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BOISVERT Mathieu, Les Hijras: portrait socioreligieux d’une communauté transgenre sud-asiatique. Montréal: Les Presses de l’Université de Montréal, 2018, 251 p.
Anuário Antropológico, vol. 46, núm. 2, pp. 323-327, 2021
Universidade de Brasília

Resenhas


BOISVERT Mathieu. Les Hijras : portrait socioreligieux d’une communauté transgenre sud-asiatique. 2018. Montréal . Les Presses de l’Université de Montréal. 251pp.

Recepción: 19 Junio 2020

Aprobación: 01 Julio 2020

DOI: https://doi.org/10.4000/aa.8350

Les enjeux concernant les rapports de genre deviennent de plus en plus un objet d’intérêt pour les sciences sociales partout dans les institutions d’investigation. Une question reste pourtant à être explorée : comment les cosmologies non-occidentales perçoivent le genre en tant qu’une catégorie de construction sociale ? Marilyn Strathern soulignait déjà dans les années 1980, au fils de son ouvrage The Gender of the Gift (1988), que les conceptions occidentales sur le genre en tant qu’un sujet heuristique des sciences sociales devraient s’éloigner de la morale européenne, enracinée dans la naissance des études féministes, afin de comprendre de nouvelles édifications cosmologiques sur les rapports de genre et la notion de la personne. L’ouvrage de Mathieu Boisvert, professeur au Département de science des religions à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), s’insère dans cet écart des études de genres. L’auteur établit donc un portrait socioreligieux des études de genre et la réalité sud-asiatique de la communauté de hijras de l’état du Mahārāshtra. À partir d’un terrain mené dans la région de Bombay, en Inde, plusieurs séjours réalisés de 2012 jusqu’à 2015, Boisvert – avec la collaboration de deux autres professeures de l’UQAM et d’une étudiante en droit – cherche à construire une ethnographie, basée sur une trentaine d’entretiens et d’observations, sur cette communauté religieuse.

Qui sont les hijras et comment elles s’organisent en tant qu’une société indépendante de ces grandes agglomérations urbaines ? Deux ouvrages ont déjà été publiés au sujet de l’identité hijra. Toutefois, ce nombre reste très restreint si l’on considère la complexité de cet objet d’études. Le premier livre fut publié à la fin dans les années 1990 par l’anthropologue indienne – basée aux États-Unis et professeure à l’Université John Hopkins, Serena Nanda (1999). À la suite, une autre étude, celle-ci portant sur les hijras de la région sud du pays – fut publiée en 2009, par Gayatri Reddy (2006), étudiante dirigée par Nanda. Il est remarquable que Boisvert soit le premier chercheur occidental à rédiger un récit scientifique sur cette communauté, à part d’être un homme blanc – ce qui entraîne des conflits sur le terrain. Les hijras s’avère comme une analyse innovante et d’extrême pertinence pour les études sud-asiatiques.

Organisée en neuf chapitres, auxquels s’ajoutent trois récits de vie de trois interlocutrices, son œuvre s’investi à dépecer le sujet en tant qu’une catégorie heuristique pour une analyse religieuse. Jusqu’au septième chapitre, Boisvert prend la parole pour décrire les rituels sacrés et leur importance pour la construction de cette communauté en tant qu’un corps social particulier. Le huitième chapitre s’agit par conséquent d’une investigation rédigée par Isabelle Wallach, professeure au Département de sexologie de l’UQAM, au sujet du vieillissement et la relation hiérarchique au sein de la communauté. Le neuvième chapitre porte alors sur une analyse sociologique, écrite à quatre mains par Karine Bates, professeure du Département d’anthropologie de l’UQAM, en partenariat avec Mathilde Viau-Massé, étudiant à la Maîtrise en droit à l’UQAM, de l’acquisition des droits au fils de l’histoire de la nation indienne.

En commençant par une présentation de ces interlocutrices et des conditions dans lesquelles cette recherche fut menée, Mathieu Boisvert défend qu’il perçoive l’identité hijra au-delà du cadre décrit par Nanda dans les années 1990, selon lequel les hijras sont considérées comme des individus liminaires, ni homme ni femme. Pour l’anthropologue indienne, il s’agit d’une communauté qui défi les rapports de genre binaires. Boisvert soutient à la fois que l’identité hijra est une identité, avant tout et n’importe quelle chose, religieuse. La religion est enracinée dans la construction de la personne hijra, qui va chercher sa légitimation dans les croyances et textes religieux. Ayant des interlocutrices hindoues, musulmanes ou chrétiennes, le professeur canadien oriente sa recherche à partir de cette construction de la dévotion religieuse et la croyance sacrée comme un pilier de cette communauté. Quelques hijras interviewées lors du terrain affirme croire en plus d’un ordre religieux, tantôt hindoue tantôt musulmane.

À la suite, Mathieu Boisvert décrit, lors de son deuxième et troisième chapitres, la ritualité vécue par la communauté hijra. Le rit est de ce fait le rituel d’initiation au sein de la communauté locale. C’est à partir de cette cérémonie qu’une hijra sera présentée aux hijras de la ville, insérée dans une maison commune qui reprend des relations de parenté, et accueillie par sa guru, celle qui sera en charge de lui introduire au quotidien des hijras et de lui apprendre ses devoirs. Le nirvan est, pour sa part, l’apex de la ritualité hijra, quoiqu’il ne soit plus obligatoire pour qu’un sujet devienne une hijra reconnue par ses proches. Ce rituel compose le point le plus stigmatisé de la réalité hijra, c’est un rite de passage à travers duquel une hijra est émasculée et prend les pouvoirs sacrés, transmis depuis la déesse Bahuchara Mata, connue comme la mère de toutes les hijras. Auparavant, selon écrit Mathieu Boisvert, l’émasculation était faite à la maison, par une hijra ancienne, sans aucune anesthésie. C’était l’image la plus marquante de sa dévotion envers le sacré hindou. Actuellement, plusieurs hijras se font opérées à l’hôpital par des chirurgiens habitués à réaliser les chirurgies de ré-désignation sexuelle, ce qui engendre des conflits à propos d’un certain niveau de légitimation d’une hijra qui passe son émasculation à la manière traditionnelle et celles qui utilisent le milieu médical comme un raccourci pour accéder à cette position qui s’appelle, nirvani. À la fin de son ouvrage, Boisvert présente un tableau avec des informations pertinentes sur les participantes de sa recherche, avec l’âge, milieu d’origine, niveau de scolarisation et si nirvani ou non.

Les trois chapitres qui suivent portent aussi sur l’enjeux de la ritualité et ses rapports avec un ordre sacré. Tout au long du quatrième chapitre, ce qui est abordé par l’auteur c’est la relation entre les hijras est la pratique du pèlerinage – assez courante pour les hindoues et musulmans –, thème qui fut déjà explorée par Boisvert dans d’autres publications (voir Boisvert, 2010). Ce chapitre est dédié à décrire des expériences vécues à la région du Gurajat, Ahmedabad et, dans le temple de la déesse Bahuchara Mata et au temple de la déesse Yellama – considérée comme « la mère de tout », état du Karnataka, au temple d’Aravan, où chaque année il y a lieu, en avril ou mai, une cérémonie de mariage entre les hijras et Aravan à Tamil Nadou (extrême sud de l’Inde), le festival de Koovagam. De surcroît, l’auteur explore le côté musulman de ces pèlerinages, tout en destinant une section de ce chapitre à une analyse des observation réalisées auprès de mausolées musulmanes au nord de l’état du Mahārāshtra. Boisvert assure le rôle de la ritualité pour ces individus qui font de leur vies une dévotion identitaire. Dès lors, l’auteur va aborder les rituelles de bénédiction. D’après la cosmologie hijra, celles qui ont subi le nirvan sont dotées du pouvoir de la fertilité, en faisant leur profession. En effet, le badhai est une activité rituelle pratiquées par les hijras lors de quelques occasions en spécifique : la naissance d’un petit garçon, un mariage, voire l’ouverture d’un commerce. Ces performances sont entourées de danse, de musique d’une esthétique particulière qui fait des hijras des sujets artistiques qui utilisent leur corps comme acteur du sacré et de la propre bénédiction.

Le sixième et septième chapitre portent à la suite sur la relation entre la vie réelle et l’avenir, tout en explorant les rites funéraires des hijras et la relation de parenté comme un miroir de la structure sociale indienne. Au cours de ces chapitres, Boisvert va développer les expériences de ses interlocutrices avec leur famille d’origine, les rapports de loyauté et conflits avec la guru. Tous ces sujets dépassent en fait la conception d’izzat, originalement parcourue par Gayatri Reddy dans le deuxième chapitre de son livre. L’izzat peut être conçu comme le sentiment d’honneur de la famille qui entoure l’individu face à la société dans laquelle ils s’insèrent.

Les deux derniers chapitres sont rédigés, pour leur part, par une sexologue canadienne professeure à l’UQAM et une anthropologue du Département d’anthropologie de l’université en partenariat avec une étudiante en Maîtrise. Ces chapitres sont écrits depuis uns perspective sociologique qui explore le rapport entre l’expérience des hijras au sein de la communauté et le vieillissement et l’acquisition des droits fondamentaux face à la démocratie indienne. Il est important de souligner que ce n’est qu’en 2014 que ces individus sont considérés comme un troisième genre auprès de l’État indien.

En bref, ce livre décrit une cosmologie genrée qui met en échec les paradigmes de la réalité occidentale et la croyance chrétienne. Recommandable à tous ceux qui s’intéressent par les études de genre et sexualité dans une interface avec l’anthropologie religieuse, ce récit ethnographique nous remplit d’une base solide de données saisies lors de plus de quatre ans de terrain en Inde.

Références

BOISVERT, Mathieu. Facteurs contribuant à l’identité du prêtre de pèlerinage de Prayaga. Studies on Religion/ Sciences Religieuses, v. 39, n. 1, p. 57-75, 2010.

NANDA, Serena. Neither man nor woman. Belmont: Wadsorth Publishing Company, 1999.

REDDY, Gayatri. With Respect to Sex. Chicago: University of Chicago Press, 2006.

STRATHERN, Marilyn. The Gender of the Gift. Los Angeles: California University Press, 1988.



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