Servicios
Descargas
Buscar
Idiomas
P. Completa
SUIVRE À LA TRACE. Responsabilisation et traçabilité dans le suivi hors les murs de jeunes délinquants à Montréal
Nicolas Sallée; Mohammed Aziz Mestiri; Jade Bourdages
Nicolas Sallée; Mohammed Aziz Mestiri; Jade Bourdages
SUIVRE À LA TRACE. Responsabilisation et traçabilité dans le suivi hors les murs de jeunes délinquants à Montréal
BEING TRACKED Responsabilization and Traceability in the Community Supervision of Young Delinquents in Montreal
Tsantsa, vol. 25, Esp., pp. 74-89, 2020
Universität Bern
resúmenes
secciones
referencias
imágenes

Abstract: Based on data collected in Montreal, this article looks at the tensions underlying the supervision of young delinquents in the community. More specifically, it questions what happens to support practices in the context of a risk management approach that aims to intensify the monitoring of youths previously targeted as being most at risk of recidivism. To this end, it proposes to study the data resulting from the systematic recording, by the monitoring agents (known as “youth delegates”), of written traces of their activity in computer software dedicated to the traceability of the intervention. It then analyzes the double responsabilization strategy that the content of the software displays. This strategy rests, on the one hand, on the youth themselves, who are called upon to act as the main actors responsible for change, and, on the other hand, on the actors of their environment, in particular their parents, who are asked to collaborate with the youth delegates and, as such, are likely to be recruited as back-up workers for the criminal justice system.

Keywords: juvenile justice, probation, youth, Quebec, Canada, control, responsabilization.

Mots clés: justice des mineurs, probation, jeunesse, Québec, Canada, contrôle, responsabilisation

Carátula del artículo

Special Issue

SUIVRE À LA TRACE. Responsabilisation et traçabilité dans le suivi hors les murs de jeunes délinquants à Montréal

BEING TRACKED Responsabilization and Traceability in the Community Supervision of Young Delinquents in Montreal

Nicolas Sallée
Université de Montréal, Canadá
Mohammed Aziz Mestiri
Université de Montréal, Canadá
Jade Bourdages
Université du Québec à Montréal, Canadá
Tsantsa, vol. 25, Esp., pp. 74-89, 2020
Universität Bern

Publicación: 21 Septiembre 2020

Suivant les grandes transformations connues par le gouvernement des populations déviantes, dont la désinstitutionnalisation psychiatrique constitue une bonne illustration (Castel, 1981; sur le Québec, voir Dorvil, 2002), les systèmes de justice pénale occidentaux ont été traversés, depuis le milieu des année 1980, par une diversification croissante des programmes d’intervention hors de la prison. À côté des modalités plus ou moins avouées d’incarcération des jeunes, les systèmes de justice des mineurs ont ainsi été marqués par la création, à côté des modalités plus ou moins avouées d’incarcération des jeunes, de nouveaux dispositifs proches de ce que Joan Petersilia (1999) a identifiés comme des « programmes de sanctions intermédiaires ». Les exemples de ces dispositifs ne manquent pas, que l’on pense à l’ouverture de nouveaux centres d’hébergement non pénitentiaires à encadrement renforcé, à l’image des centres éducatifs fermés, créés en France en 2002 (Sallée, 2016), ou à la mise en place de nouveaux programmes de suivi intensif dans la collectivité, comme ce fut le cas, à Montréal, au début des années 2000 (Sallée, 2018). Visant à renforcer le contrôle, hors prison, des jeunes jugé·e·s les plus à risque pour le maintien de l’ordre public (Muncie, 2005), ces dispositifs participent à la constitution de « continuums de contrôle » (Feeley et Simon 1992 : 461) le long desquels les vieilles logiques correctionnelles se transforment plus qu’elles ne disparaissent (De Larminat 2014). Dans un contexte politique et économique marqué par un scepticisme croissant quant à la capacité des États à résoudre les problèmes sociaux et, parmi eux, les problèmes de délinquance et de criminalité juvéniles, ces évolutions participeraient aussi, et plus fondamentalement, d’un processus de responsabilisation des « communautés » dans la lutte contre les désordres sociaux (Garland 2001). En s’intéressant aux pratiques d’accompagnement des jeunes garçons délinquants hors les murs sur le territoire de l’Île-de-Montréal (Québec, Canada), cet article propose de décrypter les logiques pratiques de cette responsabilisation qui pèse non seulement sur les jeunes suivis à titre pénal, mais également sur les membres de leur propre entourage, en particulier leurs parents.

Le contexte : le suivi des jeunes délinquants à Montréal

Cet article porte sur les pratiques quotidiennes des agent·e·s nommés « délégué·es jeunesse » – chargés du suivi de jeunes condamnés à une peine exécutée dans la collectivité à Montréal. Ces agents relèvent de « programmes jeunesse » – souvent identifiés grâce à l’expression de « Centres jeunesse » – du Ministère de la santé et des services sociaux, responsable au Québec de l’administration des décisions pénales concernant les mineurs1. Les jeunes peuvent être suivis dans deux cadres judiciaires principaux : celui d’une peine de probation et celui d’une procédure de liberté conditionnelle, qu’il s’agisse de l’aménagement d’une peine de placement et surveillance, ou qu’il s’agisse d’une peine de placement différé (sursis)2. À ces cadres judiciaires sont de plus en plus fréquemment associées des peines de travaux communautaires, mises en œuvre, sur délégation des Centres jeunesse, par les actrices et les acteurs d’organismes dits de « justice alternative » (OJA). Tout manquement aux conditions associées à ces différentes mesures, qu’il s’agisse d’obligations (de rencontres, de formation ou d’emploi, etc.) ou d’interdictions (de contact, de lieux, etc.), est susceptible de conduire à une procédure dite de « dénonciation », dans le cas d’une peine de probation ou de travaux communautaire, ou de « suspension » dans le cas d’une procédure de liberté conditionnelle. Selon des modalités distinctes dans ces deux cadres respectifs, et avec plus d’automaticité dans le second, chacune de ces procédures peut aboutir, sur décision finale d’un juge, à l’envoi – ou au renvoi – du jeune entre les murs d’une unité de garde fermée.

À l’image des transformations connues par les systèmes de justice des mineurs dans la majeure partie des pays anglo-saxons (Muncie 2005), les dispositifs montréalais de suivi des jeunes délinquants ont été réorganisés, au tournant des années 1990 et 2000, sur le fondement d’un principe « d’intervention différentielle » (Laporte 1997). Celuici, plébiscité depuis le début des années 1980 dans un contexte de prolifération de l’évaluation des programmes, consiste notamment à moduler l’intensité de suivi en fonction d’une évaluation standardisée du risque de récidive présenté par les jeunes et des besoins qui leur sont supposément associés (Hannah-Moffat 2005). À la suite d’une évaluation standardisée, chaque jeune suivi est identifié à une cote de risque de récidive distribuée sur une échelle composée de cinq niveaux : faible, faible-modéré, modéré, élevé et très élevé. Plus la cote est élevée, plus les conditions imposées au jeune sont contraignantes – les variables d’ajustement de l’intensité consistant, pour l’essentiel, en une modulation de la fréquence des rencontres imposées avec la/le délégué·e, et du nombre d’ateliers d’habiletés sociales obligatoires. Dans ce contexte, l’élévation de la cote de risque, parce qu’elle accroit l’intensité du suivi, augmente mécaniquement les occasions de « manquement » (Petersilia 1999). Elle exacerbe alors la tension inhérente à l’activité de suivi des délégué·e·s jeunesse, prise entre une logique d’accompagnement des jeunes, dans une visée de réhabilitation, et une logique de surveillance de leurs comportements, dans une visée de sécurité publique. Pour saisir cette tension à son paroxysme, nous avons plus particulièrement porté notre attention, dans le cadre de cette enquête, sur les pratiques de suivi dans la collectivité de jeunes garçons jugés à risque élevé et très élevé3. Soulignons à ce titre qu’au moment où nous avons commencé notre enquête, en juillet 2016, et cela jusqu’à une réforme organisationnelle de 2017, le suivi de ces jeunes était spécifiquement attribué à une cellule d’intervention dite de « suivi intensif ».

La méthodologie : pratiques d’écriture et traces de l’activité

Dans cet article, nous nous appuyons principalement sur les données issues de la consignation systématique, par les délégué·e·s jeunesse, de traces de leur activité, via l’usage d’un logiciel informatique dit « Projet intégration jeunesse » (PIJ). Ce logiciel a été introduit en 2003 dans le réseau québécois de la santé et des services sociaux, à des fins de coordination et de traçabilité, et dans un objectif général d’évaluation de la « qualité des services ». Ce logiciel compile d’abord, pour chacun des jeunes, de nombreuses informations descriptives sur les conditions formelles du suivi dont ils sont l’objet : les mesures légales qui les concernent, les services qu’ils reçoivent, etc. Le logiciel conserve également une succession de petits textes plus ou moins narratifs, consignés par les délégué·e·s elles/eux-mêmes, formant ce qui est communément nommé la « chronologie » de chaque jeune. Pour les besoins de notre démonstration, nous appréhenderons ces traces écrites comme une archive du travail de suivi. Conformément aux exigences d’une « anthropologie pragmatique de l’écrit » (Fraenkel 2007 : 108), qui vise à replacer les actes d’écriture dans les « cours d’action » qui leur donnent sens, nous appréhendons ces petits textes à la lumière d’une enquête plus générale consacrée au travail des délégué·e·s jeunesse, qui a mêlé entretiens et observations in situ4.

Nous avons eu accès, durant l’été 2016, à 33 dossiers informatiques de jeunes jugés à risque élevé et très élevé. La sélection des dossiers a été négociée avec les délégué·e·s jeunesse qui ont accepté de participer à l’enquête et ce, selon divers critères : niveau de risque, type de suivi judiciaire, âge, niveau de difficulté perçue, présence ou non d’une procédure de dénonciation ou de suspension, etc. Les 33 dossiers sélectionnés concernent des jeunes garçons âgés de 15 à 20 ans, pour une moyenne de 17,2 ans. Pour chacun d’entre eux, nous avons extrait manuellement la « chronologie » en remontant chaque fois à la date du début de la dernière peine, donnant des périodes de consignation de 24 à 415 jours, pour une moyenne de 139 jours. Dans notre échantillon, 12 des 33 jeunes sont condamnés à une peine de probation, et 12 exécutent une procédure de liberté conditionnelle, dont deux en sursis. Les neuf derniers combinent, au moment du suivi, une peine de probation et une procédure de liberté conditionnelle. Vingt-deux des 33 jeunes sont, en outre, également condamnés à une peine de travaux communautaires. Parmi l’ensemble des jeunes, et sur la période de consignation, sept ont été sujets à une procédure de « dénonciation », six à une procédure de « suspension » et un a été soumis aux deux.

L’objet d’analyse : une double responsabilisation

Pour produire les traces qui constituent la matière principale de cet article, les délégué·e·s jeunesse s’appuient, pour l’essentiel, sur l’observation (plus ou moins) directe du comportement des jeunes : ils/elles les appellent, les convoquent à leur bureau, vont à leur rencontre ou à celle de leur entourage (parents ou famille la plus proche, ami·e·s, école, employeur, etc.). Les délégué·e·s tentent ainsi de produire, tenir et maintenir une densité relationnelle, que nous avons définie ailleurs comme « le nombre et la qualité particulière des relations que les délégués nouent avec les jeunes et l’ensemble des personnes qui, parce qu’ils les fréquentent quotidiennement, constituent autant de regards susceptibles de suivre leur trace – ou de les suivre à la trace » (Sallée 2018). L’examen des modalités pratique de construction de cette densité relationnelle, via les traces du logiciel PIJ, nous permet de décrypter la double responsabilisation à l’œuvre, qui, rappelons-le, pèse non seulement sur les jeunes suivis, mais également sur les membres de leur entourage, en particulier leurs parents.

En considérant d’abord le logiciel PIJ comme une archive du travail (a) qui constitue autant une archive pour soi, comme dispositif de mémorisation et de mise en sens scripturale de l’activité, qu’une archive pour autrui, comme dispositif de visibilisation du travail (bien) fait, nous appréhendons son contenu comme une entrée privilégiée pour saisir les modalités de construction de cette densité relationnelle. Nous décryptons ainsi la double responsabilisation que donne à voir le contenu du logiciel. Cette responsabilisation repose d’une part sur les jeunes (b), appelés à agir comme les principaux responsables de leur propre changement, et d’autre part sur les actrices et les acteurs de leur environnement, et notamment leurs parents (c), appelé·e·s à collaborer avec les délégué·e·s jeunesse et, à ce titre, toujours susceptibles d’être enrôlé·e·s comme auxiliaires du contrôle pénal. Cette double responsabilisation, permet alors aux délégué·e·s de rendre compte de tout échec potentiel du suivi en mettant en avant le défaut d’engagement des jeunes ou de leur famille.

a) Le logiciel PIJ, une archive du travail

La rationalisation croissante des procédures et des cadres réglementaires du suivi des Centres jeunesses du Québec, dans les années 2000, s’est accompagnée de l’émergence d’outils de traçabilité permettant à l’institution, par « souci de soi » (Bezes 2009), de s’évaluer pour rendre compte de son efficience, ou pour justifier les réformes qui permettraient d’optimiser ses processus internes – en matière, notamment, de gestion des risques de récidive. C’est dans ce cadre, marqué par la prégnance croissante d’une culture de l’audit par laquelle « l’État se mesure, se donne à voir, joue la transparence, rend des comptes, s’évalue et se compare » (Borraz 2013 : 250), qu’a été introduit en 2003, à l’échelle de la Province, le logiciel « Projet intégration jeunesse » (PIJ). En recensant un ensemble d’informations sur l’enfant et ses parents, le logiciel vise à ce que tous les intervenants (travailleurs sociaux, éducateurs, etc.) et les gestionnaires aient accès, en tout temps, à des données fiables, selon les objectifs qui lui sont assignés par le Ministère de la santé et des services sociaux. En produisant ainsi des écrits rentables, utilisables à des fins organisationnelles et, indirectement, judiciaires, le logiciel PIJ relève d’une traçabilité croissante du travail de suivi des jeunes contrevenants, permettant d’« affecter à un produit physique ou à une opération […] une ou plusieurs informations significatives pouvant être exploitées à des fins statistiques, de qualité et de fiabilité » (Rot 1998 : 9)5. Avant d’être une archive du travail, le logiciel constitue donc, pour les délégué·e·s, un outil de travail qui participe des transformations de leur secteur d’activité.

La lecture des dossiers consignés dans le logiciel PIJ donne d’abord à voir, pour chacun des jeunes, une série d’activités, structurée le long d’une « chronologie » qui porte la mémoire du suivi, tel qu’il a été consigné par les délégués jeunesse. Cette chronologie, structurée par une série de titres pré-codés (« entrevue », « appel téléphonique », « démarche auprès du tribunal », « vérification du couvre-feu », « discussion clinique », etc.), permet de mettre en lumière la diversité des tâches quotidiennes des délégués. C’est ce qu’illustre la retranscription intégrale de sept jours de la chronologie de Victor6, alors âgé de 17 ans, suivi depuis ses 15 ans dans le cadre de plusieurs peines – impliquant des peines de probation, de travaux communautaires et de placement et surveillance – pour des infractions liées à la consommation et à la vente de drogue dans le cadre de son appartenance supposée à un « gang de rue7 » . Jugé à risque de récidive très élevé, Victor est, au moment de cette chronologie, suivi dans le cadre d’une procédure de liberté conditionnelle qui lui impose de respecter une série de conditions, parmi lesquelles un « couvre-feu de 21h à 7h », plusieurs interdictions (de contacts, de fréquenter certains espaces, de consommer des drogues et de l’alcool), ainsi que diverses obligations, en particulier celle de « trouver/conserver un emploi », et celle de respecter un « rythme de rencontres » de « trois fois par semaine » :

13 mai, vérification de couvre-feu (Stéphanie, déléguée) : « Était présent lors de l’appel ».

13 mai, entrevue au bureau (Albert, délégué principal) : « Ne se présente pas à sa rencontre».

14 mai, vérification de couvre-feu (Brigitte, déléguée) : « [Le jeune] est chez lui. Écoute la télé et dit qu’il ne sait pas ce qu’il va faire après. « Tu vas pas sortir ? » Hi. Ben non ben non, dit-il. Il dit qu’il se couche tard».

14 mai, entrevue au bureau (Albert) : « Victor se présente en avance. Pour hier il s’agit d’une erreur stupide… Il n’a toujours pas reçu d’information du boulot vers [entreprise d’insertion], par contre il a un plan B soit une entreprise en cuisine alors aussitôt qu’il aura une réponse il bougera. En attendant il travaille à réparer le logement chez son père […] Il résume sa fin de semaine en disant qu’il se couche relativement tôt, il a vu sa blonde à une reprise seulement en fin de semaine. Semble un peu perdu pour le moment […]».

15 mai, vérification de couvre-feu (Émilie, déléguée) : « présent »

16 mai, vérification de couvre-feu (Sophie, déléguée) : « Pas de réponse lors de l’appel. »

17 mai, entrevue au bureau (Albert) : « Ne se présente pas à sa rencontre»

17 mai, entrevue téléphonique (Albert) : « Je téléphone à plusieurs reprises chez Victor (téléphone maison et cell[ulaire]) il n’y a pas de réponse. Finalement le père communique avec moi et je l’informe que son fils est absent pour une deuxième fois cette semaine. Nous prenons rendez-vous pour lundi […]à la maison »

17 mai, vérification de couvre-feu (Brigitte) : « présent »

18 mai, vérification de couvre-feu (Brigitte) : « présent »

19 mai, correspondance entre Albert et S., policier (Albert) : « [Le jeune] a été arrêté par les policiers à la place Versailles en possession d’une imitation d’arme. Il a été libérer et comparaîtra par voie de sommation. »

20 mai, discussion clinique entre Albert, Céline (adjointe clinique) et Ève (cheffe de service) :

« Albert nous informe que Victor a été arrêté en fin de semaine en possession d’une fausse arme […] Lors d’une rencontre avec son délégué au McDonald’s, ce dernier a tenté de faire unetransaction de drogue. Il n’a pas réussi car son délégué l’a surpris […]. Le 10 mai, […] le pèredemande à ce qu’il soit indiqué dans une entente que son fils n’ait pas le droit d’aller à la placeV. car à cet endroit, il connaît plusieurs mauvaises fréquentations qui pourraient le placerà risque de récidive. La possession d’arme de la fin de semaine s’est produite à la place V.Le 13 mai, ne se présente pas à sa rencontre. Le 17 mai, absent également. Photo sur sonFacebook avec une arme à la main, avec alcool et sac contenant une importante quantité dedrogue. […] Jeune à risque de récidive important donc, convenons de suspendre sa liberté […].»(Logiciel PIJ, Victor, 17 ans)

Cet extrait de chronologie donne à voir différents usages de l’écriture utilisée dans le logiciel PIJ par les délégué·e·s jeunesse. Tout d’abord, un usage d’enregistrement factuel du respect (ou du non-respect) des conditions imposées au jeune, qu’illustrent notamment les brèves descriptions relatives aux vérifications de couvre-feu : « était présent lors de l’appel » « présent », « pas de réponse lors de l’appel », etc. Opérées à tour de rôle par les délégué·e·s « de permanence », ces vérifications donnent lieu à des commentaires succincts, empruntant à ce que nous avons identifié ailleurs comme un registre d’écriture informatif, qui ne propose a priori aucun récit ni aucune interprétation (Sallée et Chantraine 2014 : 69). Dans un cas seulement, la vérificatrice, Brigitte, fait mention d’un échange noué à l’occasion de cette vérification, usant d’un registre d’écriture narratif, voire implicitement interprétatif (Ibid. : 70–71), quand il est précisé qu’il « écoute la télé », qu’il « ne sait pas ce qu’il va faire après » et « qu’il dit qu’il se couche tard ». Tout en donnant l’image d’un jeune qui respecte les conditions formelles, cette narration peut aussi suggérer l’indécision caractéristique d’une adolescence jugée oisive.

Ce type de chronologie donne également à voir un usage de mise en cohérence des comportements du jeune, dans le cadre d’un travail d’évaluation orchestré par la/le délégué·e jeunesse principal·e attribué·e au jeune. La/Le délégué·e est notamment chargé·e des nombreuses rencontres imposées au jeune. La description de ces entrevues met en scène l’attention portée par la/le délégué·e aux détails des routines des jeunes. Celles-ci concernent, en premier lieu, les « conditions » auxquelles chaque jeune est astreint dans le cadre de sa peine. Ainsi en est-il de la mention faite, le 14 mai, à l’« erreur stupide » qui a conduit Victor à manquer l’entrevue de la veille. Ainsi en va-t-il également de l’état des lieux des démarches d’insertion professionnelle du jeune : Albert, son délégué, mentionne ainsi, toujours le 14 mai, que le jeune a pensé à une alternative face au silence d’une première entreprise d’insertion sociale (le « boulot vers »), le conduisant à affirmer qu’« aussitôt qu’il aura une réponse il bougera ». En décrivant les routines de Victor, Albert s’adonne, plus généralement, à une évaluation morale du comportement du jeune, destinée à apprécier ses mérites, sa bonne volonté voire sa sincérité. S’il juge que ce dernier semble « un peu perdu pour le moment », il souligne néanmoins ses efforts pour respecter les conditions requises et, plus fondamentalement, pour adhérer à la visée réhabilitatrice du suivi, impliquant qu’il structure ses journées par un investissement dans des activités jugées positives (« il travaille à réparer le logement chez son père ») et par le respect d’un rythme de vie jugé sain (« il se couche relativement tôt, il a vu sa blonde à une reprise seulement en fin de semaine »). Le logiciel donne aussi à voir l’investissement, par le délégué, de l’environnement social du jeune, en particulier son environnement familial : Albert décide ainsi, le 17 mai, de « communiquer » avec son père par téléphone, à la suite d’un nouveau manquement du jeune.

Cette chronologie donne enfin à voir un usage de justification des décisions, parfois sensibles, qui rythment le suivi, comme l’illustre ici la mise en récit des raisons pour lesquelles l’équipe de suivi, impliquant ici la hiérarchie administrative du service, convient de « suspendre sa liberté ». Le compte-rendu écrit de la « discussion clinique », par l’enchainement des manquements et la mise en évidence de l’incapacité du jeune à les respecter, « affecte l’énoncé d’une valeur spécifique » (Fraenkel 2007 : 103) : celui d’un jeune « à risque de récidive important », image que renforce encore la mention à une photo du jeune, observée sur son profil Facebook, dont la description l’associe typiquement à l’image stéréotypée d’un membre de gang de rue, « une arme à la main, avec alcool et sac contenant une importante quantité de drogue ». Soulignant le rôle du logiciel comme support de mémorisation et de mise en sens de l’activité, ces quelques éléments seront repris – presqu’inchangés – dans le « rapport d’examen » envoyé aux autorités judiciaires dans le cadre de la procédure de suspension. En ajoutant, dans sa section consacrée aux recommandations, « que le jeune ne s’approprie pas l’ensemble des faits qui lui sont reprochés, qu’il a tendance à projeter la faute et qu’il n’est pas dans une démarche de remise en question », le rapport d’examen tend à prolonger – et à stabiliser, cette fois à destination des tribunaux – la représentation d’un jeune qui résiste à son enrôlement dans le dispositif de suivi.

b)Enrôler les jeunes dans le travail de suivi : la réhabilitation comme contrat d’engagement

La volonté d’intensifier le suivi des jeunes jugés les plus à risque de récidive conduit les délégué·e·s jeunesse à accroître leur présence auprès des jeunes, avec l’objectif d’enrôler ces derniers comme les premiers responsables de leur propre changement. Cette logique de responsabilisation, plaçant le jeune comme « un acteur principal dans l’intervention, […] qui possède le potentiel nécessaire pour se responsabiliser face à ses « agirs » délinquants », selon les termes d’un guide de soutien à la pratique publié par le Centre jeunesse de Montréal (Desjardins 2011 : 40), se situe au cœur de la logique cognitivo-comportementale, plébiscitée depuis le milieu des années 1990 comme étant la plus efficace pour réduire les risques de récidive. Dans cette logique, l’objectif, pour les délégué·e·s, est de faire travailler aux jeunes diverses habiletés jugées « pro-sociales » (savoir communiquer, gérer ses émotions, travailler son impulsivité, choisir ses ami·e·s, se projeter dans l’avenir, etc.), de manière à attaquer les « erreurs de pensée » (Ibid.:64) qui se situeraient à la source de leurs mauvais choix. La relation de suivi apparaît dès lors comme la contractualisation implicite de l’engagement des jeunes dans une démarche de réinsertion qui devrait idéalement reposer sur une adhésion aux modalités et aux finalités du mandat de réhabilitation. Dans ce cadre, les rencontres en face à face occupent une place centrale dans le dispositif de suivi, permettant aux délégué·e·s de construire un cadre interactionnel au sein duquel ils pourront travailler avec le jeune sur les contours de leur rôle. Pour cela, à côté des « entrevues au bureau », les délégué·e·s cherchent à aménager des temps de rencontre dans des lieux différents, de manière à créer un cadre d’informalité propice à l’établissement d’un lien de confiance avec les jeunes.

Le logiciel PIJ donne ainsi à voir plusieurs rencontres au domicile des jeunes, ou dans la voiture des délégués jeunesse. Plusieurs extraits du logiciel PIJ témoignent également de lieux de rencontre choisis par les jeunes, en général des cafés ou des restaurants. Ainsi en estil de la rencontre prévue par Louisa avec l’un de ses jeunes de suivi, Imad, dans un restaurant de son quartier. Elle explique que le jeune « a choisi cet endroit car cela lui rappelle de bons souvenirs du temps où il faisait partie de l’équipe de basketball, il était venu avec le groupe ». La suite du commentaire suggère la richesse de la discussion « autour des douleurs au dos du jeune et des prochaines démarches de recherche d’emploi […]. Nous parlons de fréquentations car il croise deux amis de son ancien quartier ». La même déléguée commente un autre choix du jeune à l’occasion d’une rencontre dans un café en soulignant que ce dernier « semble fier de nous montrer un endroit « pro-social » ». En insistant sur la reprise, par le jeune lui-même, d’un terme (« pro-social ») explicitement associé à la logique cognitivo-comportementale qui structure le travail de suivi, la déléguée souligne implicitement la capacité du jeune à s’approprier les exigences (et les connaissances) du suivi.

Différentes stratégies sont mobilisées par les délégué·e·s jeunesse pour accroitre leur présence auprès des jeunes. En l’absence de murs, ces différentes stratégies, auxquelles il convient d’associer les nombreuses interactions, en particulier téléphoniques, ont pour principale finalité que les jeunes se trouvent « en probation dans leur tête » et qu’ils endossent volontairement le rôle de surveillés, comme le suggère un délégué jeunesse en entretien. Certains délégué·e·s indiquent même procéder à des visites surprises dans l’environnement des jeunes, qui permettent de les saisir sur le vif. En témoigne l’extrait suivant du logiciel PIJ, rédigé par Christophe à propos d’un jeune dont il soupçonnait fortement les manquements, ce qu’il souligne de façon imagée à la fin du commentaire :

Je me déplace au travail d’Emilio afin de vérifier s’il est bel et bien au travail. Je le retrouve au Mc’Do pour une pause-souper. Je reprends la situation avec lui d’aujourd’hui je l’invite à se responsabiliser et à ne pas tenter de fuir ses obligations. Je lui souligne que cela lui éviterait que je débarque sur son heure de souper pour le rencontrer et que cela aurait été beaucoup plus simple d’être transparent avec nous au lieu de tenter de se faufiler comme une couleuvre. (Logiciel PIJ, Emilio, 18 ans – Rédacteur : Christophe)

Cet extrait témoigne du climat de défiance et de suspicion, omniprésent dans le logiciel PIJ, vis-à-vis de ce que cachent ou de ce que pourraient cacher les jeunes à leur délégué·e : « Nomme ne pas avoir consommé [de cannabis] depuis sa sortie. Nous dit-il la vérité ? », s’interroge ainsi Christophe à propos d’Emilio. Dans l’extrait suivant, l’usage par Marie des trois points de suspension, suggère implicitement ses doutes quant à la sincérité du jeune :

Il dit encore travailler chez K. du lundi au vendredi de 8h à 14h (ou 9h à 15h). Nous ouvrons son courriel et imprimons des preuves de recherches d’emploi. À un moment de la discussion il s’échappe et dit qu’il ne travaille pas… (Logiciel PIJ, Jerry, 16 ans – Rédactrice : Marie)

Ces extraits illustrent également, en creux, les tactiques de résistance explicitement mobilisées par les jeunes eux-mêmes pour contourner la surveillance, qu’il s’agisse de « donner le change » pour ne dire que ce que la/le délégué jeunesse veut bien entendre (Scott, 2009) ou pour contourner certaines conditions et ainsi se jouer de la surveillance des délégué·e·s.

Le logiciel PIJ donne également à voir plusieurs moments explicites de « rupture du cadre » (Goffman 1991), où les jeunes refusent, sans se cacher, le rôle de surveillé qui leur est assigné. C’est ce que qu’illustre l’extrait suivant, rédigé par Christophe à propos d’Emilio. Le délégué a même, pour l’occasion, sollicité la présence du chef de service de manière à « recadrer » la situation – et « clarifier [leurs] attentes » :

Nous clarifions à nouveau nos attentes auprès d’Emilio. Nous lui nommons à nouveau notre volonté d’en arriver à améliorer le climat qui règne durant nos rencontres. M. explique à Emilio la phase 1 et ses 18 semaines afin qu’il réalise que tous les jeunes sont soumis à ce même encadrement8 . Emilio nomme que cela l’empêche de vivre et nous prévient que si l’on lui met trop de pression qu’il va finir par péter sa coche. (Logiciel PIJ, Emilio, 18 ans – Rédacteur : Christophe)

C’est également ce dont témoigne la manière dont est relatée la réaction de Sofiane lors d’une conversation téléphonique impromptue sollicitée par sa déléguée, Sonia :

Je rappelle à la maison chez Sofiane à 11h, Sofiane me répond. Il est en colère, il me dit que je le traque et que je n’arrête pas d’appeler. Il me dit que c’est exagéré et que la surveillance se termine dans deux jours. Je lui dis que je l’appelle en effet, parce qu’hier il n’était pas là à sa rencontre et qu’aujourd’hui il ne s’est pas non plus présenté. Je lui rappelle qu’il va être ensuite en probation et que les rencontres se maintiennent […]. Je lui dis que je l’attends à 15h. (Logiciel PIJ, Sofiane, 18 ans – Rédactrice : Sonia)

Lors de l’« entrevue au bureau » qui suit, le jour même, Sonia tient à revenir sur l’usage, par le jeune, du terme de « traque », de manière à « recadrer » la situation dans le cadre d’une relation dite ici de « surveillance » : « Sofiane me dit que nous le traquons. J’explique à Sofiane qu’on parle ici d’avantage de surveillance et s’il ne veut pas être « traqué » comme il le dit, quels sont les moyens qu’il peut prendre ? ».

Dans ce cadre général, quand le jeune répond aux attentes de rôle (il est dit alors qu’il « collabore bien »), les délégué·e·s jeunesse mobilisent une variété d’éléments discursifs destinés à souligner les mérites d’un jeune « qui prend ses responsabilités », qui « fait les bons choix », etc. Le logiciel PIJ comporte ainsi de très nombreuses « félicitations » lorsque les jeunes respectent leurs engagements. Conformément à la logique cognitivo-comportementale, les délégué·e·s soulignent aussi fréquemment qu’ils∙elles « renforcent » les bons comportements des jeunes : « Je le renforce sur ses efforts et son attitude de collaboration » (Jonathan, 18 ans – Rédactrice : Marie).

Loin de reposer uniquement sur ce type de relation directe entre les délégué·e·s jeunesse et les jeunes, la densité relationnelle constitutive du travail de suivi exige également des premiers une démarche d’enrôlement des agent·e·s ordinaires de socialisation des jeunes, pour étendre leur regard et accroitre l’emprise mentale du dispositif de surveillance.

c) Enrôler l’environnement dans le travail de suivi : une surveillance communautaire

Les travaux de David Garland sur les transformations contemporaines du contrôle social aux États-Unis et en Grande-Bretagne (Garland 1998, 2001) mettent en avant le déploiement de nouvelles « stratégies de responsabilisation » au travers lesquelles les agent·e·s publics, formellement chargés du travail de surveillance, mettent en place des « chaines d’action coopératives » (Garland 1998 : 58) dont la finalité vise l’implication des actrices et des acteurs de la communauté dans la régulation du crime (Devresse 2012). Les données consignées dans le logiciel PIJ suggèrent ainsi la manière dont, au gré des processus d’intensification de la surveillance, un nombre croissant d’actrices et d’acteurs non directement pénaux (famille, école, employeur etc.) est enrôlé dans le travail quotidien de surveillance. À la différence cependant de ce que montre Garland, les actrices et les acteurs ici concernés sont non seulement appelés à participer à la gestion communautaire de régulation du crime, mais également à participer activement à la visée générale de réhabilitation qui, au Québec, structure le travail de suivi.

Parmi les actrices et les acteurs enrôlé·e·s, les dossiers PIJ donnent d’abord à voir le rôle clé que jouent les organismes de justice alternative (OJA), chargés de la mise en œuvre des peines de travaux communautaires, dont le non-respect est susceptible de conduire à une procédure de dénonciation. À côté de ce type d’allié·e·s formellement impliqué·e·s dans la chaine pénale, nos données mettent également en avant l’enrôlement d’actrices et d’acteurs en principe étrangers au champ pénal, en particulier l’école et les employeurs, d’abord mobilisé·e·s en tant qu’ils constituent les pourvoyeurs privilégiés de traces tangibles de l’engagement des jeunes dans leur suivi, et par là-même, du respect des conditions qui leur sont imposées. Ces traces (relevés de présence et d’absence, talons de paye, etc.) sont d’autant plus importantes pour les délégué·e·s jeunesses qu’à la différence de certaines traces qu’ils∙elles peuvent produire euxmêmes, en par ticulier le respect (ou non) des couvre-feux, elles constituent des preuves robustes, sur un plan juridique, pour être mobilisées lors d’éventuelles procédures de dénonciation ou de suspension.

Ces actrices et ces acteurs peuvent ainsi être mobilisé·e·s comme des sources d’informations qualitatives sur le comportement des jeunes – ce qui est particulièrement le cas des personnels scolaires qui, du fait de leur rôle pédagogique, sont plus facilement perçus par les délégué·e·s jeunesse comme de potentiels alliés. C’est ce dont atteste l’échange rapporté par Isabelle, déléguée jeunesse, avec la directrice de l’établissement (Mme P.) au sein duquel l’un de ses jeunes de suivi, Fabrice, est alors scolarisé :

Conversation téléphonique avec Mme P., elle m’informe que Fabrice ne lui a pas parlé de faire ses TC [travaux communautaires] à l’école, il y a eu des absences, il dort en classe et il a fait un examen où il a obtenu des très bonnes notes, le professeur se questionne, Fabrice ne fait pas ses retenues, il y a également un soupçon qu’il ait donné la drogue à un autre élève mais ils n’ont aucune preuve. (Logiciel PIJ, Fabrice – Rédactrice : Isabelle)

D’autres actrices et acteurs sont plus ponctuellement mobilisés, du « coach de basket » de Jérôme auprès duquel sa déléguée recueille des informations sur son assiduité et son comportement, jusqu’au « chauffeur de bus » d’Elliott, dont la situation singulière suscite des inquiétudes spécifiques. Ce dernier étant condamné pour des faits de violence sexuelle, impliquant une interdiction « d’être en présence d’enfants de moins de 12 ans sans présence immédiate d’un adulte responsable avisé de la problématique du jeune », selon les termes mêmes de son ordonnance de probation, sa déléguée précise que le chauffeur est tenu de « garder le jeune à l’œil » pendant ses trajets jusqu’à l’école.

Plusieurs autrices et auteurs ont montré comment la surveillance hors les murs engage les familles dans le travail de surveillance, ayant pour effet de peser sur les relations que les justiciables entretiennent avec leurs proches (parents, frères et sœurs, conjoint·e·s, etc.), qui parce qu’ils∙elles peuvent développer des liens d’intimité avec les surveillés, deviennent de potentiel·le·s surveillant·e·s informel·le·s (Goffman 2014). Dans son étude sur la surveillance électronique à domicile, William Staples (2009, 2013) souligne notamment le rôle central des familles (back-up work) comme auxiliaires informels du travail de surveillance. Dans la continuité de ces constats, renvoyant à des processus de « division» et « d’atomisation» du travail de surveillance (Allaria 2014), les données du logiciel PIJ suggèrent le rôle central des actrices et des acteurs familiaux pour étendre à distance le regard que les délégué·e·s portent sur les jeunes. Ceux-ci sont pour la plupart les parents des jeunes, et plus spécifiquement encore les mères, tant les rapports sociaux familiaux consignés dans ces dossiers impliquent les femmes comme premières responsables de l’éducation de leur enfant – 21 des 33 dossiers consultés mentionnent la mère comme unique détentrice de la garde de son enfant. Seul un dossier indique le père dans cette situation.

En recherchant la « collaboration » des parents, l’objectif général des délégué·e·s est d’enrôler ces derniers comme agents actifs du suivi des jeunes, impliquant non seulement qu’ils s’assurent du respect des conditions auxquelles leurs enfants sont assignés, mais également – ce qui est plus délicat – qu’ils informent les délégué·e·s jeunesse en cas de non-respect de celles-ci. Ce travail d’enrôlement exige un long effort de persuasion pour atténuer la méfiance des parents. À plusieurs reprises, les dossiers PIJ font ainsi mention d’un travail spécifique d’éducation dirigé à l’endroit des parents, comme en témoigne l’injonction adressée à la mère d’Omar de « responsabiliser son jeune, avoir des attendus clairs et être cohérente dans l’application de son autorité ». De ce travail spécifique d’enrôlement des familles se dégagent deux principales représentations idéal-typiques des parents, qui n’opposent pas tant des dossiers entre eux, mais qui se dégagent des récits concrets d’interaction entre les délégué·e·s jeunesse et les parents. À la manière de deux pôles en tension continuelle, ces deux représentations idéal-typiques peuvent ainsi cohabiter au sein d’un même dossier. La première d’entre elles est celle des « parents récalcitrants », dont les pratiques protègent à la fois le jeune et les frontières de l’espace domestique contre l’intrusion d’actrices et d’acteurs perçu·e·s comme des agent·e·s du contrôle pénal. Les délégué·e·s dépeignent alors le tableau de parents qui résistent à jouer le rôle qui est attendu d’eux, comme en témoigne un extrait de la « chronologie » de Jerry, 16 ans, alors suivi dans le cadre d’une peine de probation depuis dix mois :

Conversation téléphonique avec la mère […]. Madame reprend les excuses de son fils, me dit que Jerry ne peut pas se présenter […]. J’encourage madame à responsabiliser son fils et nepas tomber dans les excuses qu’il nous donne, elle dit être tannée, elle veut s’en aller du pays pour en finir avec les Centres jeunesse, je lui fais voir que ce n’est pas la solution, que Jerry va être responsable ou irresponsable peu importe l’endroit où il habite, madame me dit que je l’agresse, que je la harcèle, je lui fais voir que je veux l’aider à responsabiliser son fils. (Logiciel PIJ, Jerry – Rédactrice : Isabelle)

La seconde représentation idéal-typique est celle de la « famille collaborante », qui agit dans le sens des mesures et de la réalisation du mandat de la/du délégué·e, atténuant la distance entre l’univers domestique et les actrices et acteurs du champ pénal. Les contraintes qui pèsent sur les jeunes peuvent dans ce cas être présentées par les délégué·e·s comme les supports d’exigences éducatives que les familles ne seraient pas en mesure d’imposer autrement, ritualisant ainsi les rapports d’autorité dans l’espace domestique. On retrouve notamment le déploiement de cette représentation dans les situations où les pères sont impliqués :

Le père me téléphone, me dit qu’il est découragé et à bout de nerfs. Je demande au père de noter tout ce que son fils ne respecte pas et ce qui selon lui il devrait faire. Nous aurons une discussion à ce sujet vendredi lors de la rencontre au domicile. Je lui demande de laisser son fils se responsabiliser seul. » (Logiciel PIJ, Bilal, 17 ans – Rédactrice : Émilie)

Je questionne monsieur sur plusieurs sphères de la vie du jeune, les règles à la maison. […] Monsieur démontre une ouverture à l’aide et il est capable d’adaptation entre la culture haïtienne et le système de valeurs québécoises9. Il m’invite à lui téléphoner en tout temps, veut collaborer et met laisse la place pour jouer mon rôle (Logiciel PIJ, Jonathan, 18 ans – Rédactrice : Marie).

Ce rôle de collaboration peut advenir dans le cours du suivi, comme en témoigne l’extrait où une déléguée se félicite que la mère ait décidé d’être « mise à pied » de son travail pour s’occuper de son fils (Roberto, 18 ans – Rédactrice : Marie). Il peut aussi susciter des tensions au sein des relations familiales, décrites par les délégué·e·s jeunesse comme une résistance des jeunes à la fermeté bienvenue de leurs parents :

Appel en soirée à la mère. On discute de l’attitude de son fils qui résiste à ses conditions de surveillance et qui blâme la mère de ne pas le couvrir dans ses manquements. Emilio la traite de snitch et tente de lui faire porter un mauvais rôle. Je l’encourage à ne pas lâcher et à se tenir debout devant son jeune homme qui résiste aux mesures qu’elle tente d’instaurer auprès de lui. (Logiciel PIJ, Emilio, 18 ans – Rédacteur : Christophe)

Ce rôle de collaboration peut également induire des tensions entre les parents et les délégué·e·s quand les premiers ont le sentiment que les seconds deviennent trop intrusifs. C’est de cette manière qu’est relatée la relation du père de Victor à la décision de « suspendre » la liberté de son fils. Cette suspension est pourtant, en partie au moins, le résultat d’une collaboration active du père qui, lors d’une rencontre avec le délégué, avait explicitement demandé que soit ajoutée, parmi les conditions de surveillance de son fils, celle de ne pas fréquenter un lieu, la « place Versailles », en raison de « l’influence des mauvaises fréquentations sur Victor à cet endroit et le risque de récidive élevé que cela représente » (Victor, 18 ans-Rédacteur : Albert) – D’autres conditions avaient été ajoutées à la demande du père, notamment celle de « respecter les consignes à la maison » (« respecter les lieux : pas de trou dans les murs, pas de trou dans les portes etc.», « nettoyer après mon passage (vaisselle, rangement dans ma chambre) »). La justification de la suspension, reprise dans le rapport d’examen envoyé aux autorités judiciaires, mentionne ainsi explicitement la présence du jeune à la Place Versailles « en possession d’une imitation d’arme à feu ». Les jours qui suivent la suspension témoigne pourtant d’un changement de climat, le père contestant la décision en se montrant, pendant plusieurs jours, « très en colère voire même agressif » avec le délégué. Ce changement de climat illustre, plus généralement, le décalage entre les attentes parentales, vis-à-vis d’une présence judiciaire pouvant donner l’espoir du rétablissement d’une autorité fragilisée, et l’engrenage d’un dispositif de suivi qui risque toujours de faire des parents de simples auxiliaires du contrôle pénal.

Conclusion

Le travail de suivi des jeunes délinquants dans la collectivité est traversé par une tension constitutive entre une mission d’accompagnement et une mission de surveillance, que met notamment en évidence la liste des « conditions » qui pèsent sur les jeunes, et dont le non-respect est toujours susceptible de conduire à leur envoi – ou à leur retour – entre les murs d’une unité fermée. Si cette tension n’est pas nouvelle, elle s’exacerbe dans un contexte de gestion des risques qui vise à intensifier le suivi des jeunes jugés à haut risque de récidive et accroit simultanément le poids de la logique de surveillance. Au Québec, cette surveillance déployée au quotidien a pour particularité d’être principalement relationnelle, s’appuyant sur la construction d’une densité relationnelle, que les délégué·e·s cherchent aussi à moduler en fonction du niveau de risque de récidive des jeunes.

Le logiciel PIJ, comme dispositif de traçabilité de l’activité, alimenté par les délégué·e·s jeunesse eux-mêmes, constitue une entrée privilégiée pour saisir l’activité quotidienne qui caractérise le suivi des jeunes dans la collectivité et cette densité relationnelle en train de se faire – il constitue, en cela, une archive du travail. Sa lecture donne à voir la double responsabilisation qui se loge au cœur du travail de suivi. Responsabilisation des jeunes, d’abord, visant à susciter leur adhésion à une omniprésence de la/du délégué·e jeunesse dans leur vie quotidienne. Responsabilisation des membres de leur environnement, ensuite, de manière à étendre le regard de la/du délégué·e dans divers espaces de socialisation du jeune (chez lui, à l’école, au travail, voire au sport ou dans le bus scolaire, etc.). À ce titre, le logiciel PIJ apparaît aussi comme l’un des principaux rouages du dispositif de surveillance. Au croisement de l’enregistrement factuel des traces et de la mise en cohérence des situations consignées, son usage permet aux délégué·e·s de stabiliser, dans un outil informatique durable, les éléments de justification nécessaires aux décisions sensibles qu’elles·ils sont amenés à prendre, et qu’elles·ils pourraient avoir à defender devant des tribunaux. Dans les commentaires qu’elles·ils produisent, les délégué·e·s évaluent notamment les efforts consentis par les actrices et les acteurs du suivi, au premier chef desquels ceux des jeunes, mais aussi ceux de leurs parents, pour se conformer aux rôles qui leur sont assignés. Dans ce cadre, la mise en évidence, par l’écrit, des manquements aux différents rôles que chacun·e est appelé à jouer dans la surveillance quotidienne, apparaît comme la trame justificative des procédures de dénonciation et de suspension, permettant aux délégué·e·s jeunesse, par ricochet, de se protéger de contre l’implication de leur responsabilité dans l’échec d’un suivi.

Material suplementario
Información adicional

Nicolas Sallée: est docteur en sociologie de l’Université Paris Ouest Nanterre et professeur au département de sociologie de l’Université de Montréal. Il est aussi directeur scientifique du Centre de recherche de Montréal sur les inégalités sociales et les discriminations (CREMIS), et co-directeur de la revue Sociologie et sociétés. Ses recherches principales portent sur la justice pénale des mineurs en France et au Québec. Il développe également des travaux sur la sexualité et le traitement judiciaire des troubles mentaux. nicolas.sallee@gmail.com Université de Montréal Département de sociologie, FAS CP 6128, succursale Centre-Ville CA-Montréal (QC), H3C 3J7

Mohammed Aziz Mestiri: est titulaire d’un baccalauréat bidisciplinaire de psychologie et sociologie, et est candidat à la maîtrise au département de sociologie de l’Université de Montréal. Ses recherches actuelles portent sur l’écrit au travail et, plus spécifiquement, sur les usages de logiciels informatiques dans la centralisation des données de suivis socio- judiciaires de jeunes contrevenants. mohaziz.mestiri@gmail.com Université de Montréal Département de sociologie, FAS CP 6128, succursale Centre-Ville CA - Montréal (QC), H3C 3J7

Jade Bourdages: est politologue et professeure à l’École de travail social de l’Université du Québec à Montréal. Elle est chercheuse au Centre de recherche sur les innovations sociales (CRISES) et à l’Observatoire sur les profilages. Ancienne intervenante jeunesse, elle est également membre de la Coalition d’action et de surveillance sur l’incarcération des femmes au Québec (CASIFQ) et présidente du Conseil d’administration de l’organisme de médiation et de co-création avec les populations marginalisées, Coup d’éclats. jade_bourdages@yahoo.fr Université du Québec à Montréal École de travail social Case postale 8888, succursale Centre-ville Montréal (Québec) H3C 3P8 Canada

Références
Allaria Camille. 2014. « Le placement sous surveillance électronique: espace et visibilité du châtiment virtuel .. Champ pénal/Penal field 11. https://journals.openedition.org/champpenal/8791, consulté le 2 décembre 2019.
Bezes Philippe. 2009. Réinventer l’État. Les réformes de l’administration française. Paris : Presses universitaires de France.
Borraz Olivier. 2013. « Pour une sociologie critique des risques », in : Bourg Dominique, Kaufmann Alain et Joly Pierre-Benoit (dir.), Du risque à la menace, 237–256. Paris : Presses universitaires de France.
Castel Robert. 1981. La gestion des risques. De l’anti-psychiatrie à l’après psychanalyse. Paris : Minuit.
De Larminat Xavier. 2014. « Un continuum pénal hybride: discipline, contrôle, responsabi- lisation ». Champ pénal/Penal field 11. https:// journals.openedition.org/champpenal/8965, consulté le 2 décembre 2019.
Desjardins Sophie. 2011. Guide de soutien à la pratique. Le suivi différencié dans la communauté. Montréal : Centre jeunesse de Montréal-Institut universitaire.
Devresse Marie-Sophie. 2012. « Investissement actif de la sanction et extension de la responsabilité. Le cas des peines s’exerçant en milieu ouvert ». Déviance et Société 36(3) : 311–323.
Dorvil Henri. 2002. « La désinstitutionnalisation : du fou de village aux fous des villes ». Bulletin d’histoire politique 10(3) : 88–104.
Feeley Malcolm, Simon Jonathan. 1992. “The New Penology: Notes on the Emerging Strategy of Corrections and Its Implications”. Criminology 30(4): 449–474.
Fraenkel Béatrice. 2007. «Actes d’écriture. Quand écrire c’est faire». Langage et Société 3(4): 101–112.
Garland David. 2001. The Culture of Control: Crime and Social Order in Contemporary Society. Chicago: University of Chicago Press.
Garland David. 1998. « Les contradictions de la ‹ société punitive › : le cas britannique ». Actes de la recherche en sciences sociales 124(4) : 49–67.
Goffman Alice. 2014. On the Run. Fugitive Life in an American City. Chicago : University of Chicago Press.
Goffman Erving. [1974] 1991. Les cadres de l’expérience. Paris : Minuit (traduction de Joseph Isaac, Dartevelle Michel, Joseph Pascale).
Hannah-Moffat Kelly. 2005. “Criminogenic Needs and the Transformative Risk Subject. Hybridizations of Risk/Need in Penality”. Punishment& Society 7(1): 29–51.
Lanctôt Nadine, Desaive Benjamin. 2002. « La nature de la prise en charge des adolescentes par la justice : jonction des attitudes paternalistes et du profil comportemental des adolescentes ». Déviance et Société26(4) : 463–478.
Laporte Clément. 1997. « La probation intensive: une alternative efficace à la mise sous garde ouverte et continue ». Défi jeunesse, Revue professionnelle du Centre jeunesse de Montréal 4(1): 25–30.
Muncie John. 2005. “The Globalization of Crime Control: the Case of Youth and Juvenile Justice”. Theoretical Criminology 9(1): 35–64.
Petersilia Joan. 1999. “A decade of Experimen- ting with Intermediate Sanctions: What Have we Learned?”. Correction Management Quarterly 3(3): 19–27.
Rot Gwenaële. 1998. « Autocontrôle, responsabi- lité, traçabilité ». Sociologie du travail 40(1): 5–20.
Sallée Nicolas. 2018. « Accompagner, surveiller, (ne pas) dénoncer. Les pratiques de gestion des manquements dans le suivi hors les murs de jeunes délinquants à Montréal ». Champ pénal/Penal field 15. https://journals.openedition.org/champpenal/9869, consulté le 2 décembre 2019.
Sallée Nicolas. 2016. Éduquer sous contrainte. Une sociologie de la justice des mineurs. Paris : Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS).
Sallée Nicolas, Chantraine Gilles. 2014. « Observer, consigner, tracer. Les usages d’un cahier électronique controversé en établissement pénitentiaire pour mineurs ». Sociologie du travail 56(1) : 64–82.
Sallée Nicolas, Tschanz Anaïs. 2018. « C’est un peu la prison, mais c’est pas comme la vraie ». La carcéralité d’un centre de réadaptation pour jeunes délinquants à Montréal ». Métropolitiques. https://www.metropolitiques eu/C-est-un-peu-la- prison-mais-c-est-pas-comme-la-vraie.html, consulté le 2 décembre 2019.
Scott James C. [1990] 2009. La domination et les arts de la résistance. Fragments du discours subalterne. Paris : Amsterdam (traduction de Ruchet Olivier).
Staples William G. 2013. Everyday Surveillance: Vigilance and Visibility in Postmodern Life. Lanham, MD: Rowman & Littlefield.2009. .Where are you and what are you doing? Familial ‘back-up work’ as a collateral consequence of house arrest., in: Nelson Margaret K., Garey Anita Ilta (eds.), Who’s Watching: Daily practices of surveillance among contemporary families, p. 33–53. Nashville, TN: Vanderbilt University Press.
Notas
Notes
1 Au Canada, la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents (LSJPA) est de compétence fédérale. Les modalités de son application relèvent, quant à elles, de compétences provinciales.
2 Les peines de placement et surveillance sont les peines les plus sévères prévues pour les jeunes au Canada. Elles sont exécutées aux deux-tiers dans des unités de garde proches de ce que l’on identifierait ailleurs comme des prisons pour mineurs (Sallée et Tschanz, 2018), et dans leur dernier tiers sous surveillance dans la collectivité.
3 Cette centration sur les garçons n’est pas un choix de notre part, mais un effet du dispositif. Au moment de nos observations, aucune fille n’était suivie dans le cadre d’un « suivi intensif ». Ce constat tient probablement, pour une large part, au traitement différencié des déviances juvéniles masculines et féminines, les jeunes filles étant pour la plupart suivies, et parfois de façon très contraignante, au titre de leur protection (sur le Québec, voir Lancôt et Desaive, 2002).
4 Cette recherche a bénéficié d’un premier financement de la donation Richelieu (2016-2018), et est actuelle- ment l’objet de prolongements dans le cadre d’un projet France-Québec financé par la mission de recherché « Droit et justice » du Ministère de la justice, en France (2017-2019). Nous avons obtenu, côté québécois, une certification éthique du Comité éthique de la recherche – Jeunes en difficulté du CCSMTL.
5 La lecture du logiciel PIJ est ouverte uniquement à la hiérarchie administrative des Centres jeunesse. Si le logiciel ne constitue donc pas lui-même un écrit judiciaire, les délégué•e•s jeunesse peuvent cependant s’y appuyer pour produire les rapports qu’ils∙elles doivent transmettre aux tribunaux.
6 Tous les noms et prénoms utilisés dans ce texte sont fictifs.
7 La catégorie de « gang de rue » constitue une manière usuelle, au Québec, d’appréhender la délinquance des jeunes, et en particulier la délinquance des jeunes garçons racisés.
8 Il s’agit là d’une subtilité du « programme de suivis différenciés dans la communauté », voulant que l’intensité d’intervention soit la plus forte durant les 18 premières semaines du suivi (dites « phase 1 »), avant que les besoins d’encadrement ne soient réévalués. Auteur·e·s Nicolas Sallée est docteur en sociologie de l’Université Paris Ouest Nanterre et professeur au département de sociologie de l’Université de Montréal. Il est aussi directeur scientifique du Centre de recherche de Montréal sur les inégalités sociales et les discriminations (CREMIS), et co-directeur de la revue Sociologie et sociétés. Ses recherches principales portent sur la justice pénale des mineurs en France et au Québec. Il développe également des travaux sur la sexualité et le traitement judiciaire des troubles mentaux. nicolas.sallee@gmail.comUniversité de Montréal Département de sociologie, FAS CP 6128, succursale Centre-Ville CA-Montréal (QC), H3C 3J7 Importar imagen Mohammed Aziz Mestiri est titulaire d’un baccalauréat bidisciplinaire de psychologie et sociologie, et est candidat à la maîtrise au département de sociologie de l’Université de Montréal. Ses recherches actuelles portent sur l’écrit au travail et, plus spécifiquement, sur les usages de logiciels informatiques dans la centralisation des données de suivis socio- judiciaires de jeunes contrevenants. mohaziz.mestiri@gmail.comUniversité de Montréal Département de sociologie, FAS CP 6128, succursale Centre-Ville CA - Montréal (QC), H3C 3J7Jade Bourdages est politologue et professeure à l’École de travail social de l’Université du Québec à Montréal. Elle est chercheuse au Centre de recherche sur les innovations sociales (CRISES) et à l’Observatoire sur les profilages. Ancienne intervenante jeunesse, elle est également membre de la Coalition d’action et de surveillance sur l’incarcération des femmes au Québec (CASIFQ) et présidente du Conseil d’administration de l’organisme de médiation et de co-création avec les populations marginalisées, Coup d’éclats. jade_bourdages@yahoo.frUniversité du Québec à Montréal École de travail socialCase postale 8888, succursale Centre-ville Montréal (Québec)H3C 3P8Canada
Buscar:
Contexto
Descargar
Todas
Imágenes
Visor de artículos científicos generados a partir de XML-JATS4R por Redalyc