L’analyse fonctionnelle du comportement verbal en thérapie analytique fonctionnelle
The functional analysis of verbal behavior in the Functional Analytic Therapy
L’analyse fonctionnelle du comportement verbal en thérapie analytique fonctionnelle
Acta Comportamentalia: Revista Latina de Análisis de Comportamiento, vol. 25, n° 1, pp. 117-134, 2017
Universidad Veracruzana
Résumé: L’objectif de cet article est d’introduire le lecteur francophone à l’analyse fonctionnelle du comportement verbal (Skinner, 1957) et son application en thérapie analytique fonctionnelle ou FAP (Kohlenberg et Tsai, 1991). Cette dernière propose d’influencer directement en consultation les comportements d’intérêt thérapeutique, dits cliniquement significatifs, en modifiant les antécédents et les conséquences du comportement du patient. Dans le présent article, plusieurs variétés de comportements verbaux cliniquement significatifs sont définies, sous le nom de mande, tact, intraverbale et autoclitique (Skinner, 1957) et illustrées cliniquement. Deux dimensions de ces comportements verbaux sont ensuite proposées afin de faciliter l’évaluation fonctionnelle de ces derniers pour le patient. En conclusion, certains apports de l’analyse clinique du comportement verbal des patients sont proposés afin de mieux appliquer les règles d’action prescrites en FAP. Mots clés : comportement verbal, thérapie comportementale et cognitive, thérapie analytique fonctionnelle, analyse fonctionnelle
Abstract: The purpose of this presentation is to introduce the French-speaking reader to the functional analysis of verbal behavior (Skinner, 1957), and its applications within Functional Analytic Psychotherapy (FAP). FAP invites therapists to directly influence clinically relevant behaviors during therapeutic sessions, by arranging their specific antecedents and consequences. In this paper, several functional varieties of verbal behaviors are defined as mand, tact, intraverbal and autoclitic (Skinner, 1957), and illustrated within the clinical setting. These verbal responses are defined as independent behavioral operations which exist both inside the therapy sessions and daily life. Two functional dimensions of generalization and behavioral compatibility are next proposed for the clinical assessment. This presentation concludes with the discussion of the therapeutic benefits of a clinical analysis of verbal behavior. In particular, we argue that the recognition of these independent verbal operations eases the application of at least four of the five therapeutic rules prescribed by FAP, namely, observing, evoking, responding to and generalizing clinically relevant behavior.
Keywords: verbal behavior, behavior and cognitive therapy, functional analytic psychotherapy, functional analysis.
L’évolution des Thérapies comportementales et cognitives (TCC) est couramment décomposée en trois vagues (Hayes, Masuda et De Mey, 2003). La dernière d’entre elles est principalement constituée des thérapies basées sur la pleine conscience (Kabat-Zinn, Lipworth et Burney, 1985 ; Segal, Williams et Teasdale, 2002), la thérapie dialectique comportementale (Linehan, 1987), la thérapie métacognitive (Wells, 2008), la thérapie d’acceptation et d’engagement (Hayes, Strohsal et Wilson, 1999), et la thérapie analytique fonctionnelle (Kohlenberg et Tsai, 1991 ; Tsai, Kohlenberg, Kanter, Kohlenberg, Follette et Callaghan, 2009). Un des objectifs commun à ces thérapies est la recherche de réponses plus adaptées aux cognitions et émotions plutôt que leur remplacement, ce qui est privilégié dans les thérapies de la deuxième vague (Dionne, Blais, Boisvert, Beaudry, et Cousineau, 2010). Pour ce faire, un des buts souvent fixé de ces thérapies de troisième vague est de guider le patient vers les propriétés concrètes de ces cognitions et émotions plutôt que vers leurs fonctions verbales (p. ex., Masuda, Hayes, Sackett et Twohig, 2004).
En l’occurrence, la thérapie analytique fonctionnelle que nous désignerons par l’acronyme FAP, pour functional analytic psychotherapy (Kohlenberg et Tsai, 1991), a proposé d’améliorer la modification du comportement en arrangeant le maximum de conséquences concrètes et immédiates aux comportements du patient, à l’intérieur même des séances de thérapie. Pour cela, elle applique systématiquement l’analyse fonctionnelle du type Antécédent/Comportement/Conséquence à la relation thérapeutique. Ce mode d’analyse fonctionnelle, connu sous le nom de modèle ABC (ang : Antecedent/Behavior/Consequence), dérive des recherches sur l’apprentissage opérant. Il constitue le modèle explicatif le plus populaire de l’origine et du maintien de nombreux problèmes abordés en analyse appliquée du comportement (Groden, 1989).
Ce modèle ABC offre une description fonctionnelle et pragmatiste du comportement du patient, répondant idéalement aux objectifs thérapeutiques de la FAP. Ces derniers consistent en l’occurrence à influencer les comportements en y arrangeant pendant les consultations des conséquences les plus naturelles, immédiates et spécifiquement adaptées à la situation. La FAP repose ainsi sur le principe qu’il est possible d’évoquer en consultation certains comportements représentatifs de la vie du patient, afin de renforcer ceux qui constituent un progrès dans la vie quotidienne, et de réduire le renforcement de ceux qui illustrent leurs problèmes. Ces manifestations in vivo du fonctionnement du patient sont nommées comportements cliniquement significatifs (Kohlenberg, Tsai et Kanter, 2009), abréviés par l’acronyme CCS.
Deux principaux CCS sont généralement distingués sur la base de leurs conséquences, c’est-à-dire de leur utilité pour le patient. Cette dernière peut être établie lorsqu’un comportement permet la satisfaction de certains besoins du patient, mais diminue aussi lorsqu’il la contrarie. En l’occurrence, les CCS dits de type 1 pâtissent d’une utilité relativement faible lors des séances psychothérapeutiques et peuvent refléter les problèmes du patient dans sa vie quotidienne. Les CCS de type 2 sont les comportements à renforcer en consultation du fait de leur plus grande utilité, et sont censés représenter les améliorations pour le patient en dehors des séances.
La FAP est ainsi structurée autour des CCS, au sujet desquels cinq règles thérapeutiques ont été définies (Tsai, Kohlenberg, Kanter et Waltz, 2009). Il s’agit respectivement 1) de les observer, 2) de les évoquer, 3) d’y répondre immédiatement, 4) de sonder l’effet de la réponse du thérapeute sur ces derniers, et 5) de promouvoir leur généralisation à l’extérieur de la thérapie.
Tsai, Kohlenberg, Kanter et Waltz (2009) ont en particulier proposé de faciliter l’application de ces règles en utilisant la théorie du comportement verbal de Skinner (1957). L’objectif général de ce présent article est donc de définir et illustrer cliniquement différentes variétés de comportements verbaux issus de cette théorie, chacune pouvant opérer à l’intérieur et à l’extérieur des séances psychothérapeutiques. En effet, Skinner a défini ces variétés en faisant relativement abstraction de la topographie (p. ex., leur signature vocale, les personnes en présence), pour conserver uniquement les opérations que le comportement effectue sur l’environnement, en fonction de celui-ci.
Le présent article vise à montrer comment la théorie de Skinner facilite l’application des cinq règles qui structurent la FAP. D’abord en aidant le thérapeute à distinguer (observer) des comportements verbaux pouvant avoir des fonctions différentes pour chaque patient. Ensuite en l’aidant à évaluer leur signification clinique par le biais de leur généralisation, et de la compatibilité entre leurs conséquences. En l’occurrence, le présent article propose d’étendre l’évaluation et la prise en charge FAP aux problèmes intrapersonnels. Ces derniers apparaissent lorsque les difficultés à trouver des réponses aux facteurs de stress sont plutôt d’origines émotionnelle, physique, ou plus maintenue par le propre comportement du patient que par celui d’autrui (D’Zurilla et Nezu, 2010).
Le présent article a aussi pour but, à travers ces définitions, de faciliter l’identification des moyens cliniques d’appliquer les deuxième et troisième règles de la FAP, à savoir évoquer les CCS verbaux et y répondre, respectivement. Notamment parce que la théorie de Skinner intègre d’emblée les antécédents des CCS verbaux dans ses définitions, ainsi que leur conséquence respectives. En outre, il vise à illustrer comment la distinction fonctionnelle de comportements verbaux permet de mieux choisir le moment où le thérapeute peut réagir au sein d’une conversation thérapeutique, notamment lorsque plusieurs comportements verbaux sont imbriqués dans de longs tours de parole.
Enfin, le présent article cherche à montrer comment l’analyse clinique du comportement verbal offre plusieurs moyens d’appliquer la règle 5 de la FAP, à savoir, favoriser la généralisation des comportements à l’extérieur des séances.
UNE DEFINITION FONCTIONNELLE DES COMPORTEMENTS VERBAUX
La première analyse scientifique et fonctionnelle du comportement verbal a été proposée par Skinner (1957). La fonction verbale y est définie par plusieurs variétés d’opérations comportementales effectuées sur le comportement d’un ensemble d’auditeurs et renforcés par ces derniers. Les comportements acquérant cette fonction sont ainsi considérés comme des opérants, parce qu’ils se sont reproduits ou éteints à cause des effets comportementaux qu’ils ont opéré sur l’auditeur. Cependant, Skinner a choisi de restreindre ces effets manifestes aux réponses de l’auditeur, également apprises de manière opérante, c'est-à-dire ayant aussi acquis une utilité pour lui. De ce point de vue, les comportements verbaux ont une utilité réciproque, pour le locuteur comme l’auditeur. Cette restriction a le mérite d’opérationnaliser indirectement l’origine du caractère plus arbitraire des relations entre la parole humaine et son sens, notamment avancé par des linguistes comme Saussure (1916). En effet, selon l’acception de Skinner, la signification ou la fonction d’un comportement verbal n’est ainsi pas absolue ou universelle, mais majoritairement relative à deux histoires d’apprentissage auxquelles l’auditeur et le locuteur ont été respectivement exposés. Ce caractère plus relatif ou arbitraire des fonctions de la parole a des implications thérapeutiques, dans la mesure où il motive l’étude idiosyncrasique des comportements verbaux, typique de la FAP.
Afin d’adapter la terminologie de Skinner à la clinique, nous utilisons souvent dans le présent article les termes patient pour locuteur. En effet, nous nous centrons sur les comportements verbaux du patient, même si cette analyse est aussi appliquée dans la FAP au comportement du thérapeute lui-même (Tsai, Callaghan, Kohlenberg, Follette, Darrow, 2009). Le terme auditeur initialement utilisé par Skinner sera en revanche conservé afin de se substituer aux termes plus spécifiques que sont thérapeute, interlocuteur, voir patient lorsque ce dernier répond à son propre comportement verbal. Le thérapeute ayant recueilli les conversations cliniques illustrant les variétés de comportements verbaux est en l’occurrence l’auteur du présent article.
La théorie du comportement verbal de Skinner consiste à distinguer différentes opérations comportementales dont les effets respectifs sont manifestés par les comportements opérants de l’auditeur, en fonction de l’environnement. Nous nous concentrons ici sur quatre variétés de comportements apparaissant comme d’un intérêt clinique majeur. Skinner les a nommées respectivement mand, tact, intraverbal et autoclitic.
Les mandes
Des quatre variétés de comportements verbaux discutées ici, la plus simple correspond sans doute à celle des mand (Skinner 1957), que nous traduisons par le mot mande en français. En effet, Skinner a tiré cette racine de différents termes tels que demand ou command, dont les équivalents français sont systématiquement accordés au féminin. Les mandes évoquent chez l’auditeur des réponses qui apportent, soustraient ou épargnent des conséquences spécifiques au patient. Par exemple, l’expression j’ai mal peut être apprise comme une mande au même titre que reste avec moi, pourvu que ces deux comportements opèrent le même effet manifeste sur l’auditeur. Les conséquences des mandes peuvent être tangibles (le toucher interpersonnel et affectif, la proximité et la chaleur interpersonnelle, les relations sexuelles, la sécurité physique, l’aide physique, la réassurance, l’argent, la coopération etc.) ou informatives (les renseignements, la validation). L’intégralité de ces conséquences ne peut être apportée par un psychothérapeute, à l’exception de la validation, l’attention, l’expression de l’estime pour le patient, la chaleur interpersonnelle (p.ex., la fréquence des sourires), ou encore un certain dévoilement de l’intimité.
Les procédures de renforcement négatifs et positifs peuvent illustrer cliniquement différentes opérations comportementales permises par les mandes. Le renforcement négatif peut induire par exemple des mandes permettant d’éviter certains évènements par l’intermédiaire de l’auditeur. Madame C était suivie par le thérapeute pour des problèmes dans ses relations intimes avec les hommes. Avec lui, elle avait identifié une tendance récurrente à l’auto-invalidation, qui avait accompagné plusieurs relations successives faites de violence et de soumission. Après un an de suivi environ, cette patiente pris l’habitude d’interrompre le thérapeute en répondant « oui, tout va bien » lorsqu’il lui demandait des renseignements concernant sa nouvelle relation amoureuse. Elle mit cependant plusieurs séances, qu’elle espaça de manière inhabituellement longue, à décrire au sein de cette nouvelle relation des conflits très éprouvants et concomitants des séances où elle affirmait que tout allait bien. Elle rapporta que des critiques fréquentes de ce partenaire à son encontre et à celui de sa jeune fille lui paraissaient convaincantes en situation, mais beaucoup moins après les séances psychothérapeutiques. Le dilemme que cela engendrait chez elle avait été détecté par son partenaire, qui avait de ce fait fréquemment critiqué le thérapeute. Après un conflit où son partenaire lui demanda de choisir entre lui et sa fille, elle reconnue en séance qu’elle avait voulu éviter de paraître en contradiction avec les engagements qu’elle avait formulés en présence du thérapeute pendant son précédent célibat, et qu’elle se sentait à l’époque « tiraillée ». L’expression « oui, tout va bien » lui permettait selon elle d’éviter de devoir faire un choix alors qu’elle était à l’époque très ambivalente. Elle interrompit cette relation conjugale par la suite.
En l’occurrence, un des intérêts de cette définition fonctionnelle des comportements verbaux est d’expliquer de manière opérante ces mandes implicites ou déguisées. Ces dernières sont par définition évoquées par des opérations motivantes, telles que des carences ou des excédents temporaires, mais se caractérisent par une topographie plus communément associée à des tacts. Par conséquent, la confusion possible de l’auditeur vis-à-vis de la fonction de ces mandes peut contrarier la satisfaction à long terme des besoins qui les motivent. En premier lieu, lorsque ce comportement correspond peu ou pas aux éléments de la situation auxquels il est censé faire référence, comme dans le cas du mensonge. En second lieu, lorsque le tact avec lequel la mande est confondu évoque chez l’auditeur des réponses moins adaptées qu’une mande explicite. En l’occurrence, certains propos inutilement choquants, mystérieux ou dramatiques, peuvent produire à court terme un gain d’attention du thérapeute, tout en réduisant à long terme leur crédibilité aux yeux de ce dernier.
Les mandes renforcées négativement peuvent aussi illustrer des évitements, par exemple de sujets intimes et douloureux. Monsieur M, un patient chez qui un diagnostic de trouble obsessionnel compulsif avait été identifié, commença ainsi plusieurs séances en abordant longuement des aspects de la vie actuelle du thérapeute. Après quelques tentatives inefficaces d’interruption de ces digressions, le patient reconnut qu’il avait peur d’entamer la séance d’exposition aux pensées intrusives prévue auparavant, suggérant que ces digressions évitaient cet exercice. De la même manière, Madame D, présentant un trouble anxieux généralisé, répondit aux propositions d’exposition aux sensations corporelles que le thérapeute fit au cours d’une séance par une longue série de questions difficile à interrompre (p. ex., « oui mais si… ?»). Comme les investigations du thérapeute le montrèrent par la suite, ces questions permettaient de différer le contact avec ces sensations.
Le renforcement négatif peut aussi entraîner la reproduction de mandes permettant d’échapper à certains événements par l’intermédiaire du thérapeute. Par exemple, alors que le thérapeute constatait après quelques séances avec madame H, une patiente ayant demandé des consultations pour des problèmes interpersonnels et une faible estime d’elle-même, « nous n’avons pas encore établit nos priorités », cette patiente répondit de manière décalée « ce n’est pas un manque de volonté, c’est difficile pour moi ». La suite de l’entretien révéla que cette patiente avait pris la question posée par le thérapeute comme un reproche, auquel elle voulait échapper.
Les évitements peuvent aussi s’illustrer verbalement par l’absence prolongée de certains comportements pouvant être considérés comme utiles dans la vie quotidienne. Par exemple, madame S se plaignait de problèmes relationnels résultant d’un harcèlement et de moqueries subis pendant son adolescence. Le thérapeute aborda avec elle la quasi-absence de contact oculaire entre eux lors des séances, qu’elle expliqua par le souvenir traumatisant du regard moqueur de ses pairs au collège. Il lui demanda alors si elle s’était abstenue de faire autre chose avec lui au cours des séances, ce à quoi elle répondit qu’elle avait souvent voulu demander ce que le thérapeute pensait d’elle, mais ne l’avait pas fait par peur d’entendre qu’il la trouvait idiote et faible.
Le renforcement positif peut à son tour entraîner la reproduction de mandes lorsque l’auditeur apporte quelque chose de spécifique au patient. Madame R, une autre patiente, répétait souvent et spontanément au cours des séances des plaintes somatiques sans cause organique avérée médicalement, ces dernières ayant aussi entraîné à long terme un rejet de la part de ses proches. Le thérapeute émis l’hypothèse après plusieurs séances que la patiente éprouvait un manque de reconnaissance des sévices sexuels qu’elle avait subies par un de ses parents, et ensuite que ces plaintes apportaient indirectement une certaine attention vis-à-vis de son statut de victime. Le thérapeute pris ainsi l’habitude, indépendamment des plaintes, de reconnaître explicitement l’existence et la portée de ces sévices. Cette stratégie sembla réduire les plaintes, suggérant qu’elles étaient probablement des mandes déguisées.
Du fait du caractère privé d’une partie de nos comportements, les mandes portant sur la subjectivité de l’auditeur revêtent aussi une importance particulière. Par exemple, les mandes portant sur la motivation d’autrui favorisent un meilleur discernement du caractère opportun de certains comportements du patient. De la même manière, les mandes portant sur les réactions subjectives d’autrui au comportement du patient ont leur utilité. En effet, ces mandes permettent aux réactions subjectives d’autrui d’influencer le comportement du patient en l’absence de réaction manifeste et spontanée de l’auditeur. Ces mandes portant sur la subjectivité de l’auditeur peuvent être cliniquement significatives lorsqu’elles sont trop rares, ou lorsque leurs caractéristiques sont désavantageuses.
Par exemple, Monsieur R, un patient consultant pour des problèmes interpersonnels, avait tendance à rendre souvent explicite ses analyses sur la conduite des personnes qui l’entouraient. Après plusieurs discussions sur les réactions à long terme de son entourage vis-à-vis de ces analyses, le thérapeute émis l’hypothèse que plusieurs personnes de son entourage finissaient par éviter le patient à cause de ces analyses. Les séances suivantes encouragèrent ce patient à faire des mandes sur les réactions subjectives de ses amis, comme « qu’est-ce que ça te fait lorsque je te donne mon avis comme cela sur cette personne ? ». Plusieurs personnes purent ainsi lui avouer que ces analyses les gênaient, parce qu’il donnait ainsi le sentiment qu’ils jugeaient les personnes autour de lui, et qu’elles-mêmes pourraient très bien faire l’objet de ce jugement. Les discussions thérapeutiques suivant le dévoilement de ces informations encouragèrent ce patient à faire plus souvent des mandes sur la motivation de ses amis à entendre ce type d’analyse.
Les tacts
Les tact constituent une deuxième variété d’opérations comportementales cliniquement significatives. Skinner a extrait cette racine de différents noms anglais, dont les termes contact ou intact, qui sont accordés au masculin en français. Nous conservons donc cet accord en genre dans le reste du présent article. De manière générale, les tacts réduisent l’incertitude d’un auditeur vis à vis d’une situation. Ils peuvent être ainsi être comparés à des renseignements nécessaires à l’auditeur, qui sont naturellement renforcés lorsque ce dernier valide une correspondance entre ces comportements et la situation à laquelle ils se réfèrent.
L’incertitude de l’auditeur qui occasionne le renforcement des tacts peut s’exprimer soit par des mandes explicites, soit par des comportements de l’auditeur la trahissant (p.ex., un froncement des sourcils ou une exploration visible de l’environnement). Par exemple, madame H annonça un jour spontanément au thérapeute qu’elle allait mal. Il lui demanda alors « pouvez-vous me décrire ce qui se passe en ce moment dans votre corps », ce à quoi la patiente répondit qu’elle avait l’impression d’avoir une pression sur la poitrine. Au cours d’un exercice d’attention portée aux sensations corporelles débutant un peu plus tard, le thérapeute lui demanda aussi « quelles pensées vous viennent à l’esprit là maintenant ? », ce à quoi elle répondit « je me dis que cela ne va jamais s’arrêter ». Ces deux mandes du thérapeute ne permettaient pas directement de guider la réponse de la patiente, mais donnaient une occasion à cette dernière de rentrer en contact avec ce type de sensations et ses cognitions. Comme ces deux échanges l’indiquent, la validité des tacts est épisodique, l’information apportée par les mandes de l’auditeur étant insuffisante pour évoquer un tact spécifique.
Cette dépendance des tacts vis-à-vis de l’incertitude de l’auditeur leur donne un aspect plus « désintéressé » que les mandes. Cependant, Skinner a expliqué cette possibilité par la généralisation de l’effet de divers renforçateurs à une même conséquence, telle que la validation. Elle peut s’exprimer en français par de nombreuses expressions telles que je vois, exact, c’est juste, je comprends, je ressentirai cela à votre place, c’est logique etc.
Les exemples cliniques des tacts abondent s’agissant de la subjectivité du patient, en raison de l’importance des mandes portant sur cette dernière. Ces tacts opèrent ainsi une réduction de l’incertitude de l’auditeur concernant la motivation du patient, ou bien l’effet que les comportements de l’auditeur ont eu sur lui. Un échange avec madame C, présentée plus haut, permet d’illustrer ces deux variétés de tact. Après plusieurs séances espacées d’au moins un mois, la patiente se présenta en consultation en voulant discuter de la programmation des séances. Suite à la proposition de continuer le rythme habituel de suivi, la patiente demanda s’il fallait encore maintenir les séances dans l’absolu. Supposant une mande déguisée, le thérapeute lui demanda si elle souhaitait en fait accroître la fréquence du suivi, ce à quoi elle répondit par l’affirmative et émit ainsi un tact touchant à sa motivation actuelle. De plus, lorsque le thérapeute lui demanda pourquoi elle n’avait pas demandé un rapprochement des séances, elle reconnut que les propositions d’espacement des séances avaient produit un sentiment de rejet, émettant ainsi un tact touchant à l’effet du comportement du thérapeute sur elle-même.
Les tacts du patient peuvent aussi toucher à la subjectivité d’autrui, lui donnant un moyen de tester sa description des réactions privées qu’’il attribue à l’auditeur. Par exemple, le thérapeute discutait avec madame E de sa rupture récente avec un partenaire, lorsque celle-ci lui répondit que « les hommes ne sont pas dignes de confiance, ils sont tous infidèles ». Le thérapeute lui demanda alors si à son avis à elle, il avait encore un espoir de l’aider concernant ses problèmes amoureux après ce qu’elle venait de dire. Elle répondit en riant, « sans doute aucun », émettant ainsi un tact renseignant le thérapeute sur la réaction subjective qu’elle lui attribuait.
Les intraverbaux
Les intraverbaux sont renforcés quant à eux lorsqu’une réponse régulière à un antécédent verbal est d’abord utile pour l’auditeur. Cette relation entre l’antécédent et la réponse est prévisible pour le patient, mais ne tient ni à une homomorphie (comme dans l’imitation verbale), ni à une correspondance conventionnelle entre les modalités sensorielles respectives de l’antécédent et la réponse (comme dans la transcription d’une dictée ou la lecture). Elle tient seulement à une convention quant à la fonction de l’antécédent verbal, c’est-à-dire à un lien logique.
Comme les tacts, les intraverbaux sont renforcés par des conséquences généralisées, bien que contrairement aux premiers, la validité de intraverbaux est générale et non épisodique. L’information apportée par le comportement de l’auditeur est en d’autres termes suffisante pour guider un intraverbal. Par exemple, un patient qui répondrait systématiquement bonheur à la question qu’est-ce que le mot mariage vous évoque spontanément ? émettrait un intraverbal, si cette réponse ne dépend que du comportement verbal qui la précède et pas d’un épisode spécifique de sa vie.
Ces intraverbaux peuvent en premier lieu être illustrées cliniquement par des définitions. Par exemple, monsieur M cité plus haut et exprimant de nombreuses obsessions, répondait de manière systématique à la question de ce qu’était « être heureux » par « c’est ne plus avoir ces pensées ». De la même manière, Monsieur O, précédemment cité et ayant reçu le diagnostic de dépression majeure, avait appris à répondre systématiquement aux questions sur son état de santé par « je n’ai de goût à rien », alors qu’il était en mesure de décrire d’assez fréquents épisodes de plaisirs après une investigation plus poussée. Par ailleurs, ce patient répondait « Moi, c’est E, E, E, énergique, enthousiaste et efficace » lorsque le thérapeute lui demandait comment il se définissait d’habitude, cet intraverbal occasionnant une forte anxiété en cas de fatigue ou de baisse de motivation.
Ces intraverbaux peuvent aussi s’illustrer par des règles, c’est-à-dire la généralisation de l’expression d’une succession entre antécédents, comportements et conséquences. Dans leur forme les plus abouties, les relations intraverbales peuvent correspondre à des règles de logique ou des stratégies de résolution de problèmes. En clinique, ces intraverbaux impliqués dans les résolutions de problème peuvent être illustrées par les stratégies dites rationnelles (ang. rational problem solving ; D’Zurilla et Nezu, 2010). Il s’agit d’une succession de quatre activités comprenant, dans l’ordre, la formulation concrète et détaillée des conséquences attendues dans une situation spécifique et des obstacles qu’elle contient, la génération de différentes solutions et leur évaluation sur la base de leurs conséquences concrètes, le choix de l’une d’entre elles, et enfin son application ainsi que l’évaluation de ses conséquences.
Ces intraverbaux formulant des règles s’illustrent aussi cliniquement par des relations moins rationnelles. Par exemple, au début de son suivi thérapeutique, Monsieur M répondait régulièrement qu’il arriverait « quelque chose de grave à mes enfants » lorsque le thérapeute lui demandait ce que serait la conséquence de vouloir refaire certaines vérifications. La relation entre les mandes d’information compulsives (p. ex., « suis-je réellement aller chercher ma fille à la piscine il y a trois ans ? ») et ces menaces était intraverbale, dans la mesure où la relation ne tenait pas compte des situations dans lesquelles le patient se trouvait.
Ces intraverbaux peuvent ainsi contribuer aux problèmes intrapersonnels et s’apparenter aux pensées répétitives non constructives (Watkins et Teasdale, 2001). Ces dernières sont des monologues abstraits évoqués initialement par des problèmes momentanés, mais se reproduisant de manière décontextualisée. Par exemple, lorsque le thérapeute aborda avec madame E les conflits récents avec son partenaire, elle répondit « pourquoi ma vie sentimentale ne marche pas ?... je crois que c’est à cause de l’abandon de mon père…Il a une maladie mentale… peut-être que j’ai hérité de cette maladie… je n’y arriverai jamais ». Ce monologue illustre la fonction intrapersonnelle de la mande « Pourquoi ma vie sentimentale ne marche pas ? », évoquant une séquence intraverbale entraînant régulièrement chez la patiente un sentiment de désespoir. Cette analogie entre pensées répétitives non-constructives et intraverbaux souligne le caractère cliniquement significatif de ces derniers, comme l’appuient plusieurs recherches récentes (p. ex., Stöber, 1998 ; Watkins, 2008).
Les autoclitiques
Les autoclitic, que nous écrirons autoclitique en français, constituent la dernière variété de comportements verbaux présentant une importance clinique significative. Ils sont dits autoclitiques car ils fléchissent l’effet cognitif et/ou affectif sur l’auditeur des comportements bruts (raw behavior ; Skinner, 1957) que sont les tacts, les mandes ou les intraverbaux. Les comportements verbaux sont considérés comme bruts s’ils ont d’abord acquis une fonction autonome, avant qu’elle puisse être altérée par les autoclitiques. Ces derniers ont plus de chance d’être renforcés lorsqu’ils rendent les comportements bruts du patient plus adéquats à la motivation de l’auditeur ou bien le guident mieux.
Il est aussi possible de définir les autoclitiques en utilisant la dichotomie entre mande autoclitique et tact autoclitique proposée par Peterson (1978). Les tacts autoclitiques apportent des renseignements nécessaires à l’auditeur relativement aux caractéristiques épisodiques d’un comportement verbal émis par le patient. Par exemple, après que le thérapeute demanda à Madame H « pourquoi dîtes-vous "il s’est moquée de moi" ? », elle répondit en utilisant l’autoclitique « j’en suis sûre, ça s’est vu ». Après plusieurs séances, cette patiente exprima ce même sentiment de moquerie, en fléchissant toutefois sa conviction par d’autres autoclitiques comme « j’ai juste eu cette impression, c’est vrai qu’il était peut être juste très occupé ». D’autres tacts autoclitiques comme j’imagine, je ne sais pas, je pense, une partie de moi me le dit, peuvent aussi opérer cette même réduction d’incertitude de l’auditeur quant aux caractéristiques épisodiques du propre comportement verbal d’un patient.
Par ailleurs, madame L, consultant pour des compulsions de vérification et une anxiété importante, avait l’habitude de se demander lorsqu’elle était seule chez elle si elle avait bien fermé l’un ou l’autre de ses appareils électriques (p. ex., son réfrigérateur). Invariablement, elle se répondait qu’elle n’était pas sûre de l’avoir fermé, ceci entraînant une compulsion pouvant aller jusqu’à une vingtaine de vérifications. Dans un tel cas, la réponse (intraverbale) qu’elle donnait à sa propre mande avait une fonction intrapersonnelle aversive, motivant cette patiente à vérifier maintes fois la fermeture des objets qu’elle avait utilisés. Afin d’évoquer cet intraverbal au cours des séances, le thérapeute demanda de manière récurrente à cette patiente si elle n’avait pas oublié de fermer quelque chose chez elle. Lorsque cette dernière répondait qu’effectivement elle n’était pas sûre (p. ex., « je ne suis pas sûr d’avoir éteint ma télévision »), le thérapeute lui demandait si elle avait d’autres priorités que de répondre à cette question. Cette mande du thérapeute visait à évoquer un tact autoclitique fléchissant les conséquences intrapersonnelles du doute initial (p. ex., « j’ai d’autres choses à faire de plus importantes avec vous en ce moment »).
De la même manière, Monsieur O, cité plus haut et soigné pour dépression majeure, à la question du thérapeute « vous dites que vous avez pensé au suicide, qu’en est-il aujourd’hui ? », répondit « je n’y pense plus ». D’autres compléments peuvent jouer ce même rôle autoclitique, tels que moins, tout le temps, jamais, parfois, aujourd’hui, depuis longtemps, dans la mesure où ils renseignement sur le degré de généralisation temporelle du comportement brut du patient.
Enfin, les voies passives et actives peuvent aussi avoir une fonction autoclitique comme l’illustre un échange avec monsieur O. Alors qu’il racontait au présent auteur le manque d’investissement qu’il vivait auprès de ses enfants et son impression consécutive d’être un mauvais père, ce dernier lui demanda « vous vous êtes dit délibérément que vous étiez un mauvais père ?». Ce à quoi monsieur M répondit « non, ce sont mes pensées automatiques qui l’ont dit ».
Les mandes autoclitiques précisent quant à elles, spontanément, la manière dont l’auditeur gagnerait à répondre aux comportements verbaux bruts. Leur topographie ne se distingue pas nécessairement des tacts autoclitiques, cependant, ils diffèrent par l’effet qu’ils opèrent dans la situation. Par exemple, dans un échange avec monsieur O sur la reprise de ses activités de loisir, ce dernier rapporta que « j’ai envie de reprendre le sport, mais je ne m’en sens pas capable ». Dans cette exemple, l’expression mais fléchissait l’effet sur le thérapeute des deux comportements bruts « j’ai envie de reprendre le sport » et « je ne m’en sens pas capable », en établissant spontanément une incompatibilité entre ces derniers. L’emploi dans un contexte similaire d’expressions telles que et, alors que peuvent opérer la même fonction de mandes autoclitiques, tout en spécifiant une relation moins causale et plus épisodique entre ces deux comportements bruts.
Les autoclitiques fléchissent aussi les conséquences affectives des comportements bruts en augmentant éventuellement l’utilité de ces derniers. Par exemple, la mande reste avec moi est sans doute plus utile accompagnée de ça me rassurerait que tu. Pendant un conflit interpersonnel, la réponse je suis en colère produira sans doute un meilleur effet accompagnée de depuis que tu as dit ça que de c’est de ta faute si. De la même manière, je ne peux pas changer gagne sans doute à être précédée par des autoclitiques précisant la partie de la personne à l’origine de cette réponse, comme une partie de moi me dit que ou mes pensées me disent que.
L’EVALUATION CLINIQUE DES COMPORTEMENTS VERBAUX EN FAP
L’analyse fonctionnelle du comportement verbal proposée par Skinner invite à évaluer l’utilité des variétés de comportements verbaux pour le locuteur, comme pour l’auditeur. L’évaluation clinique des CCS en FAP passe, en particulier, par une attention du thérapeute aux conséquences sur lui-même des comportements du patient, afin d’identifier à quel point ces derniers l’aident à guider le patient vers une satisfaction plus stable et équilibrée de ses besoins ou motivations interpersonnelles. Cette démarche d’évaluation de la FAP consiste à observer la qualité de l’information transmise ainsi que ses conséquences affectives sur le thérapeute et d’autres auditeurs significatifs dans la vie du patient.
Cependant, le thérapeute peut aussi évaluer sur ces mêmes bases des comportements verbaux impliqués dans des problèmes intrapersonnels (Callaghan, Gregg, Marx, Kohlenberg, Gifford, 2004). D’abord, la possibilité que les comportements verbaux définis par Skinner puissent avoir des fonctions intrapersonnelles dérive du principe que tout locuteur peut répondre à son comportement en tant que son propre auditeur (p. ex., Skinner, 1957 ; Lodhi et Greer, 1989). De plus, la théorie de Skinner suggère que le thérapeute peut influencer les fonctions intrapersonnelles du comportement verbal, dans la mesure où ces dernières s’expliquent par l’histoire des conséquences produites par l’environnement social (Skinner, 1957). Ensuite, les recherches cliniques portant sur les styles de résolution de problèmes comportementaux indiquent que leur efficacité respective est valable dans les domaines intra ou interpersonnel (Nezu et D’Zurilla, 2010), donc pour le thérapeute comme le patient.
Deux dimensions d’évaluation peuvent être déduites de la théorie du comportement verbal de Skinner. La première est la généralisation des comportements verbaux impliqués dans la résolution de problèmes comportementaux. D’une part, lorsque la formulation des problèmes est exclusivement généralisée à un grand nombre de situations possibles, il semble plus difficile d’y trouver des solutions concrètes (D’Zurilla et Nezu, 2010;D’Zurilla et Nezu, 1982). En outre, plus cette formulation se généralise, plus elle suggère à l’auditeur leur persistance et la difficulté d’y trouver une solution. Les fonctions affectives et cognitives de ces styles de résolution de problèmes sont en l’occurrence soulignées par les auteurs de la thérapie cognitive basée sur la résolution de problèmes (D’Zurilla et Nezu, 2010; D’Zurilla et Nezu, 1982).
D’autre part, la généralisation des règles de résolution de problèmes du patient présente à l’inverse des avantages pour l’auditeur, y compris le patient. En effet, lorsque les résolutions de problèmes sont exclusivement spécifiques, elles impliquent une répétition des efforts pour les solutionner, ainsi qu’une faible influence des conséquences à long terme (Watkins, 2011). Généraliser les règles de résolution efficientes peut conduire au contraire à une meilleure autogestion du patient dans la vie quotidienne. Cette attention du thérapeute à la généralisation des règles de résolution de problèmes comportementaux constitue en l’occurrence une application de la règle 5 de la FAP.
La deuxième dimension d’évaluation est celle de la compatibilité entre les conséquences des différents comportements du patient, indiquant l’utilité relative de ces derniers. Cette compatibilité entre des comportements est le fait qu’une partie d’entre eux permet ou favorise le renforcement d’autres comportements utiles. L’incompatibilité entre les comportements signifie à l’inverse que l’un deux contrarie, à court ou à long terme, le renforcement d’autre comportement.
La généralisation des comportements verbaux
Les tacts peuvent tout d’abord se généraliser de manière désavantageuse. Par exemple, lorsque le thérapeute discutait avec Madame D de ses épisodes d’anxiété, celle-là généralisait la réponse «mal» à diverses mandes d’information comme « comment a réagi votre corps lorsque vous êtes arrivée sur votre lieu de travail ?». Ces réponses qui deviennent prévisibles suite à d’autres comportements verbaux sont équivalentes aux intraverbales. Or, l’importance d’une expression spécifique et concrète des problèmes est soulignée par plusieurs recherches portant sur les pensées répétitives (p. ex., Douilliez et Philippot, 2012) ou sur la résolution de problèmes comportementaux (D’Zurilla et Nezu, 2010), et peut constituer l’expression verbale du contact avec l’instant présent (Heeren, Van Broeck et Philippot, 2009). De la même manière, tacter les réactions de son propre corps semble gagner en utilité lorsque cela touche à ses composantes spécifiques et concrètes (p. ex., l’allure de la respiration, le rythme cardiaque, la tension musculaire etc.) plutôt qu’à leur propriété générale (Watkins, Moberly et Moulds, 2008).
Certains désavantages de la généralisation verbale peuvent aussi s’illustrer par un caractère indûment et systématiquement allusif, imagé, métaphorique ou dramatique des propos. Par exemple, lorsque le thérapeute lui posait la question « s’est-il passé quelque chose cette semaine, vous avez l’air fatiguée ? », Madame H avait tendance à généraliser certaines expressions dramatiques aux situations de stress (p. ex., « ma collègue m’a mis un coup de poignard dans le dos », « c’est le diable en personne », « ma maladie est un monstre »). Ceci rendait plus difficile d’apporter des réponses simples et concrètes que les tacts plus spécifiques qu’elle put émettre un peu plus tard au cours de la thérapie (p. ex., « elle a exprimé mes difficultés en public », « il a déçu trois fois ma confiance », « ma maladie réduit ma mobilité et me fait peur »). Ce caractère désavantageux de la dramatisation (ou awfulizing en anglais) est en particulier soulignée par les tenants de la thérapie rationnelle émotive d’Ellis (1957).
L’implication des intraverbaux dans les cas de généralisation désavantageuse peut, comme nous l’avons déjà souligné, s’illustrer par le concept de pensées répétitives non constructives. En l’occurrence, la conséquence d’un mode de réponse principalement intraverbal aux problèmes ponctuels formulés par le patient est leur résurgence prévisible dans un grand nombre de situations, malgré leur absence de pertinence systématique. Pendant les consultations, cette généralisation désavantageuse peut s’apercevoir dans les monologues qui s’étendent en longueur et dérivent sur les mêmes sujets, comme nous l’avons illustré par le cas de madame C dans la section sur les intraverbaux.
D’autres désavantages de la généralisation verbale peuvent s’observer lorsque les réponses du patient n’ont presque systématiquement qu’un rapport indirect avec les comportements du thérapeute. Par exemple, madame H, qui se plaignait d’une généralisation importante de ses compulsions de fermeture des objets rencontrés dans sa vie quotidienne, ainsi qu’une forte rumination sur les causes de sa séparation avec son ex partenaire, avait par ailleurs tendance à répondre de manière trop souvent décalée aux mandes du thérapeute. Lorsque ce dernier lui demanda par exemple ce qui la poussait à vouloir un enfant durant sa période actuelle de célibat, celle-ci répondit « de toute façon mes parents me disaient que je ne pense pas assez aux autres ». Ce comportement, qui aurait pu répondre à la question que pensent vos parents de ce souhait d’avoir un enfant ?, s’était ainsi généralisé à la question du thérapeute par l’intermédiaire d’une relation entre ce souhait d’avoir un enfant seule et les réactions de ses propres parents.
Les autoclitiques peuvent aussi se généraliser de manière désavantageuse. Par exemple, à Madame X qui craignait d’avoir des pensées à thématiques sexuelles en présence d’enfants, le thérapeute posa la question « comment jugez-vous ces pensées non désirées ?». Elle répondit que « quand je me sens bien je ne dois pas avoir ce genre de pensées ». Cet autoclitique je ne dois pas généralisait la différence entre « je me sens bien » et « avoir ce genre de pensées », et établissait ainsi une incompatibilité entre ces comportements. Cela encourageait cette patiente à éviter tout contact avec le corps de jeunes enfants. Cette généralisation récurrente avait par ailleurs tendance à décourager momentanément le thérapeute de répondre à la demande d’aide de la patiente.
De tels autoclitiques généraux comme devoir et falloir spécifient une relation intraverbale entre ces comportements bruts. Leur usage récurrent est parfois désigné en langue anglaise par le néologisme musturbation (Ellis, 1997), considéré comme un signe de croyances intrinsèquement dysfonctionnelles par les tenants de la thérapie rationnelle-émotive d’Ellis (1957). Des autoclitiques plus spécifiques comme je peux aussi auraient pu cependant fléchir l’effet des comportements « je me sens bien » et « avoir ce genre de pensées », pour cette patiente comme pour le thérapeute. D’autres autoclitiques généraux comme donc indiquent aussi une relation intraverbale de causalité entre deux comportements bruts, alors que des autoclitiques plus spécifiques comme et puis expriment une relation de succession, plus épisodique que la causalité.
La compatibilité entre les comportements verbaux
Un premier exemple d’incompatibilité est donné par Monsieur M, qui avait progressivement évité la plupart des activités qu’il valorisait auparavant par peur d’être « contaminé » mentalement par la rencontre avec certains objets, ceci contribuant à une forme d’anhédonie. Le thérapeute remarqua par ailleurs que ce patient évitait de l’interrompre lorsque certaines obsessions lui faisaient perdre le fil de la conversation. Lorsque le thérapeute découvrit cette forme de distraction régulière, il put mettre en évidence que ce patient n’osait pas l’interrompre par peur de « vous ennuyer avec mes obsessions ». Dans cette situation, l’évitement d’une éventuelle réprobation du thérapeute contrariait la satisfaction du besoin d’aide pour lequel il venait consulter, et constituait une illustration clinique d’une incompatibilité entre ses comportements.
Un autre exemple d’incompatibilité peut être donné par une discussion avec madame E. Cette dernière, dont le père était absent pendant l’enfance, demanda au thérapeute ce qu’il pensait d’un livre traitant de l’identité des femmes. Après que ce dernier répondit que la recherche d’une identité permanente pouvait aussi avoir ses inconvénients, celle-ci répondit « la prochaine fois je ne vous poserai plus la question ». En répondant de la sorte, cette patiente risqua ainsi de punir une réponse honnête du thérapeute, alors qu’elle avait plusieurs fois décrit cette honnêteté comme une valeur centrale dans ses relations avec les autres, y compris avec le thérapeute. Ce type de comportement se révéla par la suite fréquent dans ses relations avec son partenaire. Par exemple, cette dernière demandait souvent à ce dernier de modifier son comportement dans différents domaines (planification des loisirs, prise d’initiatives, habillement, complicité), alors qu’elle lui reprochait par ailleurs sa perte de spontanéité. Ces mandes visant à changer les habitudes du partenaire étaient peu compatibles avec la mande ciblant la spontanéité du partenaire, ce désaccord finissant par contrarier profondément ce dernier.
Enfin, faire des mandes très fréquentes ou très coûteuses pour l’auditeur peut aussi contrarier à terme le renforcement d’autres comportements, comme le rapprochement interpersonnel. Par exemple, madame E avait pris l’habitude de demander à un de ses précédents partenaires d’énumérer toutes les femmes qui seraient en sa présence lorsqu’il n’était pas avec elle, ainsi que de consulter les courriers et messages téléphoniques de ce dernier. Ces mandes visaient à éviter une éventuelle infidélité, mais a finalement conduit le partenaire en question à s’éloigner de cette relation du fait de cet excès de contraintes et ce manque de confiance.
CONCLUSION
L’objectif général du présent article était de présenter certains apports potentiels de l’analyse fonctionnelle du comportement verbal dans l’application de la FAP. Pour cela, quatre variétés de comportements verbaux cliniquement significatifs ont été définies et illustrées. Un premier but de cette analyse était de faciliter pour le lecteur l’application de la règle 1 de la FAP, à savoir l’observation clinique des différentes variétés de comportements verbaux afin de mieux distinguer les variables qui entraînent leur maintien.
Ainsi, cette présentation a permis de mettre en lumière le risque clinique de prendre en particulier les mandes et les intraverbaux pour des tacts, notamment lorsque ces réponses sont isolées de leurs antécédents ou de leurs conséquences (p.ex., je ressens une contraction dans la poitrine ; j’ai des palpitations ; j’ai la gorge nouée ; j’éprouve un mal être ; je me sens mal). En l’occurrence, ces réponses isolées ne comporteraient un tact que si elles touchaient à un épisode défini dans le temps et dans l’espace, et si elles apportaient un renseignement nécessaire à l’auditeur. A l’inverse, si ces expressions étaient intraverbales, elles seraient émises de manière prévisible pour le patient à la suite des mêmes comportements verbaux. Dans ce cas, elles répondraient éventuellement à des mandes sur les habitudes générales (p.ex., quand vous êtes face à votre père, que ressentez-vous systématiquement ?). La reconnaissance de cette possible confusion est cliniquement importante du fait que cette dernière risque de laisser ou renforcer une formulation des problèmes du patient trop générale et donc peu utile dans le cadre d’une prise en charge comportementale.
La définition des comportements verbaux a aussi permis de soulever le risque de confusion entre tact et mande. Les réponses isolées précédemment citées seraient en l’occurrence probablement des mandes implicites ou déguisées si elles étaient émises « spontanément », sans qu’elles apportent un renseignement nécessaire à l’auditeur. Ces mandes déguisées pourraient cependant être provoquées par le thérapeute, notamment lorsqu’elles permettent habituellement d’interrompre son comportement (comme dans l’échappement), ou lorsqu’elles offrent l’occasion de l’empêcher (comme dans l’évitement). L’avantage de cette théorie du comportement verbal est en l’occurrence d’éviter le renforcement de ces mandes déguisées, en identifiant les renforçateurs qui les maintiennent.
Cette présentation a aussi suggéré quelques pistes permettant de faciliter l’application de la deuxième règle de la FAP, à savoir l’évocation des différentes variétés de comportements verbaux au cours des séances. La définition fonctionnelle des mandes implique notamment qu’elles sont évoquées par des opérations motivationtes telle qu’une carence ou un excédent. Un exemple de carence induite cliniquement est l’espacement trop important des séances, comme l’a illustré le cas de madame C dans la section sur les tacts. Ce cas suggérait l’intérêt thérapeutique de provoquer stratégiquement et de manière mesurée ce type de carence afin de favoriser l’évocation de ces mandes lorsqu’elles sont trop rares ou désavantageuses. Plusieurs exemples d’excédents provoqués par la relation thérapeutique ont aussi été donnés dans cette présentation, qu’il s’agisse d’exercices proposés par le thérapeute et subjectivement associés à un risque par le patient, d’un désaccord temporaire entre eux, ou d’un comportement affectant l’estime de soi du patient.
La définition fonctionnelle des tacts a aussi montré que leur évocation passe par l’expression d’un besoin d’information du thérapeute concernant des épisodes temporellement et spatialement définis. Ceci vaut aussi pour les tacts autoclitiques, pour lesquels le besoin d’information porte sur les caractéristiques épisodiques des comportements bruts. A l’inverse, l’évocation des intraverbaux est facilitée par des mandes faisant abstraction des situations spécifiques dans lesquelles s’est trouvée le patient.
Un autre objectif de cette présentation était aussi de faciliter l’application de la troisième règle de la FAP au sein même de la relation thérapeutique. En particulier, cette décomposition des paroles en variétés de comportements verbaux de significations cliniques potentiellement différentes, permet de mieux choisir le moment où réagir afin de le faire plus immédiatement, notamment lorsqu’ils sont imbriqués dans de longs tours de paroles. L’immédiateté de la réaction du thérapeute favorise en effet l’apprentissage opérant, comme l’indique le principe de contiguïté temporelle entre un comportement et sa conséquence (Shanks, Pearson et Dickinson, 1989).
Par ailleurs, la mise en relation théorique des variétés de comportements verbaux avec leurs renforçateurs respectifs suggère quelques pistes permettant un meilleur choix des conséquences naturelles qu’il est possible d’employer en fonction des CCS du patient. Tout d’abord, les tacts (autoclitiques ou non) et les intraverbaux sont liés à la réduction d’incertitude qu’ils apportent, et donc à la validation par le thérapeute lorsque celle-là est opportune. La validation stratégique suggérée par la FAP est notamment utile lorsqu’elle suit un progrès du patient dans la spécificité des informations transmises.
D’autres réponses du thérapeute peuvent aussi jouer le rôle de renforçateurs naturels de comportements verbaux cliniquement significatifs. En l’occurrence, certains comportements semblent valorisés par la plupart des humains, y compris le thérapeute. En particulier, la réciprocité des réponses du thérapeute et du patient semble conférer un caractère plus naturel aux conséquences manifestées par le thérapeute. En effet, certaines recherches sur la réciprocité sociale indiquent qu’elle est particulièrement valorisée par les humains (p. ex., Siegrist, 2005), comme le suggère, selon Skinner, l’utilité réciproque du comportement verbal pour le patient et l’auditeur.
En l’occurrence, la théorie de Maslow (1943) et certaines de ses applications récentes (p. ex., Taormina et Gao, 2013) suggèrent que cette réciprocité peut s’établir dans différents domaines découlant de besoins théoriquement universels. Par exemple, la satisfaction du besoin d’appartenance (Maslow, 1943) peut se faire stratégiquement et naturellement par le partage réciproque d’un certain dévoilement de l’intimité, d’une chaleur interpersonnelle et des émotions positives (Taormina et Gao, 2013), notamment lorsque le patient progresse dans chacun de ces domaines. De la même manière, la satisfaction du besoin d’estime de soi (Maslow 1943) peut se faire par l’expression stratégique des qualités que l’on trouve chez le patient, notamment lorsque celui-ci progresse aussi dans l’expression de son estime de soi ou des autres.
La théorie du comportement verbal facilite enfin l’application de la règle 5 de la FAP par deux biais. D’abord, certains autoclitiques peuvent être renforcés au cours des séances afin d’améliorer l’utilité de certains comportements bruts ne se présentant pas en consultation. En effet, selon Skinner (1957) ces autoclitiques peuvent constituer un cadre ou frame fléchissant l’effet d’une large variété de comportements bruts, dont certains sont rarement observés en clinique. Par exemple, des comportements comme j’aimerai avoir peuvent fléchir l’effet de comportements bruts comme plus de consultations avec vous ou plus de moments complices avec toi, ce dernier ayant peu de chances d’être évoqué pendant les séances. Renforcer ce type d’autoclitique au cours des séances peut donc être un moyen indirect de généraliser certains progrès thérapeutique dans la vie quotidienne.
Ensuite, la définition des intraverbaux suggère une autre piste visant l’application de la règle 5. En effet, l’apprentissage des règles de résolution rationnelle de problèmes (D’Zurilla et Nezu, 1982) offre une possibilité au patient de faire abstraction des spécificités des problèmes abordés pendant les séances afin de les résoudre de manière autonome dans sa vie quotidienne (D’Zurilla et Nezu, 2010).
Un autre objectif de cette présentation était de guider l’évaluation clinique en ciblant deux dimensions fonctionnelles des comportements verbaux. La première est la généralisation des comportements verbaux, à savoir la distribution des mandes, tacts, intraverbaux et autoclitiques en fonction des situations. Cette dernière a le mérite d’opérationnaliser leur dimension sémantique par un phénomène bien connu en analyse du comportement, tout en offrant un moyen parcimonieux d’évaluer leur signification clinique. La seconde dimension est le degré de compatibilité entre les comportements du patient, à savoir les conséquences qu’une variété de comportements a sur une autre. Cette dimension permet d’évaluer l’utilité relative des comportements verbaux de manière fonctionnelle d’une part, et de manière idiosyncrasique d’autre part. En effet, cette mise en relation fonctionnelle des comportements appris par un patient réduit la nécessité de normes d’évaluation, et permet ainsi de surtout relativiser la signification clinique des comportements et leur utilité aux besoins du patient.
Enfin, cette présentation visait à étendre le domaine d’application de la théorie du comportement verbal dans la FAP à l’évaluation et la prise en charge des problèmes intrapersonnels. Pour cela, les recherches sur les stratégies de résolution de problèmes comportementaux précédemment citées ont permis de montrer que le thérapeute peut évaluer la fonction intrapersonnelle des comportements associés en se fiant à leur effet cognitif ou affectif sur sa propre capacité à faciliter la résolution des problèmes du patient.
Une des limites actuelles de cette présentation est son caractère théorique, invitant à envisager un agenda de recherches dédiées à l’évaluation des bénéfices de cette théorie du comportement verbal en clinique. En particulier, une telle mise à l’épreuve passerait sans doute par une recherche des effets cliniques d’une intervention ciblée sur l’une ou l’autre des variétés de comportements verbaux, ainsi que par leur degré d’indépendance fonctionnelle.
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