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Remédiation et praxis énonciative
Remediação e práxis enunciativa
Remediation and enunciative praxis
Interin, vol. 23, núm. 1, pp. 8-25, 2018
Universidade Tuiuti do Paraná



Recepción: 09 Septiembre 2017

Aprobación: 25 Octubre 2017

Résumé: Si la remédiation est conçue comme la substitution d’un médium à un autre, provoquant la reconfiguration des contenus et des sémiotiques-objets portés par ces médias, elle peut être considérée comme un cas particulier de la praxis énonciative, cette conception de l’énonciation selon laquelle il n’y aurait jamais d’énonciation originelle, mais toujours des énonciations qui reprennent et transforment d’autres énonciations. Plusieurs problèmes en découlent, qui font l’objet de cette contribution (1) Il faut d’abord s’assurer que les manipulations du médium (substitution, combinaison, dérivation, ou autre) relèvent bien de l’énonciation : à l’évidence, dans la conception issue de Benveniste, ce n’est guère envisageable, et elle doit évoluer considérablement. (2) Jean-Marie Floch rapproche la praxis énonciative du bricolage lévi-straussien, mais tel qu’il le conçoit, il ne prend pas en considération le milieu-support des communications, et il concerne les innovations obtenues par associations et reconfigurations entre plusieurs artefacts culturels déjà existants. C’est alors la notion de « remédiation » qu’il faudrait faire évoluer pour qu’elle soit compatible avec celle de bricolage. (3) La praxis énonciative, de Saussure à Greimas, doit rendre compte de la persistance des significations, interprétations, intercompréhensions, malgré l’instabilité et le remaniement incessant des formes qui les suscitent. De ce point de vue, ce qui est constant vaut plus que ce qui change, et la remédiation aussi bien que le bricolage reposent sur un point de vue antagoniste. Cette contribution ne résoudra pas toutes les questions, mais s’efforcera principalement de proposer un cadre théorique pour l’énonciation qui serait susceptible d’accueillir les réponses de manière cohérente.

Mots clés: Remédiation, Bricolage, Praxis énonciative, Instauration, Réflexivité, Exploration.

Resumo: Se a remediação é concebida como a substituição de um meio (medium) por outro, provocando a reconfiguração dos conteúdos e das semióticas-objetos veiculados por esses meios (media), ela pode ser considerada como um caso particular da práxis enunciativa, essa concepção da enunciação segundo a qual nunca haveria uma enunciação original, mas sempre enunciações que retomam e transformam outras enunciações. Decorrem dessa premissa vários problemas, que constituem o objeto desta contribuição (1) Em primeiro lugar, deve-se certificar de que as manipulações do meio (substituição, combinação, derivação ou outro) derivam da enunciação: obviamente, na concepção de Benveniste, isso é inconcebível, e ela deve evoluir consideravelmente. (2) Jean-Marie Floch aproxima a práxis enunciativa da bricolagem levistraussiana, mas como a concebe, ela não leva em consideração o meio-suporte das comunicações, e concerne às inovações obtidas por associações e reconfigurações entre vários artefatos culturais já existentes. É então a noção de "remediação" que se deve fazer evoluir para que seja compatível com aquela de bricolagem. (3) A práxis enunciativa, de Saussure a Greimas, deve explicar a persistência das significações, interpretações, intercompreensões, apesar da instabilidade e da reformulação incessante das formas que as suscitam. Desse ponto de vista, o que é constante vale mais do que o que muda, e a remediação, assim como a bricolagem, se assentam sobre um ponto de vista antagônico. Esta contribuição não resolverá todas as questões, mas se esforçará principalmente em propor um quadro teórico para a enunciação que seja capaz de acolher as respostas de maneira coerente.

Palavras-chave: Remediação, Bricolagem, Práxis enunciativa, Instauração, Reflexividade, Exploração.

Abstract: If remediation is concieved as the substitution of one medium for another, generating the reconfiguration of the contents and the semiotics-objects conveyed by them (media), it can be considerated a peculiar matter of enunciative praxis, this conception of an enunciation according to which there would never be an original enunciation but only enunciations that take up and transform other statements. There are several questions arising from this premise, which are the subject of this contribution (1) First of all it may be attested that the manipulations of the medium (substitution, combination, derivation or other ones) derive from enunciation: obviously, in Benveniste’s idea, this is inconceivable and must evolve considerably. (2) Jean-Marie Floch aproximates the enunciative praxis to the Levi Strauss’ bricolage, but as he conceives it, it does not take into account the medium of communication, and concerns the innovations obtained by associations and reconfigurations among several cultural artifacts that already exist. Than the notion of “remediation” must be evolved to be compatible with that “bricolage”. (3) The enunciative praxis, from Saussure to Greimas, must explain the persistence of meanings, interpretations, intercomprehensions, despite the instability an incessant reformulation of the forms that arouse them. From this angle, what is constant is worth more than what changes, and remeadion, like bricolage, rests on an oponent point of view. This contribution will not solve all the questions but will mainly endeavor to propose a theorical framework to bring to the enuncionation the ability of admiting the answers in a coherent way.

Keywords: Remediation, Bricolage, Enunciative praxis, Establishment, Reflexivity, Exploration.

1 Introduction

La notion de remédiation pourrait, si on n’y prenait garde, recouvrir l’idée selon laquelle on n’invente jamais complètement de nouveaux médias, et que chacun d’eux résulte de la transformation – pourquoi pas par bricolage – de ceux qui les ont précédés. Il faut bien alors convenir qu’une telle perspective serait d’une désolante banalité, si ce n’est d’une désespérante trivialité. Toutefois, si elle est conçue comme la substitution d’un médium à un autre, provoquant la reconfiguration des contenus et des sémiotiques-objets portés par ces médias, ce transfert et cette transposition peuvent alors, d’une certaine manière, être considérés comme un cas particulier du principe général de la praxis énonciative, à savoir de cette conception de l’énonciation selon laquelle il n’y aurait jamais d’énonciation originelle, mais toujours des énonciations qui reprennent et transforment d’autres énonciations, le plus souvent antérieures. Cette seconde perspective est plus stimulante que la première, mais un tel rapprochement comporte plusieurs implications qui sont autant de problèmes à traiter ; en voilà au moins quatre.

(1) Il faut d’abord admettre que les manipulations (substitution, combinaison, dérivation, ou autre) du médium, c’est-à-dire, au sens propre, du « milieu support » où s’opère une communication-médiation, relèvent bien de l’énonciation. Ce n’est pas acquis : il suffit de mesurer par exemple l’écart entre, d’une part, les actuelles conceptions de l’énonciation littéraire et, d’autre part, le fait de considérer le choix d’une maquette éditoriale, et du design matériel d’un livre comme relevant de l’énonciation, pour s’en convaincre !

(2) Il faut ensuite admettre une superposition complète, ou majeure, entre énonciation et communication : là encore, on est loin du compte, puisqu’entre un sémioticien qui considère que l’énonciation est le point ultime d’un processus d’articulation de la signification (celui où se produit la manifestation et la sémiose), et un spécialiste de la communication qui s’intéresse à la transmission / médiation / réception des messages, l’accord est un horizon bien lointain…

(3) Si on considère comme Jean-Marie Floch que la praxis énonciative est un cadre général pour accueillir le cas particulier du bricolage[1], alors la difficulté s’accroît, ou paraît encore plus évidente, car le bricolage, tel que Jean-Marie Floch le conçoit et l’emprunte à Lévi-Strauss (1962), ne prend pas en considération spécifiquement le milieu-support des communications, mais concerne les associations et reconfigurations entre plusieurs artefacts culturels déjà existants (fragments de mythes, images, objets divers), ainsi que les détournements ou déviations de leurs usages, le tout aboutissant à des manifestations signifiantes cohérentes et inédites. D’un côté, on peut aisément convenir qu’il s’agit bien d’énonciation, au sens de la praxis énonciative (cf. supra), et à condition de prendre en considération l’horizon anthropologique sur lequel se joue cette scène énonciative, mais de l’autre, il faut reconsidérer substantiellement la notion de « remédiation » pour la faire plus ou moins coïncider avec celle de bricolage.

(4) Il ne faut pas oublier que la praxis énonciative, telle que conçue et définie par Greimas, est un concept indirectement hérité de Saussure, du moins de la version praxéologique de la linguistique saussurienne, telle qu’elle s’exprime dans ses Ecrits de linguistique générale[2]. Pour Saussure, le problème à traiter est celui de la stabilité du système de la langue et de la persistance de l’intercompréhension, malgré le remaniement permanent produit par la parole de la « masse parlante ». Pour Greimas, l’enjeu est le même, mais à hauteur des univers de sens en général, et plus seulement de la langue, et la praxis énonciative doit rendre compte de la possibilité de construire la signification de ces univers de sens malgré leur instabilité, leur fluence et leurs remaniements incessants. Par conséquent, du point de vue de la praxis énonciative, ce qui est constant et qui persiste vaut plus que ce qui change et qui dérive. Il n’est pas absolument certain qu’il en aille toujours de même pour les concepts de remédiation et de bricolage dans leurs acceptions les plus fréquemment invoquées.

Cette contribution n’abordera évidemment pas l’ensemble des problèmes ici soulevés, mais seulement les conditions qu’il conviendrait de réunir pour que la remédiation relève d’une conception étendue de l’énonciation.

2 De l’histoire des techniques à la rhétorique des objets-supports

La remédiation implique les relations entre les médias, autrement dit l’ « intermédialité ». Sous ce point de vue, elle relève globalement des relations diachroniques et synchroniques entre les médias, et notamment de leurs évolutions et de leur engendrement les uns à partir des autres. Ces relations ne sont pas en tant que telles et sans autre précaution, de nature sémiotique. Si on s’en tenait là, on adopterait d’ailleurs la première conception de la remédiation, considérée plus haut comme bien trop banale d’un point de vue sémiotique.

Ces relations entre médias appartiennent d'abord en effet à l'histoire et à la description des pratiques et des techniques médiatiques, qui constituent un domaine de recherche à part entière, préalable à toute autre exploitation. Elles peuvent n'être que cela, et on se contentera alors de relever les éventuels effets de sens qui en découlent. Mais d’ores et déjà, on voit bien que la question qui se pose est relativement indépendante des textes et des contenus qui sont pris en charge, et qu’elle concerne d’abord et surtout les pratiques et les objets qu’elles manipulent ; pour ce qui concerne les médias : les pratiques médiatiques, et les objets-supports qui caractérisent chacun de ces médias. Dans cette perspective, la manière dont les médias contemporains ont repris et transformé les médias traditionnels s’apparente par exemple à la manière dont l’automobile a repris et transformé la classification et les architectures des voitures à cheval : les processus de transfert, de reconfiguration et d’innovation y sont également à l’œuvre, et il revient à l’histoire des techniques d’explorer et d’expliquer de telles régularités.

Pour dépasser les simples effets de sens, et accéder à la dimension sémiotique de ces transformations, il faut franchir un pas supplémentaire, et être en mesure de définir le statut sémiotique de ces ensembles signifiants que sont les médias, ce qui permettra de considérer leurs évolutions comme des transformations sémiotiques. Pour convertir ces questions techniques et historiques en questions sémiotiques, on doit d’abord neutraliser la perspective diachronique, et ensuite faire l'hypothèse qu'elles participent d'une théorie de l'énonciation étendue, structurale et achronique. Les enchaînements de « prises » et de « reprises » médiatiques, de transformations ou déviations des règles de genres, les échos et les parentés entre des médias de nature différente peuvent alors être considérés comme relevant des opérations qui lient leurs diverses énonciations, c’est-à-dire de ce que Greimas appelait la « praxis énonciative ».

Mais ce n’est pas à proprement parler leur nature médiatique qui conduit à une telle hypothèse. Si l’on revient par exemple à l’histoire des moyens de locomotion, le transfert des différents types de voitures hippomobiles (coupés, cabriolets, limousines, etc.) aux voitures automobiles peut également, sous certaines conditions à définir, être abordé sous le point de vue de l’ « énonciation » et d’une rhétorique des techniques : on repèrera alors des « citations », des « mentions », voire quelques « métaphores » qui contribuent toutes à structurer notre représentation des nouveaux objets techniques sur le fond d’une exploitation et d’une reconfiguration des objets déjà existants ou même obsolètes. Cette rhétorique énonciative des objets techniques peut en outre, pour des raisons esthétiques et/ou mercatiques, être affichée comme telle dans le design des objets eux-mêmes, dont la conception donne à voir et à expérimenter les « parentés » et les filiations entre les différents moments et domaines de la technique.

Cet « affichage » énonciatif et rhétorique n’est pensable que si on prête au design des objets des propriétés « méta-objectales », ou « méta-techniques », une sorte de réflexivité énonciative dont les stratégies de la mercatique sont susceptibles de s’emparer. C’est ainsi, par exemple, que la marque de motos Honda a mis sur le marché en 2008 un modèle (Honda DN-01) dont l’architecture et le genre étaient sans conteste celui d’une motocyclette, mais dont une part importante des « codes » figuratifs était ceux d’un scooter, avec une stratégie ostensible d’hybridation hors du commun. On peut évoquer aussi la vogue des grandes berlines basses de Mercedes, Audi et Wolksvagen, conçues au début des années 2000, qui affichent ostensiblement les codes figuratifs et plastiques des coupés.

Par conséquent, s’il est question ici d’énonciation, ce sera d’abord parce qu’on aura fait l’hypothèse que les interférences et filiations entre techniques et objets techniques constituent des processus dotés des propriétés spécifiques de ce qu’il est convenu d’appeler « énonciation ». La première tâche à accomplir est donc l’identification de ces propriétés, dans les pratiques et dans les objets qu’elles manipulent. Mais, tout en nous reposant sur ces propriétés fondatrices, il nous faut bâtir une nouvelle conception de l’énonciation, propre à la dimension pratique du problème à traiter. Il est bien question d’une conception de l’énonciation qui permettrait de rendre compte de ce qui fait le lien entre les différents médias, dans et entre les pratiques et les techniques concrètes qui les engendrent et les transforment.

Ces énonciations pratiques doivent pouvoir être saisies autant que possible indépendamment des textes visuels, verbaux ou mixtes dont les médias sont les supports : le processus même que recouvre la notion de « remédiation » ne dépend pas principalement, en effet, des contenus et textes médiatiques. En outre les processus énonciatifs à l’œuvre n’appartiennent probablement pas exclusivement aux médias, et doivent pouvoir également rendre compte de phénomènes identiques, observables dans d’autres champs de la culture et des techniques. Il n’est à cet égard pas exclu que ces processus soient ceux mêmes de l’énonciation en général, et pas seulement des cas de remédiation, et c’est précisément ce que nous tenterons de montrer.

3 Quelques propriétés énonciatives à retenir

3.1. La réflexivité

La première propriété reconnue à l’énonciation est la réflexivité. Ce qui différencie pour Benveniste les morphèmes énonciatifs de tous les autres, c’est que leur contenu ne peut être déterminé que réflexivement, alors que l’on peut saisir transitivement les contenus des autres morphèmes. Soutenir que « je », « ici » et « maintenant » ne peuvent être interprétés qu’en référence à l’acte même d’énonciation, dont ils sont à la fois des composants et des descripteurs, c’est faire appel à la réflexivité interne de la sémiotique-objet considérée ; en somme, cette sémiotique-objet est en capacité de s’évoquer elle-même, d’évoquer la manière dont elle est produite, et les instances auxquelles on peut imputer cette production. En revanche, affirmer que « forêt » ou « rocher » peuvent être interprétés indépendamment de l’acte d’énonciation, et en référence à des classes de figures du monde naturel, c’est se reposer sur une relation transitive entre deux sémiotiques-objets : le langage naturel d’un côté, et le monde naturel de l’autre ; en ce sens, la sémiotique-objet est en capacité d’évoquer autre chose qu’elle-même.

3.2. La récursivité

La seconde propriété va découler de la première. La réflexivité permet d’installer au sein même de n’importe quelle sémiotique-objet un foyer de référence interne (ce que Benveniste appelle « l’instance de discours »), et à partir de ce foyer de référence, peut se déployer un réseau de dépendances : par exemple, à partir du « je », la dépendance «je/tu », puis la dépendance « je+tu/il », ou à partir d’ « ici », la dépendance « ici/là », puis la dépendance « ici+là/ailleurs ». Le déploiement de ce réseau de dépendances implique une deuxième propriété, la récursivité, appliquée à la première, la réflexivité. C’est donc la récursivité de la réflexivité qui permet d’engendrer le réseau de dépendances internes à partir du premier foyer de référence interne.

3.3. La médiation de l’expérience

Une troisième propriété est maintenant nécessaire pour compléter le dispositif élémentaire de l’énonciation dont nous avons besoin. Au-delà de son caractère réflexif, l’énonciation s’exerce néanmoins à propos de quelque chose qui appartient à une autre sémiotique-objet, que ce soit le monde naturel ou un monde imaginaire. Il faut donc supposer une instance de médiation selon laquelle la réflexivité-récursivité propre à la sémiotique-objet en question fonctionnerait au bénéfice de l’énonciation de cette autre sémiotique-objet qu’elle invoque et dont elle rend compte.

Cette instance de médiation est celle de l’expérience, qui instaure au sein de cet autre monde, qui sera évoqué transitivement, un premier foyer de référence sensible, centré sur la relation entre un témoin-observateur et le monde sensible. L’expérience sensible est déjà elle-même dotée d’une réflexivité sensible élémentaire : la proprioception, notamment, est très exactement ce qui nous permet d’éprouver en quoi nous sommes affectés en faisant l’expérience de quelque chose, d’éprouver en quoi et dans quelle mesure faire une expérience nous affecte au moment même où nous le faisons, et pour finir d’éprouver notre chair en tant que lieu et centre de l’expérience.

En énonçant, nous faisons appel à une expérience de ce que nous énonçons, et nous nous fondons pour cela sur la connexion entre deux réflexivités : celle, principalement déictique et modale, de l’énonciation proprement dite, et celle, principalement proprioceptive et affective, de l’expérience sensible ; nous assurons ainsi la médiation entre deux mondes.

3.4. Accessibilité et plasticité

Cette médiation implique immédiatement deux propriétés complémentaires : (i) l’expérience en question doit être accessible à une expérience réflexive interne, et (ii) elle doit être d’une plasticité suffisante pour être à la fois transposable et reconnaissable d’une sémiotique à l’autre (par exemple entre monde naturel et langage naturel).

Dans le cas de l’expérience sensible, l’accessibilité est couramment assurée par la proprioception qui régit la perception en général ; mais il faut imaginer d’autres types d’expérience, où l’accessibilité serait d’une autre nature que sensible : accessibilité technique, imaginaire, cognitive, etc. L’expérience en question doit pouvoir être à la fois convoquée (en mémoire, en projet, en représentation actuelle) et explorée réflexivement. Cette troisième propriété consiste donc en une autre médiation, entre l’expérience et le produit sémiotique de l’énonciation. Mais cette médiation étant une transformation entre deux sémiotiques-objets (au minimum : de l’expérience en une autre manifestation signifiante), elle est par nature la transformation d’une médiation, c’est-à-dire littéralement une « remédiation ».

Les conditions d’existence d’une instance d’énonciation sont donc au final : l’explorabilité-plasticité de l’expérience pour ce qui concerne la relation avec une sémiotique-objet externe « énoncée », et la réflexivité-récursivité de l’énonciation pour ce qui concerne le déploiement du réseau des relations internes à la sémiotique-objet « énonçante ».

3.5. De la réflexivité pratique à la dimension épisémiotique

L’histoire des techniques et des productions culturelles offre, tout au long du processus d’hominisation, de nombreuses occasions de valider ces propriétés fondamentales. Quelques deux millions d’années avant JC (c’est la période de l’Oldowayen), les hominidés fabriquent des choppers, des galets taillés avec un seul tranchant. La structure de l’outil présente deux interfaces : une interface dirigée vers le monde (le tranchant qui sert à modifier d’autres objets) et une interface dirigée vers l’usager (la partie préhensible du galet taillé). Moins d’un million d’années avant JC (c’est la période de l’Acheuléen), c’est-à-dire grosso modo un million d’années après l’invention des choppers, les hominidés inventent les bifaces, taillés avec deux tranchants, et selon une double symétrie : la symétrie entre les tranchants, et la symétrie entre les deux faces semi-planes. Les préhistoriens ne savent pas vraiment expliquer la manière dont on pouvait se servir de ces bifaces, notamment en raison de la disparition d’une interface avec l’usager qui soit clairement identifiable. Et ce d’autant moins que ce n’est que vers 200 000 ans (c’est l’époque du Moustérien) que l’on voit apparaître des outils composites, et notamment des armes, où le biface est associé à un manche ou une hampe en bois, et où il retrouve donc une interface identifiable avec l’usager.

Entre 800 000 et 200 000 ans, on ne s’explique pas pourquoi les hominidés fabriquent des choppers plus sophistiqués mais apparemment bien plus difficiles à utiliser. Le biface est à l’évidence un outil inventé en référence à un outil plus ancien, auquel ont été ajoutées des propriétés reposant sur des relations de dépendances internes à l’objet, sans référence identifiable à un nouvel usage. Cette transformation est une reconfiguration de l’objet antérieur par réflexivité et récursivité : c’est ainsi qu’on peut comprendre la double symétrie : une symétrie des tranchants par réflexivité, et une symétrie secondaire des faces semi-planes par récursivité. En outre, les préhistoriens démontrent, grâce à l’analyse des éclats et des techniques de percussion, que ces premiers outils humains sont taillés en suivant un programme et pour réaliser un projet d’usage bien défini, en relation directe avec des expériences qui auraient été accessibles (soit en mémoire, soit par anticipation), et suffisamment plastiques pour être transposées et « énoncées » dans la forme d’un outil.

Les préhistoriens interprètent parfois l’invention du biface comme une recherche d’harmonie dans la forme de l’outil, une harmonie propre et interne, que n’explique pas l’évolution de l’usage. Plus généralement, une nouvelle instance se met en place, fondée sur les propriétés d’une instance d’énonciation, qui permet aux pratiques techniques de devenir des pratiques sémiotiques. La médiation, en l’occurrence, repose sur la possibilité d’une régulation interne du cours des pratiques, et il faut alors supposer que ces dernières sont dotées d’une dimension « épisémiotique », subconsciente, réflexive et collective, dont on retrouve les expressions dans la morphologie des outils.

Nous devons donc concevoir une instance de régulation impersonnelle et diffuse, susceptible d’opérer à de très grandes distances spatiales et temporelles, et avec le même empan que l’évolution de l’espèce et des sociétés humaines. Nous sommes bien loin de la subjectivité et de la conscience individuelles. Pour rendre compte plus précisément de ce caractère impersonnel, diffus et multiple de la réflexivité pratique, nous faisons référence à une proposition d’Antoine Culioli : l’activité épilinguistique qui accompagne l’exercice de la langue de manière subconsciente et diffuse, et qui néanmoins explore et régule la signification des expressions en cours de formation. L’argument le plus convaincant en faveur de l’existence d’une telle dimension épilinguistique est encore fourni par l’évolution des sociétés et cultures humaines : les communautés culturelles inventent les écritures sans avoir à mettre en œuvre une analyse de la langue et de la parole et bien avant même d’être en mesure de constituer des grammaires et des lexiques. Si elles peuvent le faire, c’est que leurs pratiques linguistiques et symboliques quotidiennes sont accompagnées par une activité plus généralement épisémiotique, inséparable de ces pratiques.

Par extension, nous considérerons donc que toutes les techniques et pratiques humaines comportent une activité épisémiotique, qui serait l’autre nom de la réflexivité diffuse, impersonnelle et multiple que nous nous efforçons de circonscrire. Il en découle un retournement de la problématique de départ : nous cherchions dans quelle mesure une théorie de l’énonciation étendue pouvait permettre de comprendre les processus de remédiation, et nous découvrons que l’existence d’une « re-médiation » régulée au sein des pratiques est une condition nécessaire de l’accès à une énonciation sémiotique ! C’est la remédiation qui est la condition de l’énonciation pratique, et non l’inverse comme on pourrait le supposer au premier abord.

4 De l’énonciation polyphonique à l’énonciation pratique

Depuis Bakhtine[3], tous les textes, notamment romanesques, sont considérés comme des espaces de dialogue entre des voix multiples, de niveau et de nature toutes différentes. La problématique de la « polyphonie » a transformé en profondeur les conceptions linguistiques et sémiotiques de l’énonciation en général : confrontation entre idéologies, entre doxas et entre points de vue, l’énonciation est une instance de conflits et de négociations, d’ajustements et de reconfigurations.

Aujourd’hui, toute énonciation particulière est supposée participer à la « réénonciation » d'énonciations antérieures ou contemporaines. Cette propriété fait écho à la praxis énonciative selon Greimas[4]. Si on définit cette dernière comme « l’ensemble des actes par lesquels des discours sont convoqués, sélectionnés, manipulés et inventés par chaque énonciation particulière » (FONTANILLE, 1999), il conviendrait d’ajouter : du point de vue de la collectivité qui assume et intègre ces productions individuelles. Car, en effet, la praxis énonciative se caractérise également, et surtout, par sa contribution aux inflexions et reconfigurations du système de la langue, mais dans le sens où ce système perdure et continue à expliquer les usages de la langue. Dans Sémiotique des passions, Greimas et Fontanille précisent notamment :

La praxis énonciative est cet aller-retour qui, entre le niveau discursif et les autres niveaux, permet de constituer sémiotiquement des cultures. […] les ‘primitifs’ ainsi obtenus se présentent comme des taxinomies qui, sous-jacentes aux configurations convoquées dans les discours, y fonctionnent en quelque sorte comme des connotations, distinctes des dénotations qui résultent de la convocation des universaux. En ce sens, la praxis énonciative concilie un parcours génératif et un processus génétique et associe dans le discours les produits d’une articulation atemporelle de la signification et ceux de l’histoire. » (GREIMAS ; FONTANILLE, 1991, p. 88)

La réénonciation médiatique a donc quelques antécédents substantiels dans la tradition sémiotique du XXe siècle, à condition de pouvoir préciser ce que serait une énonciation pratique, à définir maintenant. Dans cette perspective, l’énonciation ne peut plus être considérée seulement comme un « acte d’appropriation individuelle de la langue ». L’individualité en question n’est qu’une phase particulière dans un processus qui reste collectif, et qui a toujours pour effet de confirmer ou infirmer, infléchir ou transformer, assumer ou récuser un système sémiotique qui n’est pas de nature individuelle.

Nous devons donc changer de plan d’immanence. Nous ne pouvons pas fonder une énonciative collective, polyphonique et évolutive sur le plan d’immanence de la textualité : elle est nécessairement d’ordre processuel et pratique, et c’est la raison pour laquelle Greimas avait choisi de la dénommer « praxis » énonciative.

A ce stade de la réflexion, nous disposons maintenant des éléments suivants :

- Toute énonciation présuppose et explore une expérience, antérieure, postérieure ou concomitante. Elle est premièrement diffuse et collective, et secondairement, sous conditions particulières, individuelle.

- Cette expérience peut être somatique, pratique, textuelle, ou tout autre: médiatique, scientifique, notamment.

- Cette expérience étant accessible à une exploration réflexive, et suffisamment plastique pour être transposée dans une autre sémiotique-objet, l’énonciation opère cette transposition en installant dans la nouvelle sémiotique-objet un foyer de référence et un réseau de dépendances internes.

5 La séquence canonique de l’énonciation pratique

5.1. L’instauration-énonciation

Dans son dernier ouvrage sur les modes d’existence, Bruno Latour (2012) propose de considérer que le sens advient dans le monde de l’existence par « instauration », c’est-à-dire plus précisément selon lui par l’intensification et l’extension de la présence, et sans qu’il soit nécessaire de poser au préalable de sujet et même d’actant auquel on imputerait une énonciation. L’instauration n’est imputable qu’à un état de choses dynamique, une instance diffuse et en cours d’émergence. S’agissant des pratiques, elles adviennent au sens parce qu’elles poursuivent leur cours malgré les obstacles et les résistances (en extension) et parce qu’elles ne peuvent le faire qu’en raison d’une force d’engagement qui maintient ce cours pratique (en intensification). Cette « instauration » extensive et intensive ne peut être imputée qu’à une instance diffuse, plurielle, et en mouvement, dotée d’une régulation épisémiotique.

Pour cette raison précisément, l’instauration est donc la forme primaire de l’énonciation pratique. Il y a énonciation parce que la signification émerge de la dynamique d’un cours d’action, et de l’activité d’une instance qui est elle-même en cours d’instauration. L’effet d’ « individuation » subjective est second, et ce n’est qu’un effet de sens conditionné. Nous avons supposé qu’elle est la transformation de l’expérience en une manifestation signifiante. L’expérience humaine en quête de sa signification devient une pratique sémiotique, dès lors qu’elle est elle-même par réflexivité accessible à l’expérience, et c’est le point de départ et la condition minimale du questionnement du sens.

Reste à établir maintenant le processus de cette médiation énonciative, qui est désormais considérée par principe, sur le plan d’immanence des pratiques et des objets, comme une « remédiation ».

5.2. La (Re)-médiation énonciative : réflexion et exploration

La première articulation de l’expérience immanente est une réflexion : « pratiquer » procure le sentiment de « pratiquer ». De part et d’autre du prédicat « procure le sentiment », le premier « pratiquer » est affectant, et le second est affecté. La réflexion élémentaire, dans le cours de la pratique, est un affect.

La seconde articulation est le déploiement de la transformation proprement dite sur l’axe syntagmatique, dans l’espace et le temps du procès de la manifestation. Le premier affect (réflexif) est une demande de sens, à laquelle répond une exploration de cet affect, qui aboutit par transposition à la production d’une sémiotique-objet. La production d’une sémiotique-objet, en l’occurrence, impose le plus souvent un changement de substance, marginal ou radical, et par voie de conséquence, d’objet et de milieu-support : l’exploration se complète alors d’une ou plusieurs transpositions substantielles, et la médiation énonciative peut donner lieu à plusieurs remédiations successives et enchâssées.

Chacune de ces deux articulations, la réflexion et l’exploration, donne lieu à une séquence pratique, la seconde sous la dépendance de la première, qui permet de passer de l’expérience pratique à la signification pratique.

5.3. La séquence de réflexion

Du côté de la réflexivité, au cœur de l’expérience immanente, on assiste à la « prise de forme », et à la « reprise ». De ce point de vue, toute praxis énonciative comporte, on l’a vu, une capacité de stabilisation ou de déstabilisation de formes, et des phases d’iconisation qui assurent la reconnaissance des moments significatifs du cours pratique. La réflexion forme et déforme des schémas et des modèles, et fonde la régulation épisémiotique.

La séquence de la réflexivité pratique peut donc être établie ainsi :

(1) Elle repose sur un affect élémentaire, le « sentiment de pratiquer », fondateur de la réflexivité propre à l’expérience pratique.

(2) Elle met en œuvre une activité de « prise » et de « reprise », la schématisation et la modélisation internes, permettant la reconnaissance de formes.

(3) Cette activité est en elle-même une transposition et une reconfiguration de l’expérience primaire, grâce à une activité (re)-médiatrice qu’on peut situer sur la dimension épisémiotique.

(4) L’ensemble de cette activité de re-médiation interagit avec le cours de l’expérience pratique lui-même, qu’elle soutient, infléchit ou détourne, en s’ajustant aux aléas et aux conjonctures.

5.4. La séquence d’exploration

La séquence d’exploration découle de la précédente. Pour instaurer le sens de la pratique, elle schématise et transpose une expérience. Pour ce faire, elle doit d’abord et en même temps extraire et explorer les propriétés de cette expérience, et les convertir en dépendances internes propres à une sémiotique-objet.

L’exploration est le déploiement en procès, par projection dans l’espace et dans le temps, de l’instauration d’une expérience primaire en manifestation sémiotique. Partant du « sentiment de pratiquer », l’exploration intensifie, spécifie et schématise cet affect. Elle sollicite l’expérience pour en extraire des schèmes et des propriétés, provoquer des réponses et transposer ces réponses en leur procurant un autre mode d’expression.

Ce processus est particulièrement mis en évidence, par exemple, quand il s’agit de visualiser des propriétés « invisibles » d’un corps ou d’un système physique quelconque : l’imagerie scientifique fait preuve d’une remarquable inventivité technique, pour répondre à tous les cas d’invisibilité et d’inaccessibilité : des interactions matières/énergies sollicitent le système physique pour en obtenir des réponses (des signaux de diverses nature technique), qui sont elles-mêmes soumises à la transposition substantielle qui les fait accéder à la visualisation, avec en chaque phase des changements de milieu-support. Les produits de ces « explorations » sophistiquées sont pris en charge par l’activité de schématisation-modélisation, ainsi que de spatialisation et de temporalisation, jusqu’à la visualisation finale.

L'exploration de l'expérience par l'énonciation-instauration pratique suit les phases d'une séquence canonique qui comporte au moins trois phases :

(1) une phase de « sollicitation » et d'excitation des objets de l'expérience pour en extraire des propriétés exploitables (information, signaux, qualités sensibles ou physiques),

(2) une phase de transposition de ces propriétés et des produits de l'interaction-excitation primaire dans les propriétés correspondantes d'une autre expression sémiotique (transduction informatique, projection sur un autre support, organisation plastique, etc.)

(3) une phase de manifestation sémiotique, qui se traduit par la production d'une sémiotique-objet sur son propre support et selon ses propres règles d'organisation et d'interprétation.

C’est ainsi que la double séquence de réflexion et d’exploration assure la (re)-médiation entre l’expérience primaire et la sémiotique-objet.

6 Conclusion

La remédiation n’appartient pas aux seuls médias : elle est au cœur même des processus d’énonciation pratique. Mais elle concerne aussi les médias, notamment parce que cette refondation de notre conception de l’énonciation permet de circonscrire plusieurs dimensions de la transformation des médias et d’en diversifier les approches.

Les médias ne sont pas des sémiotiques-objets homogènes et participent de plusieurs types de plans d’immanence : textes verbaux et visuels, objets-supports techniques, pratiques, stratégies et formes de vie. Les processus de remédiation peuvent affecter chacun de ces plans d’immanence. Mais c’est le plan d’immanence des pratiques, qui, parce qu’il recueille et transforme les expériences et les usages, régit ces transformations, notamment en reconfigurant dans de nouveaux médias les expériences procurées par les médias existants. Ces reconfigurations peuvent alors affecter tout ou partie des autres plans d’immanence.

Les séquences de la réflexivité et de l’exploration permettent de diversifier la description des processus et des résultats de la remédiation. Ils peuvent en effet reposer principalement soit sur les degrés d’accessibilité et les possibilités d’exploration, soit sur la réflexivité, soit sur la récursivité, soit enfin sur la plasticité et les possibilités de reconfiguration et de transposition : on voit alors la combinatoire se démultiplier.

Le principe de l’énonciation-instauration pratique ouvre donc l’analyse de la remédiation en deux directions complémentaires : la diversité des plans d’immanence et des modes de signifier (ou régimes sémiotiques) d’un côté, et les différentes phases de l’instauration-énonciation pratique (réflexivité et exploration) de l’autre. Mais on n’oubliera pas le renversement de perspective par lequel nous avons dû passer : nous cherchions dans quelle mesure une extension de l’énonciation pouvait englober les processus de remédiation, et nous avons été conduits à postuler que l’existence d’une remédiation est une condition nécessaire pour concevoir une énonciation pratique sémiotiquement consistante. En somme, la remédiation n’est pas un cas particulier de la praxis énonciative, mais, tout au contraire, une condition générale de toute énonciation pratique.

Les références

BAKHTINE, Mikhaïl, M. Esthétique et théorie du roman. Paris: Gallimard, 1978.

FLOCH, Jean-Marie. Identités visuelles. Paris: Presses Universitaires de France, 1995.

FONTANILLE, Jacques. Praxis and enunciation: Greimas heir of Saussure. Sign System Studies. Tartu: Tartu University Press, 2017.

_________. Sémiotique et Littérature. Essais de méthode. Paris : PUF, 1999.

GREIMAS, Algirdas-Julien; FONTANILLE, Jacques. Sémiotique des passions. Des états de choses aux états d’âme. Paris: Seuil, 1991.

LÉVI-STRAUSS, Claude. La pensée sauvage. Paris: Plon, 1962.

LATOUR, Bruno. Enquête sur les modes d’existence. Une anthropologie des Modernes. Paris: La Découverte, 2012.

Notes

[2] Voir sur ce point Jacques Fontanille, « Praxis and enunciation: Greimas heir of Saussure », Sign System Studies, Tartu, Tartu University Press, n°, 2017.
[3] Notamment dans Mikhaïl M. Bakhtine (1978).
[4] Significativement, le premier tome de Sémiotique. Dictionnaire de la théorie du langage (Paris, Hachette, 1979), ne comporte aucune entrée « praxis » ou « praxis énonciative ». Elle n’apparaît que dans le second tome (Paris, Hachette, 1986), toujours sous la direction de Greimas et Courtés, mais en écriture collective.
[1] « …nous avons tenté ici d’identifier certaines des conditions de production des identités visuelles conçues par bricolage, et nous proposerons de reconnaître dans celui-ci une forme particulière de praxis énonciative. » (FLOCH, 1995, p.6).


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