africain est un être communautaire ayant un sens profond du mythe,[15]du rite, du signe, du symbole, du chant, de la danse et de la fête.[16] Pour cela, la vie africaine est une vie communautaire. Être exclu de la communauté signifie pour l’africain être tué. Chaque africain a conscience d’appartenir à une communauté; il ne se réalise qu’en assumant son rôle dans la communauté et en vivant les lois, les us et coutumes de celle-ci. La nature et tout le cosmos, y compris les morts, participent à la vie sociale.

Au fond, la réalité culturelle africaine est un monde dans lequel les morts et les vivants cohabitent dans la circulation infinie de la vie, “où je m’accomplis en me recevant d’autrui, de mes ancêtres, des dieux, où l’exister est cohabiter, être soi ensemble avec les autres”.[17]En ce sens, on peut affirmer que la notion d’Église Famille de Dieu en Afrique correspond à la vérité qui jaillit de la réalité culturelle africaine, laquelle n’avait pas suffisamment été prise en compte par le missionnaire européen.

L’un des mérites de l’anthropologie est d’avoir démontré que le grand partage entre société occidentale européenne et sociétés extra-européennes (Afrique, Asie, Inde...) était factice. Toute culture est culture humaine. La vocation universelle caractéristique de l’anthropologie est de comprendre toutes formes de sociétés dans un respect strict de relativisme culturel avec un regard empathique d’une observation participative. Car toute culture est un héritage constitutif de l’être humain. Elle perdure dans sa spécificité et peut s’ouvrir à d’autres valeurs, en l’occurrence l’Évangile. Si l’on tient compte de la réalité anthropologico-culturelle africaine, la figure du Christianisme en Afrique sera celle de la manifestation de la vie et de la vie en abondance (Jn 10,10). En ce sens, la théologie, la pastorale, la liturgie en Afrique devront promouvoir la vie reçue de Dieu et la faire rayonner.

Au demeurant, l’Église Famille de Dieu signifie que la vie se fait et se construit en famille; la fraternité se vit en famille, dans la communion avec tous les membres qui la composent, les vivants et les morts, sous l’autorité et la protection de la communauté et des ancêtres. Ainsi présentée, la culture africaine peut-elle être une terre fertile à l’Évangile. L’amour que véhiculent les cultures africaines entre les membres d’un même clan, fondé par le lien de sang, ou par le sang de sacrifice d’une alliance, prépare à comprendre l’amour entre tous les hommes, scellé par le sang de Jésus-Christ. Cette approche peut intéresser toute l’Église ainsi que toute l’humanité.

En effet, beaucoup de passages de Fratelli tutti soulignent l’idée d’appartenance de tous les hommes à une seule famille humaine (ft, 26, 68, 127, 141, 173, 205, 130, 276, etc.). François conçoit la vie sur la terre comme une vie de famille ou de famille des nations. Aux chrétiens qui seraient tentés de considérer les migrants comme étant dotés de moins d’humanité, François prescrit: “la dignité inaliénable de chaque personne humaine indépendamment de son origine, de sa couleur ou de sa religion, et la loi suprême de l’amour fraternel” (ft, 39). Un peu plus loin il écrit: “Le monde existe pour tous, car nous tous, en tant qu’êtres humains, nous naissons sur cette terre avec la même dignité” (ft, 118). Toutefois, on s’étonne de constater que, malgré l’usage foisonnant de la notion de “famille” dans Fratelli tutti, le concept d’Église Famille de Dieu n’y apparaît nulle part et aucune allusion n’est faite à Ecclesia in Africa. Et pourtant, lors de son voyage en République Centrafricaine, le Pape François emploie ce concept dans son homélie du 29 novembre 2015 (premier Dimanche de l’Avent).[18]

Si la famille (au niveau nucléaire, national, continental et planétaire) est un lieu d’épanouissement de la vie, l’on doit aussi reconnaitre qu’elle n’est pas toujours à l’abri des difficultés, des épreuves voire des conflits (ft, 240). Le deuxième synode spécial pour l’Afrique fut le lieu d’examens des défis socio-politiques et économiques du continent africain.

4. La justice, la réconciliation et la paix dans Africae munus, et l’appel de Fratelli tutti à la meilleure politique

Africae Munus, à la différence de Ecclesia in Africa, s’est particulièrement préoccupée de la question sociale en Afrique. Il faut préciser que ce thème n’est pas complètement absent dans Ecclesia in Africa où le chapitre 6 s’intéresse spécialement à l’engagement social de l’Église pour la justice et la paix. Ce sont les points de ce chapitre qui intéressent les Pères du deuxième synode.

La deuxième Assemblée spéciale pour l'Afrique du Synode des évêques célébrée à Rome du 4 au 25 octobre 2009 a eu pour thème: L’Église en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix: .Vous êtes le sel de la terre… Vous êtes la lumière du monde” (Mt 5,13-14). Avant d’aborder l’Exhortation post-synodale issue de ce synode, Africae munus (2011), essayons de voir les questions qui habitaient le cœur et l’esprit des chrétiens d’Afrique. En fait, l’Avant-propos des Lineamenta du Synode donnait les préoccupations clés de cette Assemblée en ces termes :

En union de cœur et d’esprit avec le Saint-Père, les Pères synodaux devraient affronter avec les armes de la lumière (cf. Rm 13,12) et avec une charité chrétienne raffermie et animée par l’espérance des disciples du Seigneur Jésus Ressuscité, l’actuelle situation complexe et pas toujours favorable en Afrique. Outre les obstacles à l’évangélisation qui peuvent provenir de motifs politiques, religieux ou sociaux, de graves problèmes interpellent les chrétiens et tous les hommes de bonne volonté. Il s’agit de situations de pauvreté, d’injustice, de maladie, d’exploitation, de manque de dialogue, de division, d’intolérance, de violence, de terrorisme, de guerre.[19]

En effet, après un siècle d’évangélisation et plusieurs décennies d’indépendance des pays d’Afrique, la dégradation du niveau de vie n’a pas cessé pour beaucoup d’africains. Globalement, la majorité de la population africaine vit dans un état de manque de biens et de services de première nécessité. La situation de l’Afrique ne peut pas ne pas interpeller les consciences. L’Afrique est encore aujourd’hui plus vulnérable que tout autre continent au plan politique et économique. Le continent africain est consciemment oublié dans ce monde qui se construit. On ne s’en souvient que quand il faut étaler ses misères ou l’exploiter. Alors quelle action mener en vue d’ouvrir une brèche d’espérance dans cette espèce de mur qui bouche l’horizon socio-économique des africains?[20] Cette triste réalité que nous observons dans la société, nous la retrouvons malheureusement aussi dans l’Église où la gestion des biens manque parfois de transparence.[21] Les préoccupations suscitées constituaient les points focaux du deuxième Synode africain.

Africae munus est structurée par Benoît xvi en cinq chapitres regroupés en deux parties.[22] Quel éclairage Africae munus apporte-t-elle à la situation de l’Afrique? Benoît xvi rappelle que les questions d’injustice, de division, de guerre et de pauvreté “ont mis le Synode face à sa responsabilité théologique et sociale” (am, 17). Il précise que la tâche des Pères synodaux n’est pas aisée, car:

Elle se situe entre l’engagement immédiat en politique ―qui ne relève pas de la compétence directe de l’Église― et le repli ou l’évasion possible dans des théories théologiques et spirituelles; celles-ci risquant de constituer une fuite face à une responsabilité concrète dans l’histoire humaine (am, 8).

Toute l’exhortation est marquée par ce ton de prudence et de délicatesse voire d’hésitation sur les questions concernant l’engagement frontal de l’Église contre les racines de l’injustice et de la pauvreté, à savoir: l’impérialisme de grandes puissances économico-militaires, les structures de péché, les injustices sociales, la mauvaise gouvernance. Pratiquement rien n’est dit contre les ambiguïtés des organismes internationaux. Le document insiste plutôt sur la formation à la Doctrine sociale de l’Église que les responsables de l’Église doivent donner aux laïcs, afin que ceux-ci puissent agir en chrétien dans les domaines politiques (am, 22, 23, 103, 111, 128, 134). Toutefois, Africae munus affirme :

Sur le plan social, la conscience humaine est interpellée par de graves injustices existant dans notre monde, en général, et à l’intérieur de l’Afrique en particulier. La confiscation des biens de la terre par une minorité au détriment de peuples entiers, est inacceptable parce qu’immorale. La justice oblige à “donner à chacun son bien propre” (am, 24).

Aujourd’hui de nombreux décideurs, tant politiques qu’économiques, prétendent ne rien devoir à personne, si ce n’est qu’à eux-mêmes (am, 82). Face à cette réalité, Benoît xvi rappelle le rôle de l’Église comme une sentinelle, comme annonciatrice de la libération apportée par le Christ.

À cause du Christ et par fidélité à sa leçon de vie, elle se sent poussée à être présente là où l’humanité connaît la souffrance et à se faire l’écho du cri silencieux des innocents persécutés, ou des peuples dont des gouvernements hypothèquent le présent et l’avenir au nom d’intérêts personnels (am, 30).

En outre, Benoît xvi dresse un tableau de la réalité existentielle de beaucoup d’africains:

Des millions de migrants, déplacés ou réfugiés, cherchent une patrie et une terre de paix en Afrique ou sur d’autres continents. Les dimensions de cet exode, qui touche tous les pays, relèvent de l’ampleur cachée des diverses pauvretés souvent engendrées par des défaillances dans la gestion publique (…). La situation de précarité de ces pauvres devrait susciter la compassion et la solidarité généreuse de tous; au contraire, elle fait naître souvent la peur et l’anxiété… (am, 84).[23]

Malgré le ton de prudence et de délicatesse de Benoît xvi, on peut retenir que l’injustice sociale et la pauvreté sont les maux qui sévissent en Afrique et qu’il faut combattre. Ce que Benoît xviI n’a pas dénoncé avec force ce sont les causes de cette injustice et de cette pauvreté en Afrique. Soulignons que ces causes sont externes et internes.

Michel Schooyans, dans son commentaire de la lettre encyclique, Sollicitudo Rei socialis (Jean-Paul ii, 1987), avait analysé quelques causes externes qui expliquent la situation de pauvreté et de dépendance des pays sous-développés à l’égard de ceux dits développés.[24] Il s’agit essentiellement de l’idéologie libérale fondée sur le concept du marché et la corrélation entre sous-développement et mal-développement.

Schooyans affirme que “l’injustice, ou plutôt les injustices, du système économique libéral classique ne sont que la conséquence d’une perversion fondamentale des rapports économiques. C’est à ce niveau originaire que l’injustice doit être dénoncée”.[25] La logique implacable du marché, tributaire de l’idéologie libérale, conduit même à sacraliser des objets et donc à leur sacrifier la dignité de l’homme.[26] Cette dérive influence jusqu’à la perversion du droit des relations internationales. Schooyans écrit :

On ne raisonne pas à partir de besoins de populations pauvres, ni à partir de leurs aspirations légitimes, ni à partir de leurs droits, moins encore à partir des devoirs de stricte justice que les riches auraient envers les pauvres. On se demande comment calibrer quantitativement et bientôt qualitativement cette population pauvre de façon qu’elle soit suffisante pour le service des consommateurs, sans lui laisser franchir un seuil où elle risque d’assiéger la table où se trouve dressé le couvert (…). Ces pauvres, il faut même les empêcher d’accéder à une prise de conscience qui les inciterait à projeter leur libération. Aliénés ils sont; aliénés qu’ils restent![27]

À la lumière de cette analyse, on comprend la pertinence de l’appel de François dans Fratelli tutti (chapitre 5) à œuvrer pour la meilleure politique.[28] Celle-ci doit commencer par une réforme de l’onu et des institutions financières mondiales qui causent tant de préjudices au pays faibles (ft, 173).[29] C’est au prix de cette réforme qu’une fraternité universelle ou une famille des Nations pourra se construire dans la vérité, la justice et la charité. Les dix-sept Objectifs du Développement Durable (odd) établis par les États membres des Nations Unies et intégrés au Programme du développement durable à l’horizon 2030 (l’Agenda 2030) resteront de vaines projections si rien n’est fait au plan mondial pour réduire l’inégalité établie entre les nations et les continents.[30]

La situation de pauvreté et d’injustice en Afrique renvoie aussi à des réalités internes à l’Afrique comme le néo-colonialisme, la division, le manque de volonté politique, la mauvaise gouvernance, le dilettantisme, le tribalisme, l’égoïsme, le népotisme, la méchanceté, la corruption, la médiocrité et l’ignorance. C’est l’ironie du sort pour des victimes de l’histoire qui semblent ne pas prendre toute la mesure de leur défaite historique. Cette vérité est dépeinte par Axelle Kabou dans son ouvrage[31] où elle fait voir l’attitude paradoxale des élites ou leaders politiques africains sur le plan national et surtout au niveau continental. Elle observe que les africains sont rétifs à l’idée de développement: ils méprisent la recherche scientifique, refusent de bouger avec le monde, négligent les grandes capacités d’innovation et de conversion des puissances industrielles. Pour Axelle Kabou, l’Afrique du xxie. siècle doit rompre avec cette mentalité et épouser la rigueur, la discipline et la détermination dans la recherche de solutions à son problème de développement.

La fraternité et l’amitié sociale que propose le Pape François exige donc de tout le monde beaucoup d’abnégation et de diligence aux fins de construire des relations interhumaines, interethniques, internationales, intercontinentales et interreligieuses aptes à maintenir la cohésion sociale et la paix sur la terre. N’est-ce pas là un objectif de l’Évangile de Jésus Christ?

5. Conclusion : Fratelli tutti ou la contribution chrétienne à la fraternité universelle et à la paix mondiale

La lettre encyclique Fratteli tutti, du Pape François, peut être considérée comme une contribution des disciples du Christ ―en souvenir de l’initiative de saint François d’Assise― à la fraternité entre les hommes. En ce sens, le Pape François se fait porte-parole de l’œcuménisme, de tous ceux qui confesse le Christ comme Seigneur et Sauveur, pour faire entendre à tous les hommes de ce temps, le cœur du message évangélique qui incite à la fraternité universelle.

Quelle peut-être la contribution de l’œcuménisme au renforcement de lien de fraternité entre les hommes des toute les langues, de toutes les cultures et de toutes les nations? Les Pères du Concile Vatican ii, dans le Décret sur l’œcuménisme, Unitatis redintegratio, ont souligné avec raison que la division entre les chrétiens “est pour le monde un objet de scandale et fait obstacle à la plus sainte cause: la prédication de l’Évangile à toute créature”.[32] “Une seule et unique Église a été instituée par le Christ Seigneur. Et pourtant plusieurs Communions chrétiennes se présentent aux hommes comme les véritables héritières de Jésus-Christ”.[33] Depuis cette prise de conscience des Pères conciliaires, des efforts ne cessent de se déployer, du côté catholique, pour rejoindre et soutenir le mouvement œcuménique, après des siècles de querelles, des durcissements des points de vue, de la méfiance, de l’arrogance, voire de conflits entre les disciples du Christ qui se dressaient les uns contre les autres à l’intérieur de leur propre maison (Église ou Famille).

Dans sa lettre encyclique Ut unum sint du 25 mai 1995, le Pape Jean-Paul II insiste sur l’importance, voire la nécessité de l’unité des chrétiens.[34]À la suite de ses prédécesseurs, le Pape François prône le dialogue entre les chrétiens. Au cours de sa visite en Centrafrique le Pape s’adressait aux communautés évangéliques centrafricaines en ces termes :

La division des chrétiens est un scandale, car elle est d’abord contraire à la volonté du Seigneur. Elle est aussi un scandale devant tant de haine et de violence qui déchirent l’humanité, devant tant de contradictions qui se dressent face à l’Évangile du Christ. Aussi, saluant l’esprit de respect mutuel et de collaboration qui existe entre les chrétiens de votre pays, je vous encourage à poursuivre sur cette voie dans un service commun de la charité. C’est un témoignage rendu au Christ, qui construit l’unité.

Puissiez-vous, de plus en plus et avec audace, ajouter à la persévérance et à la charité, le service de la prière et de la réflexion commune, dans la recherche d’une meilleure connaissance réciproque, d’une plus grande confiance et d’une plus grande amitié, en vue de la pleine communion dont nous gardons la ferme espérance.[35]

Le Pape ne se limite pas seulement à l’œcuménisme, il veut aussi promouvoir le dialogue entre les religions et tous les habitants de la terre. Le dernier chapitre de Fratelli tutti est une invitation à toutes les religions à œuvrer pour la fraternité dans le monde. Mais pour nous chrétiens, le Saint Père écrit :

“Si la musique de l’Évangile cesse de vibrer dans nos entrailles, nous aurons perdu la joie qui jaillit de la compassion, la tendresse qui naît de la confiance, la capacité de la réconciliation qui trouve sa source dans le fait de se savoir toujours pardonnés et envoyés. Si la musique de l’Évangile cesse de retentir dans nos maisons, sur nos places, sur nos lieux de travail, dans la politique et dans l’économie, nous aurons éteint la mélodie qui nous pousse à lutter pour la dignité de tout homme et de toute femme”. D’autres s’abreuvent à d’autres sources. Pour nous, cette source de dignité humaine et de fraternité se trouve dans l’Évangile de Jésus-Christ (ft, 277).

Si l’on s’en tient à l’Évangile comme support indépassable de l’orthodoxie, de l’orthopraxie, de la doxopraxie et de la praxodoxie de toute action chrétienne, nous dirions, à la suite du Pape François, que l’œcuménisme (ou bien le nous chrétien) peut apporter une contribution très significative dans la construction de la fraternité universelle. Le modèle chrétien de la fraternité peut servir efficacement de paradigme à l’amitié sociale et au renouvellement de la politique internationale en perte de vitesse et d’inspiration.

La fraternité chrétienne ne saurait être bâtie sur une appartenance à des cercles ésotériques fermés qui attirent beaucoup de nos concitoyens à cause de l’angoisse provoqué par la précarité existentielle et la recherche du confort. La fraternité, sous le régime chrétien n’est pas fondée sur des intérêts égoïstes du capitalisme néolibéral, caractéristique du monde occidental, terreau de l’individualisme. La fraternité selon le Christ, ne peut pas être fondée sur le lien de sang très cher aux africains, qui les poussent malheureusement au tribalisme et à la division.

La fraternité dans le Christ repose uniquement sur l’amour du prochain créée à l’image et à la ressemblance de Dieu (le Bon Samaritain). La fraternité chrétienne se comprend, se conçoit et se vit à la lumière de la vie, de l’enseignement, des actions et de la geste de Jésus-Christ, Verbe-Parole de Dieu faite chair, modèle à partir duquel tous les hommes sont créés. Le Christ nous dit. “Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique” (Luc 8,19-21 ; Mc 3,31-35; Luc 8,19-21).

Mais, comme nous le savons tous, la fidélité à la Parole de Dieu n’est pas facile. Nous faisons souvent l’expérience du péché qui nous éloigne de Dieu et de son Royaume et nous rappelle notre finitude humaine. Cette réalité de notre condition de pécheur peut nous décourager. C’est ici qu’il y a lieu de rappeler avec force la vertu chrétienne par excellence: l’espérance.[36] Dans un discours qu’il a préparé pour sa rencontre avec les jeunes, au cours de son voyage en Ouganda, le Pape François affirme:

L’espérance chrétienne n’est pas simplement de l’optimisme; c’est beaucoup plus. Elle enfonce ses racines dans la vie nouvelle que nous avons reçue en Jésus Christ. Saint Paul dit que l’espérance ne nous déçoit pas, parce que dans le Baptême l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint (cf. Rm 5,5). L’espérance nous rend capables de compter sur les promesses du Christ, sur la force de son pardon, de son amitié, de son amour, qui ouvre les portes à une vie nouvelle. Vraiment quand vous vous heurtez à un problème, à un échec, quand vous avez un temps d’arrêt, ancrez votre cœur dans cet amour parce qu’il a le pouvoir de changer la mort en vie et de repousser tout mal.[37]

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Notas

[*] Le P. Patrick Ndodé-Sikossi, op, de nationalité centrafricaine, est Docteur en Théologie systématique. Il est enseignant permanent à la Faculté de Théologie de l’Université Catholique d’Afrique Centrale – Institut Catholique de Yaoundé (ucac/icy).
[1] Il faut aussi ajouter ses homélies et ses allocutions lors de son voyage en Afrique (Kenya, Ouganda et Centrafrique) du 25 au 23 novembre 2015.
[2] Le Pape François insiste sur “l’intégration sociale du pauvre” (eg, 186) comme l’une des préoccupations majeures de l’Église dans le contexte de la nouvelle évangélisation. Notons que l’Exhortation est structurée en cinq chapitres regroupant 288 paragraphes sur les thèmes suivants: 1. “La transformation missionnaire de l’Église”; 2. “Dans la crise de l’engagement communautaire”; 3. “L’annonce de l’Évangile”; 4. “La dimension sociale de l’évangélisation”; 5. “Évangélisation avec Esprit”. Le chapitre quatrième est le plus volumineux des cinq; cela souligne l’importance de son thème pour le Pape François.
[3] La Lettre encyclique Laudato si’ (2015) est structurée en 248 paragraphes repartis en six chapitres portant chacun un thème majeur. Mais le Pape souligne que “certains axes traversent toute l’Encyclique. Par exemple: l’intime relation entre les pauvres et la fragilité de la planète; la conviction que tout est lié dans le monde; la critique du nouveau paradigme et des formes de pouvoir qui dérivent de la technologie; l’invitation à chercher d’autres façons de comprendre l’économie et le progrès; la valeur propre de chaque créature; le sens humain de l’écologie; la nécessité de débats sincères et honnêtes; la grave responsabilité de la politique internationale et locale; la culture du déchet et la proposition d’un nouveau style de vie. Ces thèmes ne sont jamais clos, ni ne sont laissés de côté, mais ils sont constamment repris et enrichis” (ls, 16).
[4] Le contexte de la pandémie du Coronavirus donne une connotation particulière à Fratelli tutti (2020). Au Chapitre 1, le Pape François fait le constat accablant de la situation de notre monde comme d’un monde fermé à l’image d’un cœur fermé à la misère des autres. Le Pape nous invite à la compassion à l’exemple du Bon Samaritain (chapitre 2). Il propose de concevoir et de bâtir un monde ouvert (chapitre 3), grâce à l’ouverture de nos cœurs à l’amour de Dieu (chapitre 4); de rechercher une meilleure politique internationale qui vise la charité sociale (chapitre 5); de promouvoir le dialogue et l’amitié sociale (chapitre 6); d’œuvrer pour le pardon et la paix (chapitre 7); et aux religions, d’être au service de la fraternité dans le monde (chapitre 8).
[5] La Faculté de Théologie de l’Université Catholique d’Afrique Centrale (ucac) a organisé le 9 décembre 2020 à Yaoundé une réception de Fratelli tutti qui a permis l’édition d’un ouvrage collectif: Cf. Augustin G. Messomo Ateba (Dir.), Réception africaine de la Lettre encyclique Fratelli tutti du Pape François (Yaoundé: pucac, 2021). Notre réflexion est aussi un écho de cette réception.
[6] Il s’agit d’une “sagesse qui jaillit de la “résistance obstinée de ce qui est authentique” (ls, 112), des valeurs évangéliques que la société opulente, endormie par la consommation effrénée, semble avoir oubliées. Vous êtes capables de tisser des “liens d’appartenance et de cohabitation, qui transforment l’entassement en expérience communautaire où les murs du moi sont rompus et les barrières de l’égoïsme dépassées” (ls, 149) (cf. Voyage apostolique du Pape François au Kenya, Discours au quartier pauvre de Kangemi, Nairobi, le vendredi 27 novembre 2015).
[7] Voyage apostolique du Pape François au Kenya, Discours au quartier pauvre de Kangemi, Nairobi, le vendredi 27 novembre 2015.
[8] Jean Mar Ela, Le Cri de l’homme africain. Questions aux chrétiens et aux Églises d’Afrique (Paris : L’Harmattan, 1980), 21. Jean Marc Ela précise que vers la fin du xviie et surtout au xviiie siècle, les besoins en main d’œuvre dans les plantations américaines ont décuplé le commerce des esclaves africains: “Les voyages “triangulaires” se sont organisés: les navires, partis d’Europe avec des marchandises de traite, les échanges sur la côte africaine contre des captifs, qu’on vend aux îles d’Amérique pour acheter du sucre et du tabac, vendus finalement en Europe. Les bénéfices sont énormes. Liverpool, Bristol, Nantes, Bordeaux édifieront ainsi une partie de leur fortune. À la fin du xviiie siècle, une grande partie du commerce extérieur se fait en Europe avec les colonies. La place des produits tropicaux (café, tabac, sucre, épices…) ne cessera de grandir dans les habitudes européennes”. (Ela, Le Cri…, 25).
[9] Cf. Gustavo Gutiérrez, Dieu ou l’or des Indes occidentales. Las Casas et la conscience chrétienne 1492-1992, traduit de l’Espagnol par Lucile et Martial Lesoy (Paris: Cerf, 1992), 117-119.
[10] Ela, Le Cri…, 25.
[11] Cf. Conférence de Berlin du 15 novembre 1884 au 26 février 1885.
[12] Cf. Ela, Le Cri…, 33-34. Voir aussi : Fabien Eboussi Boulaga Christianisme sans fétiche. Révélation et domination (Paris: Présence Africaine, 1981).
[13] Jean-Marc Ela, Repenser la théologie africaine. Le Dieu qui libère (Paris: Karthala, 2003), 31-32.
[14] Ecclesia in Africa est constituée de sept chapitres: chapitre 1: “Un événement ecclésial historique » (9-29); chapitre 2: “L’Église en Afrique” (30-54); chapitre 3: “Évangélisation et inculturation” (55-71); chapitre 4: “Vers le troisième millénaire” (72-85); chapitre 5: “Vous serez mes témoins” en Afrique (86-104); chapitre 6: “Construire le Royaume de Dieu” (105-126); chapitre 7: “Vous serez mes témoins jusqu’aux extrémités de la terre” (127-139).
[15] Michel Meslin affirme que “le mode de la représentation mythique n’est (…) pas une étape inférieure de la rationalité, mais le lieu où les valeurs considérées par l’homme comme fondamentales et transcendantes à sa propre condition lui apparaissent comme immanentes et humanisées”. Cf. Michel Meslin, “Mythe et sacré”, in Initiation à la pratique de la théologie (Paris: Cerf, 1982), 77.
[16] L’humus culturel africain ne signifie nullement que l’homme africain serait uniquement réglé et rythmé par ses émotions comme certaines idéologies ont voulu le faire croire; l’Africain n’est pas moins un homme de rationalité. (Cf. Eloi Messi Metogo, Dieu peut-il mourir en Afrique? Essai sur l’indifférence religieuse en Afrique, Yaoundé: ucac; Paris: Karthala, 1997).
[17] Augustin Dibi Kouadio, Afrique et son autre: la différence libérée (Abidjan: Strateca Diffusion,1994), 17.
[18] Signalons que c’est au cours de cette visite que le Pape François a ouvert, à la cathédrale Notre Dame de l’Immaculée Conception de Bangui, la première porte sainte, quelques jours avant l’ouverture officielle du Jubilé de la Miséricorde. Il attire ainsi l’attention du monde entier sur ce pays ravagé par la guerre, mais surtout, il fait de Bangui la capitale spirituelle du monde. En posant ce geste, le Saint Père réalise au cœur de cette nation centrafricaine, meurtrie par des multiples crises, un signe de la compassion de Dieu qui n’abandonne jamais certains membres de la famille humaine quelle que soit leur situation.
[19] Deuxième Assemblée Spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques, “Avant-propos” des Lineamenta (Cité du Vatican, 2006). C’est nous qui soulignons.
[20] Cf. Deuxième Assemblée…, n.° 8.
[21] Cf. Deuxième Assemblée Spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques, Instrumentum Laboris, n.° 61.
[22] Première partie: “Voici, je fais l’univers nouveau” (Ap 21,5): chapitre 1: Au service de la réconciliation, de la justice et de la paix; chapitre 2: Les chantiers pour la réconciliation, la justice et la paix. Deuxième partie: “À chacun la manifestation de l’Esprit est donnée en vue du bien commun” (1Co 12,7): chapitre 1: Les membres de l’Église; chapitre 2: Principaux champs d’apostolat; chapitre 3: “Lève-toi, prends ton grabat et marche!” (Jn 5,8).
[23] C’est nous qui soulignons.
[24] Cf. Michel Schooyans, “Dérives totalitaires et “structures de péché” ”, Nouvelle revue théologique, n.° 110 (1988): 481-502. L’auteur veut montrer que l’intention profonde de Sollicitudo Rei Socialis peut se traduire par l’analyse critique de l’idée de marché et des constructions juridico-politiques qu’inspire cette idée. Pour lui, la conception perverse de la logique du marché est à l’origine du sous-développement du tiers-monde et du mal-développement des pays occidentaux (Cf. Schooyans, “Dérives totalitaires…”, 498).
[25] Schooyans, “Dérives totalitaires…”, 489. C’est l’auteur qui souligne.
[26] Cf. Schooyans, “Dérives totalitaires…”, 497.
[27] Schooyans, “Dérives totalitaires…”, 493-494. C’est l’auteur qui souligne.
[28] Cf. Sur la “meilleure politique”, voir les articles de ce dossier d’Ildefonso Camacho S.J., d’Emilce Cuda et d’Evelyn Monteiro.
[29] Par exemple, José Comblin affirme que les États-Unis manipulent le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale de façon à imposer au tiers-monde les principes néolibéraux, c’est-à-dire le libre accès pour les capitaux et les entreprises nord-américaines. Cf. José Comblin, Où en est la théologie de la libération? L’Église catholique et les mirages du néolibéralisme (Paris: L’Harmattan, 2003), 156 et 197.
[30] Par exemple: au sein même de l’onu, le droit de veto est réservé à certains États membres sur des critères devenus obsolètes.
[31] Cf. Axelle Kabou, Et si l’Afrique refusait le développement? (Paris: L’Harmattan, 1991).
[32] Concile Vatican II, Décret sur l’œcuménisme, Unitatis Redintegratio, no. 1.
[33] Décret sur l’œcuménisme, Unitatis… no. 1.
[34] Aussi Cf. Paul vi,Ecclesiam Suam, Lettre Encyclique (Cité du Vatican, 1964).
[35] Voyage apostolique du Pape François en Centrafrique, Discours à la Faculté de théologie évangélique de Bangui [fateb], Bangui, le 29 novembre 2015.
[36] Cf. Jürgen Moltmann, Théologie de l’espérance. Études sur les fondements et les conséquences d'une eschatologie chrétienne, traduction de l’Allemand par Françoise et Jean-Pierre Thévenaz Paris: Cerf-Marne, 19783.
[37] Voyage apostolique du Pape François en Ouganda, Discours préparé pour la rencontre avec les jeunes, Kololo Air Strip (Kampala), le 28 novembre 2015.
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