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Carnet de voy age, Bagdad 2019 Les fresques de la révolte, une nouvelle figuration populair e2
Manazir Journal, vol. 4, pp. 125-155, 2022
Universität Bern

Perspectives


Abstract: This contribution is a commented portfolio of images gathered during fi eldwork in Baghdad (February 2020). It aims to provide an overview of the murals which have been concentrated on Tahrir Square since the revolution of October 2019. These murals share some iconographic topics in common with the thawra (revolution) in Syria, Tunisia, E gypt and Beirut. Nevertheless, some semantic and iconographic registers are specific to Iraq, and divided into two main categories. The first one recreates “a city within the city” (ville en abyme) through composite unrealistic images of real places known to all; the second r elates to the martyrology of Shiism, with portraits of historical imams, but also of “martyrs” killed during the repression in Autumn 2019. Contrary to the well- known official iconography since the 1958 Iraqi revolution, this new figurative expression is that of a young population predominantly Shiite (due to demography in Iraq), and it stems from a cultural and political substrate prone to rebellion—that of Hussein, long repressed by power. The style is often naive, at the antipodes of the concomitant Beiruti thawra street art, although crossing with other globalized graphic codes. It constitutes a vibrant popular culture and also signals a “Shiitization” of public space. Beyond traditional divisions, it finally proves to federate, in reaction to the iconoclasm of Daesh but also to the corruption that strikes the daily life and the future of millions of citizens.

Keywords: Baghdad, murals, thawra, martyrology, Shiitization.

Début octobre 2019, quelques jours avant le Liban, les rues de Bagdad se remplissent de cohortes de jeunes en colère manifestant contre la corruption, le chômage ainsi qu’une classe politique perçue comme totalement déconnectée de la société civile3. Les manifestations se succèdent sans interruption, accompagnées de sit-in d’abord spontanés, bientôt soutenus par diverses organisations caritatives ou partisanes. On se procure des tentes, on campe sur place, on occupe la voie publique nuit et jour, notamment la célèbre place Tahrir, « cœur battant » du mouvement (Sallon). Mais, à la différence des manifestations anti-gouvernementales qui se déroulaient sporadiquement un peu partout en Irak depuis 2015, « après des années de frustration accumulée sans voir d’amélioration de son quotidien, la communauté chiite fulminait dans les rues contre le gouvernement dirigé par des chiites » (al-Salhi). En moins de deux mois, la répression fait plus de trois cents morts dans l’ensemble du pays, sans compter des milliers de blessés (UNAMI)4. La presse internationale n’hésite pas à parler d’un nouveau « printemps arabe », revendiqué par les manifestants comme une véritable « thawra » (« révolution » en arabe) (Reimer ; Svensson)5.

Une appropriation imagée et composite du politique

À Bagdad, les premières fresques6apparaissent dès octobre 2019. De la protestation ponctuelle à l’explosion d’une rage antisystème, les médias du monde entier n’ont pas manqué de relever les thèmes d’une iconographie contestataire relativement attendue : graffitis « au service de la révolution » (« Des graffitis urbains »), « art de la protestation » (« Murals of Baghdad »), liens entre nouvelle conscience politique et nouvelles formes d’expression artistique (Haddad), manifestation politique « par le bas » qui, comme dans d’autres dits « printemps arabes », investit les murs de la ville faute de pouvoir inscrire ses revendications dans les arènes officielles, médiatiques ou partisanes, constitution d’une « communauté de résistance » (Awad et Wagoner ; Crettiez et Piazza ; Carle et Huguet). Curieusement, leurs caractéristiques proprement artistiques et leurs sources d’inspiration n’ont suscité que de rares commentaires, sauf à évoquer de manière vague le « pouvoir magique » de ces peintures (Faraji). Au terme d’un bref séjour de terrain, un survol iconologique permet néanmoins d’analyser un échantillonnage de cette effervescence créative mêlant fresques, graffitis, affiches ou montages photos, qui mobilise une diversité foisonnante de registres7. Cette production se distingue aussi par le recours à une iconographie spécifiquement irakienne dans ses allusions historiques et géographiques, ainsi que par l’exubérance figurative et l’expressionnisme typiques de l’imagerie populaire chiite. En outre, le réalisme naïf de la plupart de ces fresques tranche souvent sur le street art ou les graffitis remarqués au même moment à Beyrouth (Karam) ou en 2011 à Tunis (Grira) et au Caire (Klaus) (planche 1).

Nasb al-Hurriyya (Monument de la liberté), place Tahrir : un symbole pour tout l’Irak

Depuis sa création en 1961, la place Tahrir est un lieu public et officiel hautement stratégique, politiquement et symboliquement (Pieri, T-Walls ;Van de Ven ; al-Tameemi). Il s’agit d’une place circulaire, percée d’un tunnel routier fermé à la circulation au moment de l’occupation par les manifestants. Cœur d’un vaste réseau de places et d’avenues conçu après la révolution de 1958, elle se situe sur les anciens remparts, entre la Bagdad traditionnelle et la ville étendue hors-les- murs à partir du mandat britannique de 1920, au bout d’un jardin public qui la relie à une autre place, Sahat Tayyaran, célèbre par la présence du panneau de mosaïque de Faiq Hassan, les Colombes de la Victoire (1967)8.


Planche 1
La thawra au Caire (photos 2012, haut) et à Beyrouth (photos 2020, bas). Des caricatures ad hominem et une sophistication académique qu’on retrouve rarement dans les fresques de Bagdad en 2019.

Images libres de droit, photographiées par l’autrice.

Un monument – appelé « Nasb al-Hurriyya » (Monument de la liberté) – en forme de gigantesque bannière de béton de cinquante mètres de long et dix mètres de haut, commandé en 1959 par Abdelkarim Kassem, le leader révolutionnaire de 1958, domine la place sur une esplanade9. Conçu par deux artistes parmi les fondateurs de l’art moderne irakien, l’architecte Rifat Chadirji et le sculpteur Jewad Selim10, l’ensemble est recouvert de marbre d’Italie sur lequel sont fixées vingt- cinq figures sculptées de bronze en bas-relief. La lecture de ce bas-relief s’effectue de droite à gauche : il s’agit d’une allégorie de la libération révolutionnaire de l’Irak par rapport aux forces obscures d’un passé jugé rétrograde. Ce Monument de la liberté, symbole des forces progressistes, est devenu au fil des années celui de l’Irak moderne, devant lequel se déroulaient encore récemment, en présence ou en fond d’écran, toutes sortes de célébrations mais aussi nombre d’interviews officielles télévisées d’hommes politiques. L’ironie a voulu qu’à la faveur des mouvements protestataires qui avaient commencé de manière sporadique dès 2015, le monument et son esplanade aient été récupérés à dessein en tant qu’épicentre de la révolte ; ainsi a-t-il favorisé le surgissement d’un espace iconographique éclectique et inclusif, médiatisé en permanence, détourné par la contestation du pouvoir en place et chassant toute sorte de représentation officielle (planche 2).

Une protestation sans frontières : des codes graphiques entre culture islamique et mondialisation

Dans l’iconographie polymorphe des fresques concentrées autour de la place Tahrir et de son tunnel, on note le maniement de codes mondialisés par leurs sujets ou par l’usage de référents protestataires « sans frontières », qu’il s’agisse de style, de motifs ou d’événements historiques. On repère par exemple de nombreuses variantes du poing levé, tantôt stylisé, tantôt réaliste, tantôt style manga, brandissant le drapeau irakien ou intégrant la silhouette du pays (planche 3) ; mais aussi des références picturales internationales, de la grande révolution soviétique d’octobre 1917 dans un style réaliste socialiste à la récupération du street artiste britannique Bansky. Un lien est ainsi établi entre tous les opprimés et leurs révoltes, puisque la petite fille au ballon a été créée à l’origine sur le mur de séparation israélien à Bethléem en Palestine (planche 4).

Parmi les fresques les plus souvent photographiées par la presse, on remarque celles où la calligraphie s’impose comme motif figuratif en soi, sans doute parce que, outre son caractère particulièrement décoratif et spectaculaire, celle-ci cumule deux niveaux de références, et donc de signifiants : la calligraphie elle-même, art valorisé entre tous dans le monde arabo-musulman et la signification des textes, expression directe de la thawra. L’alliance entre maîtrise d’une technique d’expression traditionnelle et actualité brûlante des contenus fonctionne comme un message à double portée : code identitaire transnational pour un public arabophone, la calligraphie véhicule de manière intrinsèque l’appropriation des motifs de révolte, s’affranchissant ainsi délibérément de l’anglais, majoritairement perçu aujourd’hui en Irak comme américain (planche 5).


Planche 2
Le Nasb al-Hurriyya, place Tahrir à Bagdad, devenu lieu d’échanges en tous genres, telle une kermesse populaire et citoyenne. En haut à gauche, la photo de l’esplanade dégagée date de janvier 2018.

Images libres de droit, photographiées par l’autrice.


Planche 3
Codes graphiques mondialisés (manga, stylisation, BD) pour une iconographie de la révolte relativement attendue, au service d’une revendication d’unité nationale : drapeaux et poings brandis, V de la victoire aux couleurs du drapeau irakien.

Images libres de droit, photographiées par l’autrice.


Planche 4
Mondialisation des références et des styles, mais aussi lien établi entre les opprimés et leurs révoltes : de la révolution soviétique d’octobre 1917 – avec le « hashtag Octobre » en arabe – à la citation de l’artiste britannique Bansky – dont la petite fille au ballon a été créée sur le mur de séparation israélien à Bethléem en Palestine.

Images libres de droit, photographiées par l’autrice.


Planche 5
Calligraphie. La fresque de droite, de l’artiste Sajjad originaire de Bassorah, mêle des citations du Coran et des noms de martyrs de la thawra.

Images libres de droit, photographiées par l’autrice.

Sur ce point, une étude comparative de détail serait cruciale pour analyser la combinaison des différents registres de langues, reflétant l’expression d’une rhétorique pluraliste et non-violente : représentations entièrement en arabe ou au contraire en anglais s’adressant directement à l’opinion publique occidentale (comme les slogans « America out of Iraq » ou « This is a peaceful demonstration ») ; superposition des deux langues avec version originale en arabe et sous-titres en anglais ; utilisation des deux langues en complément l’une de l’autre par des messages différents, etc. On notera qu’à la différence de la Syrie par exemple (Boëx), cet activisme graphique ne requiert pas la précaution d’anonymat : les graffitis, fresques ou messages, en anglais ou en arabe, sont presque tous signés dans l’un ou l’autre des deux alphabets (planche 6).

Ville recréée, ville en abyme : un imaginaire urbain « irakien » fédérateur

La ville est prise comme support et sujet de la création, et en particulier certains lieux à forte portée symbolique. La mise en « scène murale » fonctionne comme une véritable mise en abyme car il s’agit bien de la Bagdad moderne du xxe siècle : celle dont l’espace est réellement vécu, et non l’espace fantasmé de la Bagdad des Mille et Une Nuits. Cette mise en abyme de la ville fonctionne à son tour comme une manière de réécrire, de s’approprier mais aussi de partager les lieux connus de tous. Certains ne sont identifiables que par les habitants ou habitués de Bagdad : le monument al- Shahid, mausolée à la gloire des martyrs de la guerre contre l’Iran (1980-1988)11, sur la rive est, ou encore la tour de télévision avec son restaurant panoramique dans le parc al-Zawra, sur la rive ouest, très fréquenté par les familles le week-end. Reconnaissable entre tous, le Nasb al-Hurriyya lui, s’impose comme une véritable icône nationale dont on retrouve surtout la frise en bas-relief de manière obsédante, naïve ou sophistiquée, bâclée ou léchée, à toutes les échelles et combiné à d’innombrables motifs : en fond de décor pour toutes sortes de scènes réalistes ou allégoriques, en guirlande sur le drapeau irakien à la place de l’inscription « Allah Akbar », et en particulier son motif central, un soldat écartant violemment les grilles de la prison du passé. La focale de la mise en abyme est particulièrement resserrée, puisque le monument est peint sur le site même ou dans les environs immédiats, offrant à la vue des passants un télescopage simultané spectaculaire, inédit et itératif entre l’original et ses copies (planche 7).

Le « Mat‘am turki » (restaurant turc) lui, est un immeuble désaffecté qui abritait jadis un centre commercial et un restaurant turc panoramique, mais dont il se raconte à Bagdad que certaines unités des services secrets de Saddam Hussein l’auraient un temps occupé. Place Tahrir, exactement face au Nasb al-Hurriyya, cette tour haute d’une quinzaine d’étages a été immédiatement recouverte d’affiches, de banderoles, de graffitis et de slogans à tous les niveaux, investie par les manifestants qui, du toit-terrasse, pouvaient « voir » – on jouit d’une vue panoramique sur l’ensemble de la ville –, mais aussi « être vus » de partout puisque le centre de Bagdad – ville plate – compte (pour combien de temps encore ?) très peu de tours et que son horizon est ainsi largement dégagé. Surnommé « le château des héros », le Mat‘am turki occupe lui aussi, une place prédominante dans toutes sortes de configurations imaginaires, accolé tantôt aux symboles de la grandeur royale antique mésopotamienne, tantôt au Nasb al-Hurriyya lui-même, ou traité façon carte postale sur fond de soleil couchant, et le plus souvent flanqué du drapeau irakien : un traitement allégorique qui lui a permis de gagner ainsi, de manière spontanée, le statut iconique et fédérateur d’un nouveau « nasb » populaire (planche 8).


Planche 6
Slogans politiques. Un jeu subtil entre les deux langues suggère un va-et-vient entre plusieurs audiences visées, du plus local au plus global: irakiennes/arabophones du monde entier/public occidental ou anglophone. En haut: « Nous contemplons l’avenir sous des angles étroits ». Au milieu, à gauche: « Je veux mon pétrole ».

Images libres de droit, photographiées par l’autrice.


Planche 7
La ville en abyme (1). Le Nasb al-Hurriyya et son motif central dans quelques configurations choisies parmi les centaines peintes en 2019. La frise est dédoublée en bas à droite, comme si les manifestants eux-mêmes s’étaient emparés du monument officiel, en haut, pour le démonter et le déposer au même niveau que la « rue citoyenne ».

Images libres de droit, photographiées par l’autrice.

L’émergence d’un nouvel héroïsme populaire et inclusif

En 2008, Bagdad avait fait l’objet d’une « Beautiflcation Campaign » officielle pour tenter de masquer les murs de béton qui fragmentaient l’espace urbain (Pieri, T-Walls)12. Entièrement sur commande, ces fresques multipliaient les incantations rigides et pathétiques à la grandeur mésopotamienne antique et aux paysages bucoliques d’un Irak idéalisé, alors même que la violence confessionnelle généralisée ne permettait qu’une pratique très obstruée de l’espace public (Pieri, T-Walls)13.

À l’inverse, la thawra de 2019 est une « Revolution of Underground » (cf. planche 10), dont le foisonnement imagé multiforme et spontané, propre à la contestation politique en situation analogue (Dakhli), a mis en exergue une série de personnages habituellement subalternes ou invisibles, en écho à leur présence dans les manifestations. On pense en particulier aux personnels soignants ou aux conducteurs de tuk-tuk, ces triporteurs aptes à se faufiler dans la foule pour transporter les blessés en urgence dans les hôpitaux. Parfois représenté avec des ailes qui illustrent sa rapidité, le tuk-tuk gagne de ce fait un statut d’authentique héros populaire quelque part entre l’ange sauveur et le modeste buraq laïque14 (planche 9).

Enfin, à l’évidence, la présence massive et inédite des femmes, tous âges et catégories sociales confondus dans les manifestations (Ali ; Dakhli) se reflète aussi dans l’expression figurative de la révolution. Outre l’Américaine « Rosie la riveteuse »15, les femmes sont représentées partout : en abaya traditionnelle ou en jeans et débardeur décolleté, en infirmières ou en militantes, en héroïnes seules ou en groupes souvent mixtes, toujours en mouvement et au centre de multiples scènes, réalistes, composites ou imaginaires. Fait symbolique à l’encontre de l’usage (patriarcal) officiel, le principal martyr de 2019 a d’ailleurs été surnommé Ibn Thawna, du nom de sa mère et non de celui de son père (Ali) (planches 10 et 11).


Planche 9
Un nouvel héroïsme populaire national (1). Le tuk tuk en « sauveur tombé du ciel », les subalternes (vieux, handicapés), les invisibles (soignants, bénévoles anonymes, etc.).

Images libres de droit, photographiées par l’autrice.


Planche 10
Un nouvel héroïsme populaire (2). Les femmes rendues visibles et réunies par une même revendication au- delà des codes vestimentaires et linguistiques. Ci-dessus, le prototype de la femme occidentale, mais des graffitis en arabe : « La révolution ne tombera pas ; vous n’arrêterez pas notre révolution ». À droite, le prototype de la femme irakienne traditionnelle, mais un graffiti militant en anglais.

Images libres de droit, photographiées par l’autrice.


Planche 11
Un nouvel héroïsme populaire (3). Les femmes rendues visibles, actrices incontournables de la révolution, dans la diversité idéale d’une société où elles trouveraient leur place, toutes catégories confondues, mères de famille, diplômées, professionnelles, associées au drapeau ou en égérie nationale juchée sur le tuk-tuk sauveur.

Images libres de droit, photographiées par l’autrice.

La « chiitisation » de l’espace public, une nouvelle donne

L’aspect le plus frappant et quantitativement le plus important de ces fresques consiste toutefois en l’exaltation tragique des shuhada’ (martyrs), ces centaines de jeunes gens tués au cours de la répression entre octobre et décembre 2019, parmi lesquels ce jeune militant assassiné dès octobre 2019, Safaa al-Saray, devenu l’icône de la révolte sous le nom de sa mère (Ibn Thawna). Alors que les caricatures ad hominem du personnel politique sont rares, à la différence des murs en Syrie, en Égypte ou au Liban, les différents espaces de la thawra sont saturés de portraits de taille réelle, de représentations souvent redoublées (photographie + copie peinte de la même photographie), d’impressionnantes fresques de corps mutilés ou scarifiés, d’instruments de sacrifice (couteaux), avec une prédominance du sang imprégnant les décors, les drapeaux, les fleurs, dégouttant des lettres des graffitis ou des éléments de paysage (planches 12 et 13).

Bien que le monde chiite n’ait pas l’exclusivité de la martyrologie – on pense notamment à la Palestine (Lehec ; Dabashi)16, à Bagdad, cette expression figurative omniprésente s’inscrit très nettement dans le registre de la martyrologie chiite, (Mervin, Mondes chiites ; Flaskerud ; Mervin et Parsapajouh), voire d’un « chiisme mortifère » (Khosrokhavar). Elle se double d’un registre plus large, où la Vierge Marie17, symbole de pureté révéré autant par les musulmans chiites que par les chrétiens, voisine avec les portraits de jeunes morts irakiens, mais aussi ceux de Jésus, martyr universel, et de Hussein, le premier martyr de l’histoire musulmane chiite. La thawra irakienne a d’ailleurs coïncidé cette année-là avec le début d’Arbaïn18. Des affiches à l’effigie du Christ implorent sa miséricorde et sa protection contre la corruption, avec des textes signés « Vos frères chrétiens » (planche 14).

Produite par une jeunesse majoritairement chiite du fait de la démographie en Irak, cette iconographie n’est évidemment pas neutre. Elle relève d’un substrat culturel et politique ancien en Irak, propice à la révolte – celle de l’imam Hussein, longtemps réprimée par un pouvoir califal inique (Laoust). Constituée à la fois en grammaire et en paradigme d’une protestation et d’une figuration populaires renouvelées, cette « vibrant pop culture » (Mervin ; ʿAshūrāʾ Rituals) assure une dénonciation de la corruption et de l’injustice qui grèvent le quotidien et l’avenir de millions de citoyens, mais aussi, peut-être, une réaction à l’iconoclasme de Daesh (Salazar).

Revenant telle une antienne graphique sur les murs de Bagdad, le registre symbolique [visage / sang du martyr] accède en quelque sorte au statut de peinture rituelle. Il est cohérent avec le besoin de rites propre à tout mouvement politique, qui permet de nouer des solidarités, d’encadrer la réalité et de produire de la légitimité (Kertzer). Mais il est surtout l’indice d’un changement radical survenu à Bagdad, à savoir la « chiitisation » de l’espace public, imagée, anthropomorphique, avec abondance de décors floraux et de portraits réalistes ou mythiques19. De ce point de vue, il offre un contrepoint révolutionnaire, voire éradicateur, par rapport à l’iconographie officielle jusqu’alors en vigueur en Irak depuis la révolution – sunnite – laïque de 1958 : car jusqu’en 2005, l’espace urbain dans la capitale était marqué par un répertoire austère et relativement limité, toujours sur commande publique, composé essentiellement de statues historiques et de panneaux de mosaïques. Avant 2003, s’y ajoutaient des panneaux peints, mais exclusivement à l’image du « raïs » Saddam Hussein (Makiya ; Pieri, T-Walls; Shabout ; Pieri, Bagdad fragmentée)20.


Planche 12
Les portraits peints de martyrs, véritables « icônes de combat », saturent l’espace urbain, et leur image s’associe à une image unitaire de l’Irak, de Najaf à Muthanna (en haut, à droite). Au-dessus du graffiti en anglais accompagnant l’effigie de Safaa al-Saray : « Il y a dans le cœur quelque chose que les armes ne peuvent tuer, c’est la patrie » (au milieu). Certaines fresques redoublent même les photos, comme pour intensifier la charge affective.

Images libres de droit, photographiées par l’autrice.





Planche 13
Le sang du martyr(e), un élément rituel essentiel de la mystique chiite. Le drapeau dégouttant de sang est une manière imagée d’accuser la répression de porter la responsabilité d’un crime contre l’unité nationale. En haut à gauche : « Mur photographique. Made in Irak ». Au milieu, à gauche : « Je saigne mais je ne m’incline pas, parce que je ressemble à mon pays ».

Images libres de droit, photographiées par l’autrice.


Planche 14
L’affichage – peut-être tactique – d’une volonté d’union chiites-chrétiens utilise en abondance les figures de Marie et de Jésus, également révérées par les deux communautés. Il souligne en tout cas une unité bienvenue dans la lutte contre les maux dont la liste est affichée sur la banderole à droite : confessionnalisme, rapt, partis, Daesh, semaine sanglante, colis piégés, etc. Deux affiches à l’effigie de Jésus implorent sa miséricorde et sa protection contre le mal, le mensonge et la corruption ; elles sont toutes deux explicitement signées : « Vos frères chrétiens ».

Images libres de droit, photographiées par l’autrice.

L’utopie d’un nouveau pacte civique

Deux thèmes semblent confirmer un remodelage graphique de l’espace urbain qui a mis en lumière le désir d’une « nouvelle Bagdad » et d’un nouvel Irak partagés, unifiés, impensable avant 2003.

Le premier thème recourt à la figure du regard clair, profond et pénétrant, surmonté de sourcils noirs fournis et arqués, généralement l’apanage de la figure des imams Ali et Hussein. L’œil qui fixe le spectateur cherche peut-être à signifier : « On vous a à l’œil » (Mervin, Entretien). Mais dans plusieurs de ces fresques, l’immense pupille est colorée en vert vif, couleur de prédilection de l’Islam, et contient l’Irak en son centre sous forme de silhouette ou de lettres : l’Irak « prunelle des yeux ». . . La revendication nationale comme espoir d’avenir et le recours à une imagerie de type chiite ne sont donc plus exclusifs l’un de l’autre, comme c’était le cas avant 2003, lorsque les chiites étaient suspectés de velléités séparatistes. Peut-être faut-il aussi y lire en filigrane une influence diffuse de la configuration politique revendiquée par le leader chiite Moqtada Sadr21, considéré comme le principal représentant du nationalisme irakien actuel (planche 15).

En de nombreuses occurrences, le deuxième thème condense, en une topographie imaginaire, des lieux réellement existants mais géographiquement éloignés. Deux fresques sont particulièrement étonnantes pour la promeneuse familière de Bagdad qu’est l’autrice de ces lignes. Dans la première, un cercle réunit, en un même espace fictif sur fond de gazon idéalement verdoyant, des symboles de la Bagdad pré-2003 : le monument al-Shahid, le Nasb al-Hurriyya, la tour du restaurant panoramique al-Zawra et surtout l’Arche de la Victoire22, symbole honni des opposants à Saddam Hussein puisqu’il fut érigé partiellement à partir du plomb des casques de soldats irakiens tués pendant la guerre Iran- Irak. L’inscription appelle à la « paix sur Bagdad ». Or, sur les quatre noms de la signature collective, deux sont très probablement chiites : Haydar, et Tamimi. Dans la seconde, l’unité civique se réalise dans la tragédie du martyre, et cette iconographie qui recourt à des codes typiques du deuil chiite (larmes de sang, couleur noire) englobe explicitement les symboles diversifiés d’un Irak multiconfessionnel : la fameuse Arche de la Victoire pourtant si « saddamiste », une mosquée, le grand temple sabéen de Bagdad, une cathédrale syriaque catholique, la tour de Samarra, etc.

Le fait que des chiites participent à la peinture de l’un des symboles les plus belliqueux de Saddam Hussein fonctionne sans doute comme un double indice. Pour une génération de très jeunes gens dont les repoussoirs sont surtout les personnels politiques actuels, l’Arche de la Victoire, perdant de son actualité morbide, se retrouve banalisée par une forme de prescription. L’ère de Saddam Hussein est passée à une phase de mémorialisation, et l’avenir de l’Irak passe dorénavant par la fierté de ses symboles modernes, quels qu’ils soient ou aient été23. Mais cela pourrait aussi indiquer qu’en se réappropriant l’Arche de la Victoire, les chiites se réapproprient la légitimité militaire et symbolique dont le discours officiel du régime de Saddam Hussein les avait exclus et frustrés – comme si seuls les sunnites s’étaient battus contre l’Iran24 (planches 16, 17, 18). L’ensemble de ces espaces fictifs condense symboliquement les icônes d’une Bagdad rendue à la fois irréaliste et fédératrice, telle une ville rêvée au-delà des fractures identitaires ou confessionnelles.


Planche 15
La tradition esthétique du regard pénétrant aux sourcils fournis et arqués, attribué aux imams (en haut à gauche. Hussein, Bagdad, mars 2010) est réutilisée de manière récurrente. Elle se double en 2019 d’une fibre nationaliste : l’Irak devient littéralement « la prunelle des yeux » des manifestants. Mais c’est aussi un regard qui fixe le passant comme pour exprimer que rien ne lui échappe.

Images libres de droit, photographiées par l’autrice.


Planche 16
Un nouveau pacte civique ? (1). L’Arche de la Victoire, icône belliqueuse entre toutes sous Saddam Hussein, est désormais intégrée au panthéon des symboles de fierté nationale par un groupe mixte de peintres dont certains noms sont chiites, or l’inscription appelle à la « paix sur Bagdad » (en haut). À cette même Arche de la Victoire, l’image du bas associe notamment une mosquée, la tour de Samarra, le sanctuaire sabéen de Bagdad et l’église catholique syriaque Notre-Dame de l’Intercession de Bagdad, victime d’un attentat meurtrier à Noël 2010. Au prix du sang ou dans l’idéalisation d’un paysage idyllique, chaque image manifeste la revendication de l’unité nationale.

Images libres de droit, photographiées par l’autrice.


Planche 17
Un nouveau pacte civique ? (2). Cette représentation allégorique condense plusieurs figures iconiques de la thawra de 2019 : le Nasb al-Hurriyya et le Mat‘am turki, reliés ensemble, symboliquement, par la bannière irakienne dont l’inscription « Allah Akbar » a disparu, remplacée par la frise de Jewad Selim et la figure de Safaa al-Saray, premier « martyr » de la révolution tué par la répression le 28 octobre. En haut du drapeau, le « tuk tuk volant » est lui aussi hissé au rang de héros car ce sont ces triporteurs qui ont sauvé de nombreux blessés en les transportant à temps à l’hôpital. Entre sécularisation du drapeau et combinaison de symboles, qu’ils soient créés (le tuk tuk, le Mat‘am turki) ou appropriés par la révolution (les couleurs irakiennes, le martyr), une nouvelle figuration populaire s’élabore au service d’une forme d’unité nationale saisie hors des habituelles connotations partisanes ou politiques.

Image libre de droit, photographiée par l’autrice.

En effet, avec ce genre d’images, on est bien ici, pour employer des catégories freudiennes, dans le double processus de déplacement et de condensation du rêve25, mis au service d’un nouveau syncrétisme civique. Tout comme le soldat au centre du Nasb al-Hurriyya l’avait fait en son temps, le nouvel Irak peut rêver à sa libération des forces du passé antérieur à 2019, perçu comme obscurantiste (planches 18 et 19).


Planche 18
Un nouveau pacte civique ? (3). L’image glorifie le nouveau panthéon populaire de la thawra irakienne, en condensant ses principales figures tutélaires dans un même espace fictif, comme suspendues dans un vide quasi-onirique, telles une apparition sur fond spectaculaire de soleil levant ou couchant : le Mat ‘am turki, le Nasb al-Hurriyya, le modeste tuk tuk ailé promu à un statut qui tient de l’ange et du buraq laïque, tous au service de l’unité nationale : « Nous mourons pour que vive la patrie/ Nous vivrons dignement pour que vive la patrie ».

Image libre de droit, photographiée par l’autrice.


Planche 19
La fresque s’intitule « Le nouvel Irak ». Au soldat du Nasb al-Hurriyya luttant pour écarter avec violence les grilles symbolisant un passé obscurantiste, répond désormais cette version « pop », moderne et apaisée de la libération, par une simple fermeture Eclair, d’un « nouvel Irak » à la silhouette urbaine futuriste se découpant sur fond de ciel dégagé. . . (à droite) L’Irak de la « génération de l’espoir » ? (à gauche).

Épilogue

À Bagdad, la dimension performative de l’art comme contestation et comme expression de ce que l’on pensait être une révolution sociétale, voire culturelle (Haddad, Ali) a atteint ses limites. Aujourd’hui – juillet 2022 –, le tunnel routier est réouvert à la circulation. Sur les murs, des deux côtés, la plupart des fresques peintes en 2019 sont encore en place. On n’a pas touché aux symboles, mais au-dessus, sur l’esplanade, les tentes, échoppes et stands divers ont été entièrement déblayés. À la place des manifestants, des policiers des forces anti-émeutes stationnent en permanence, bouclier et équipement posés au sol. « On tire sa légitimité des manifestations d’octobre, on y fait constamment référence, on a les mêmes objectifs que les manifestants. Mais dans les faits, ça reste un régime policier »26. Politiquement au moins, l’éphémère thawra irakienne de 2019, tout comme celle de Beyrouth27, aura donc vécu.

Bibliography

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Notes

2 Je voudrais exprimer ici ma gratitude à Zouina Ait Slimani pour son aide précieuse dans la traduction des slogans muraux, à Géraldine Chatelard et Sabrina Mervin pour leurs avis éclairés, et enfin à Sarah Benhaida pour son généreux accueil à Bagdad
3 Dépêche (non signée) du 5 octobre 2019 (AFP/Le Monde).
4 La violence de cette répression est notamment caractérisée par le fait qu’elle ait été menée conjointement par des milices, des forces de sécurité et, à certains moments même, par des éléments de l’armée irakienne.
5 Voir également le rapport de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, publié en février 2020 (OFPRA).
6 Dans cet article, le mot « fresque » ne se réfère pas à une technique précise mais à la pratique générique de diverses manifestations graphiques et visuelles, du moment qu’elles figurent sur les murs de la ville, comme l’anglais murals et l’arabe jidariyyat. Il renvoie autant au graffiti et au pochoir qu’au collage, à la photo peinte, la peinture au pinceau ou à la bombe, etc.
7 Terrain effectué entre le 10 et le 17 février 2020. Toutes les photos de Bagdad ont été prises par l’autrice au cours de ce séjour.
8 Faiq Hassan (1914-1992). L’un des pionniers de la peinture irakienne moderne, diplômé des Beaux-Arts de Paris en 1938 et également actif comme enseignant et commissaire d’expositions. Il a notamment fondé le département Peinture aux Beaux-Arts de Bagdad en 1939 et, en 1950, lancé le « Jama‘at al-ruwwad », « Groupe des Primitifs » ou « Groupe des Pionniers ».
9 Le général Abdelkarim Kassem (1914-1963) fut le leader de la révolution irakienne de 1958 qui mit définitivement fin à la monarchie hachémite instaurée en 1921. Premier ministre, il fut assassiné en février 1963 lors d’un coup d’État monté au sein du parti Baas par son rival le général Hassan al-Bakr.
10 Rifat Chadirji (1926-2020), architecte formé à la Hammersmith School de Londres, enseignant, urbaniste et théoricien du régionalisme international en architecture. Jewad Selim (1919-1961), peintre et sculpteur, formé en Europe (Paris, Rome et Londres), directeur du département Sculpture aux Beaux-Arts de Bagdad, fondateur du « Jama‘at Baghdad li-l-fann al-hadith » (Groupe de Bagdad pour l’art moderne), et enfin auteur du Monument de la Liberté devenu le symbole de l’Irak moderne ; il mourut quelques mois avant l’inauguration.
11 La partie haute du monument, en forme de doubles semi-coupoles de céramique turquoise évoquant des pétales de fleur ou les flammes du souvenir, a été dessinée par Ismaïl Fattah al-Turk (1938-2004).
12 Bagdad, frappée régulièrement par des attentats à la bombe meurtriers à partir de 2005, a subi en avril 2007 une opération décidée par la MNF (Multinational Force), sous contrôle américain, intitulée « Imposing Law/ Fardh al-Qanun », qui la divisait en neuf zones à contrôler, et matérialisée par l’érection de hauts T-Walls de béton. Son objectif était triple : « Clear, Control and Retain ». Une campagne officielle d’embellissement (Beautification Campaign) fut lancée en parallèle par la MNF pour recouvrir ces murs de fresques (Pieri, T-Walls ; Pieri, Sites of Conflicts ; Pieri, Bagdad fragmentée). Les murs sont restés intacts jusque vers 2011 et ont aujourd’hui en partie seulement disparu des rues ; ils sont maintenus autour de très nombreux lieux jugés sensibles.
13 Des campagnes de fresques murales extérieures « cache-misère » sont encore régulièrement commandées par telle ou telle administration : la spéculation immobilière fait rage et le patrimoine bâti disparaît, les services publics et les infrastructures sont défaillants, mais la dernière en date met en scène le visage de célébrités irakiennes aux carrefours, Zaha Hadid, Mohammed Makiya, Jewad Selim ou Muzaffar al-Nawab (« bial-suwari.. lawhat faniyya tastadhkir al-mubdiein wast baghdad », AFP).
14 Le buraq est la figure mythique du cheval ailé sur lequel voyagent les « messagers de Dieu » dans le Coran.
15 Célèbre affiche d’Howard Miller (1942) représentant une femme montrant « ses biceps » (« we can do it ») pour illustrer le rôle des six millions de femmes américaines ayant travaillé dans l’industrie de l’armement quand les hommes étaient partis au front.
16 Dabashi parle des « icônes de combat » que constituent pour les Palestiniens les effigies de leurs martyrs.
17 À l’inverse des Vierges vêtues de rouge et de vert de la tradition byzantine et plus largement orientale, les statues et effigies de la Vierge présentes en 2019 à Bagdad sont celles de la tradition sulpicienne catholique occidentale moderne, reproduite à échelle industrielle (voile blanc, manteau bleu).
18 Commémoration chiite pour marquer la fin du deuil de l’imam Hussein et donnant lieu à une marche vers Kerbala en Irak, où se trouve son tombeau.
19 On pense notamment aux portraits d’imams et aux décors floraux qui abondent aux alentours des barrages contrôlés par les différentes forces de sécurité, ou même de simples postes de police.
20 Observation directe. L’autrice de ces lignes a effectué plus de vingt séjours à Bagdad entre juin 2003 et février 2020.
21 Né en 1973, Moqtada Sadr, fils d’un ayatollah chiite assassiné par Saddam Hussein en 1979, est actuellement le principal opposant aux gouvernements irakiens qui se succèdent depuis 2003, ainsi qu’à leurs soutiens américains ou iraniens. Il est à la tête d’une milice appelée Armée du Mahdi et se présente comme un leader à la fois religieux chiite et nationaliste, faisant régulièrement alliance avec des partis politiques très divers, dont le Parti communiste irakien depuis 2021.
22 Le monument, inauguré en 1988, est une arche constituée de deux mains gigantesques tenant deux glaives croisés. Kanan Makiya, opposant au régime de Saddam Hussein, le juge d’un kitsch oscillant entre l’esthétique nazie et le style post-moderne de Las Vegas. Ingénieur et architecte de formation, Makiya est surtout connu pour avoir fait partie du cercle étroit des quelques exilés irakiens néo-conservateurs qui, avec Ahmed Chalabi, ont poussé Bush à la guerre en 2003. Son principal ouvrage, au demeurant intéressant et documenté, est un pamphlet militant, plusieurs analyses de ce kitsch figurent dans les chapitres 6, « Vulgarity and Art », et 7 « The Kitsch of Baghdad » (Makiya).
23 Cela passe notamment par la réappropriation des palais de Saddam Hussein pour en faire des monuments publics du nouvel Irak : en endroit loué pour mariages et diverses réceptions à Hilla, en musée national des Antiquités à Bassorah, etc.
24 Interprétation proposée par Géraldine Chatelard, historienne et anthropologue, spécialiste de l’Irak moderne (Chatelard).
25 Processus fondamentaux de production des images à l’œuvre dans le « travail du rêve » appréhendé en tant que mise en images ; base de la réflexion de Freud dans L’Interprétation des rêves et transposable au processus de création artistique, voir les travaux de l’historien de l’art Daniel Arasse (notamment Le Sujet dans le tableau). On trouvera une définition précise de ces mécanismes de transposition (qui incluent également la figuration et l’élaboration secondaire), à propos de la bande dessinée (Marotta et al.).
26 Selon un journaliste français vivant à Bagdad et tenant à rester anonyme. Courrier du 2 juillet 2022.
27 Les élections législatives au Liban en 2022 ont vu reconduits la plupart des ministres en poste depuis la fin de la guerre civile.


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