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Aux origines du « marxisme à la française »: réception et évolution du projet d’A la lumière du marxisme
Alle origini del "marxismo alla francese": recezione ed evoluzione del progetto di A la lumière du marxisme
Revista de Filosofía Aurora, vol. 34, núm. 63, pp. 224-247, 2022
Pontifícia Universidade Católica do Paraná

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Recepción: 20 Mayo 2022

Aprobación: 12 Septiembre 2022

DOI: https://doi.org/10.7213/1980-5934.34.063.AO04

Résumé: Cet article vise à présenter les résultats d'une recherche portant sur la réception des premières études françaises sur le matérialisme dialectique, publiées en 1935 dans le recueil intitulé A la lumière du marxisme. L'analyse des nombreux compte-rendus et la reconstruction du débat autour de ce volume, à travers lequel est introduit en France le marxisme en tant que philosophie, jette une lumière nouvelle sur la genèse du "rationalisme moderne", dont se réclame, lors de sa fondation en 1939, la revue liée au Pcf, La Pensée. On découvre ainsi que l'image figée du marxisme à la française, fondé sur la reprise de la tradition nationale matérialiste et rationaliste, telle qu'elle sera transmise à partir de l'après-guerre, est le résultat d'une lutte idéologique dans laquelle des positions différentes s'étaient affrontées. En effet, au début de la décennie les intellectuels réunis autour de la Commission scientifiques du Cercle de la Russie neuve avaient essayé d'envisager le marxisme principalement comme une méthodologie vivante pour l'avancement des sciences, y compris de la nature, et que dans cette appropriation épistémologique de la dialectique matérialiste la référence à Hegel y joue un rôle crucial pour l'appropriation et l'introduction de la philosophie de Marx dans le milieu académique. Cependant, à travers les recensions qui ont été faites de leurs premiers essaies, différentes pressions sont exercées, provenant principalement des instances de contrôle soviétiques, pour que l'étude de la "source française" du marxisme remplace la "source allemande". Malgré leur résistance initiale, dont témoignent les débats qui s'ensuivent, les "néo-marxistes" finissent par suivre ces invitations à abandonner la voie hégélienne à la dialectique matérialiste pour tracer une ligne nationale qui de Descartes mènerait jusqu'à Staline.

Mots clés: Marxisme, Matérialisme dialectique, Rationalisme moderne, Louis Althusser, Epistémologie marxiste.

Abstract: This article presents the results of research conducted on the first French studies on dialectical materialism, published in 1935 in a collection entitled A la lumière du marxisme. The analysis of the numerous reviews and the reconstruction of the debate around this volume, through which Marxism as a philosophy was introduced in France, sheds new light on the genesis of modern rationalism, which was claimed at its foundation in 1939 by the PCF-linked journal, La Pensée. We thus discover that the fixed image of French-style Marxism, founded on the recovery of the national materialist and rationalist tradition, as it was to be transmitted after the Second World War, was the result of an ideological struggle in which different positions had been confronted. In fact, at the beginning of the decade, the intellectuals gathered around the scientific commission of the Cercle de la Russie neuve had attempted to understand Marxism primarily as a living methodology for the advancement of the sciences, including the natural sciences, and that in this epistemological appropriation of the materialist dialectic, the reference to Hegel plays a crucial role in the appropriation and introduction of Marx's philosophy into academic circles. However, through the reviews that were made of their early essays, various pressures were exerted, mainly from Soviet control instances, for the study of the 'French source' of Marxism to replace the 'German source'. Despite their initial resistance, as witnessed by the debates that followed, the 'neo-Marxists' ended up following these calls to abandon the Hegelian path to materialist dialectics and draw a national line from Descartes to Stalin.

Keywords: Marxism, Dialectical materialism, Modern rationalism, Louis Althusser, Marxist epistemology.

Como citar: CARLINO, F. Aux origines du « marxisme à la française »: réception et évolution du projet d’A la lumière du marxisme. Revista de Filosofia Aurora, Curitiba, v. 34, n. 63, p. 224-247, out./dez. 2022

Introduction

Lorsque J.-P. Sartre (1946) fait ses premiers pas pour tenter un rapprochement entre sa philosophie de l'existence et l'œuvre de Marx, il se trouve confronté d'abord à la forme particulière que le matérialisme dialectique avait prise en France, à savoir le « rationalisme moderne »[2]. Par cette expression, les intellectuels réunis autour de la revue liée au Parti communiste français, La Pensée, entendaient dessiner une ligne continue qui de Descartes mènerait jusqu'à Staline, en passant par Marx (Carlino, 2015). C'est sans doute dans les caractères propres à ce « marxisme à la française » qu'il faut chercher l'une des raisons de l'échec de cette première rencontre entre Sartre et le marxisme : l'auteur de l'Etre et le néant ne pouvait certainement pas trouver les concepts aptes à fonder une philosophie pour la révolution dans ce mélange dogmatique d'éléments contradictoires de positivisme, mécanicisme et idéalisme, qu'était à ses yeux le rationalisme moderne. Cependant, la définition de la philosophie marxiste telle qu'elle se présente aux intellectuels français dans la deuxième moitié des années 1940 ne peut être comprise en dehors de l'histoire complexe et contradictoire, longtemps oubliée, dont elle est le produit final, au travers d'une lutte entre les tendances opposées qui se sont affrontées tout au long de la décennie précédente.

En effet, le noyau originaire de La Pensée, fondée en 1939, est issu du Cercle de la Russie Neuve, groupe d'intellectuels philosoviétiques actif depuis 1929, dont la ligne a été l'objet de plusieurs pressions tout au long des années 1930, qui en ont modifié les présupposés théoriques et politiques initiaux. Dans cet article sont présentés les résultats d'une recherche portant sur à la fois sur la réception des deux recueils d'essais, issus des travaux du Cercle de la Russie Neuve sur le matérialisme dialectique et les sciences, publiés entre 1935 et 1937 sous le titre d'A la lumière du marxisme, sur les débats qui s'ensuivirent et sur les effets de retour sur les positions défendues par le membre du groupe. D'un côté, à travers l'analyse des compte-rendus faits des deux volumes on découvre que les premières tentatives de rapprochement de la philosophie de Marx se font en France principalement à travers une appropriation de Hegel et que c'est de la part des instances de contrôle soviétique que vient l'invitation – qui est en réalité une injonction politique liée à la nouvelle stratégie des voies nationales au socialisme – à laisser de côté la « source allemande » pour reconnaitre l'importance de la « source française » (KAUTSKY, 1947) du rationalisme matérialiste. De l'autre côté, les réactions des auteurs et des membres du Cercle aux critiques, provenant de l'intérieur comme de l'extérieur du monde communiste, montrent que la ligne soviétique ne s'est pas imposée sans une un forme de résistance, qui se traduisait principalement dans la défense de la liberté de mener librement des recherches visant à vérifier la validité du matérialisme dialectique dans les différents domaines de la connaissance, de la biologie à la sociologie, de la physique à la philosophie, où le nom de Hegel reste une référence majeure.

A travers la reconstruction de ce processus de torsion des recherches de ces premiers essais de marxisme philosophique en France, on peut voir que la genèse de la définition du marxisme comme rationalisme moderne cache une richesse et une complexité que la victoire de la ligne soviétique, relayée par le Parti communiste français, a réussi à réduire à partir de la fin des années 1930 à rationalisme matérialiste, héritier des Lumières.

Le rationalisme moderne comme produit d'une histoire contradictoire

Le rôle joué par le Cercle de la Russie neuve, dans le processus d’introduction du matérialisme dialectique en France, a été longtemps méconnu. Le jugement porté en 1974 par André Tosel (2001, p. 1003) semblait être sans appel : « si l’on excepte les directions de travail de Politzer et la grande importance pratique de ses efforts […] (travaux sur la psychologie concrète, polémiques), on ne relève nulle figure de l’importance de Gramsci, Lukács, avant la seconde guerre mondiale ». La production marxiste en France de l’entre-deux guerre se trouvait ainsi réduite à l’œuvre d’un seul auteur, Georges Politzer, cet auteur étant à son tour réduit au rôle de précurseur de certains thèmes qui seront repris par la psychanalyse, et à la figure cristallisée de l’intellectuel de Parti. Et bien qu’il revienne sur cette liquidation, en reconnaissant également à Henri Lefebvre une certaine stature, Tosel ne parvient pas à remettre en question l’image d’une décennie dont la complexité dépasse largement la contribution de ces deux figures, aussi exceptionnelles soient-elles[3]. Mais même ceux qui ont tenté une reconstruction du cadre dans lequel l’intervention de Politzer et les premiers écrits de Lefebvre s’inscrivent, ont eu tendance à rabattre l’intérêt pour le matérialisme dialectique tantôt sur une certaine attitude épistémologique propre aux scientifiques français, tantôt sur sa soumission au diamat stalinien (KAHN, 1986; KALLSCHEUER, 1981; VRANICKI, 1972). Il arrive que ce soient les acteurs de ce procès eux-mêmes qui donnent une image simplifiée du contexte dans lequel ils s’insèrent, dans le but de souligner l’originalité de leur propre intervention (LEFEBVRE; GUTERMAN, 1999, p. 19-21). Les interprétations courantes du mouvement par lequel le marxisme philosophique est introduit en France oscillent par conséquent entre sa reconduction à une fidélité théorique à la tradition nationale, d’un côté, et de l'autre à une volonté politique d’adhésion à l’idéologie soviétique (CERUTI, 1981; CAUTE, 1967, p. 377-379). Afin de rendre possible la réévaluation du processus dans sa complexité, en redonnant par-là aux différents moments leur originalité et à ses acteurs leurs propres spécificités, au-delà de la critique des fondements de la psychologie de Politzer et du marxisme jugé hétérodoxe de Lefebvre, il est alors préalablement nécessaire de parcourir les mécanismes par lesquels s’est produite cette image mystifiée qui a mené d'abord à sa mythisation opérée par le PCF en tant que réélaboration du matérialisme dialectique fidèle à la fois au stalinisme et à la tradition nationale, et ensuite à sa liquidation en tant que simple traduction française de l'orthodoxie soviétique. En remontant aux instances qui sont à l’origine de la mystification et du refoulement, il s’agit de remettre en perspective les premières études françaises se réclamant du matérialisme dialectique, c’est-à-dire du marxisme en tant que philosophie, pour les détacher de l’effet rétrospectif qui affecte leur compréhension, et les replacer par-là dans leur propre conjoncture. Le recueil intitulé A la lumière du marxisme (dorénavant ALdM) publié en 1935 par les éditions du Parti, constitue la première ébauche de ces études.

Le but de ce recueil, introduit par Henri Wallon[4], consiste à présenter les résultats provisoires d’un travail mené par un groupe d’intellectuels[5] s’intéressant à l’étude et à la diffusion du matérialisme dialectique en France, au sein du Cercle de la Russie neuve (dorénavant CRN). Les conférences composant ALdM ont été en effet prononcées dans le cadre des activités de cette association, créé en 1927 afin de promouvoir la connaissance de la culture soviétique[6]. Dans son essai sur Hegel et Marx, qui constitue le noyau philosophique du premier volume, René Maublanc cherche à démontrer que « le matérialisme marxiste n’a rien à voir avec le matérialisme mécaniste du XVIIIe siècle » (WALLON et al., 1937, p. 222). Le CRN est toutefois couramment présenté comme le lieu d’origine d’un marxisme à la française, reconduit à la tradition rationaliste et matérialiste, allant de Descartes à Marx, en passant par la philosophie de Lumières. Les membres les plus actifs du groupe s’engageront en effet, en 1939, dans la création de La Pensée, revue du « rationalisme moderne », et forment une partie consistante de son Comité de rédaction. C’est donc sans doute au sein du CRN que se définissent les coordonnées théoriques de cette déclinaison nationale du marxisme, constituant dans l’après-guerre l’une des références idéologiques majeures du Pcf. Mais la traduction du matérialisme dialectique en rationalisme moderne n’est que le résultat d’un processus contradictoire, bien plus complexe que ce que l’historiographie nous a consigné. Les luttes idéologiques successives ont effacé celles qui se sont déroulées dans les années 1930 : après la guerre, la complexité du processus introduisant en France un marxisme philosophique a été niée, soit par des attaques couvrant cette partie de l’histoire des idées sous la marque du « stalinisme », soit par des éloges visant à célébrer la phase préparatoire de la Résistance. En l'absence d’études rigoureuses, à quelques exceptions près (GOUARNE, 2013), la reconstruction de cette phase a été confiée aux témoignages, aux mémoires de ses partisans et de ses adversaires. Le travail du CRN a été donc aisément présenté comme étant simplement l’anticipation et la préfiguration de la doctrine adoptée dans l’après-guerre, en laissant tomber dans l’oubli tout ce qui s’écartait d’un parcours linéaire aboutissant au « rationalisme moderne ». Pourtant, le hégélianisme antimatérialiste de Maublanc, que nous venons d’évoquer, exprime bien une tendance réelle caractérisant les travaux du CRN. Il s’agit donc de redécouvrir ces tendances qui ont subi une double négation : une première fois par le déroulement même des affrontements, dont elles sont sorties vaincues ; une deuxième fois par les témoignages, qui avaient tout intérêt à passer sous silence l’existence de ces dissonances.

Pour réécrire de cette histoire, en revenant aux sources devenues illisibles, il faudra reconstruire cette double opération qui a couvert les enjeux initiaux du CRN. Nous allons par la suite contribuer à cette tâche, en suivant les thèses des auteurs d'ALdM au-delà de leur formulation, dans leurs effets ainsi que dans leur interaction avec le champ idéologique dans lequel elles interviennent et qui à son tour les surdétermine. L’objet de cette enquête a été constitué donc principalement de compte-rendus et documents relevant du débat qui a suivi la publication du premier volume d'ALdM, et cela pour des raisons spécifiques. D’une part, les études conduites « à la lumière du marxisme » n'ont nullement l'intention de proposer une théorie définitive. Elles visent plutôt à recueillir les résultats à vérifier de recherches en cours, tout en suggérant de nouveaux parcours à suivre pour le développement des sciences de la société et de la nature. En tant qu’interventions dans un champ idéologique particulier, leur intérêt ne réside pas dans l’élaboration théorique, sauf dans la mesure où celle-ci est suivie dans ses effets dans le contexte historique de la France des années 1930. D’autre part, les forces en présence sont à leur tour destinées à modifier les thèses originaires, non seulement dans le cadre d'un mécanisme général de définition réciproque des idées, mais aussi parce que ces réactions visent à neutraliser, exploiter ou modifier l’indice d'efficacité des propos du CRN. Le domaine dans lequel ces thèses se réalisent, agit donc en retour sur les thèses elles-mêmes, en les redéfinissant et en les retournant selon des stratégies précises.

Par conséquent, l’intervention du groupe d’ALdM ne peut être rendue à sa complexité réelle que par une analyse portant sur sa réception et des réactions engendrées, sur le terrain théorique et politique, en même temps que sur les effets de retour de ces réactions sur la démarche du CRN. Le repérage des recensions, des références et des traces du débat autour de cette démarche sert donc en premier lieu à jeter la lumière sur l’impact de l’introduction des thèmes liés au matérialisme dialectique sur la culture française. Et en envisageant ce processus in fieri, nous pouvons aussi mieux comprendre l’origine du décalage entre les enjeux initiaux et l’image par laquelle le CRN a été consigné à l’histoire, liée certes à une opération de mystification, mais aussi à une modification réelle apportée par les pressions politiques exercées. Un retard de réception de la part des auteurs joue également son rôle : si les références à Hegel et Spinoza abondent dans le première volume d’ALdM, c’est en raison aussi de l’espace de liberté ouvert par les biais de la méconnaissance des évolutions de la doctrine soviétique de référence, ce qui garantissait une certaine autonomie. En centrant leur contribution respectivement sur Hegel et Spinoza, Maublanc et Friedmann montrent, par exemple, ne pas avoir pleinement conscience de la condamnation portée par les « bolchévisateurs de la philosophie », contre le « déviationnisme » déborinien, en raison précisément de ses tendances dialecticiennes, hégéliennes et spinoziennes. Les recenseurs représentant le « monde communiste » ne manquent certes pas de le remarquer : ce n’est pas par hasard si les essais du second volume, publié en 1937, montrent une conscience plus aigüe de la ligne du Parti[7].

Qu’il s’agisse de commentaires critiques, de mises à jour ou bien de tentatives de réconciliation avec la ligne bolchevique, Wallon lui-même reconnaît le rôle crucial joué par le débat dans la réorganisation du travail. La nouvelle « comparaison du marxisme avec la philosophie de son temps », écrit-il dans en 1937, répond certes à « un travail d’éclaircissement poursuivi pour nous-mêmes et sur nous-mêmes », mais « elle répond par surcroît à des objections qui nous ont été faites à l’occasion du premier volume » (WALLON et al., 1937, p. 7).

A la lumière du marxisme en question : comptes-rendus, débats, réactions

Le compte rendu majeur provenant de l’Union soviétique[8] fournit une première confirmation de cette hypothèse. Signé par Razoumovski (1936), membre du Parti qui avait établi par décret l’illégitimité des positions exprimées au sein du courant dont Déborine était le principal théoricien[9], ce compte-rendu visant à indiquer la « juste ligne », aborde en effet des thèmes qui coïncident précisément avec les points sur lesquels va s’appuyer le renversement, dont l’accomplissement sera évident vers la fin de la décennie. Sa cible principale est l’accent posé sur la philosophie hégélienne, qui traverse l'ensemble du recueil, mais qui est particulièrement évident dans l'essai de Maublanc. Ce dernier aurait séparé, de manière incorrecte, « la méthode hégélienne du système philosophique de Hegel », ce qui aurait comporté, selon Razoumovski, la négation de « l’opposition radicale existant entre la méthode matérialiste de Marx et la dialectique idéaliste de Hegel ». En outre, dans le cadre de la nouvelle stratégie d’enracinement dans la tradition nationale, à l’effacement des traces d’idéalisme devait correspondre la reconnaissance de l’importance de la pensée française pour « l’évolution philosophique de Marx » : parmi les sources théoriques du marxisme, affirme Razoumovski, il faut faire attention à ne pas oublier, comme le font les auteurs d’ALdM, « les théories révolutionnaires des matérialistes français et le socialisme utopique français étroitement lié à ces dernières » (1936, p. 861).

Parmi les comptes rendus émanant du « monde communiste », est également révélatrice l’intervention de l’Internationale communiste. Cette revue, organe mensuel du Comité exécutif du Komintern, était engagée dans un projet visant non seulement à la propagande, mais aussi à la formation de nouveaux cadres, en vue de la construction d’un appareil idéologique en mesure de diriger les partis communistes qui venaient d’être créés[10]. Publiée en France par le Bureau d’éditions, avec l’aide d’un service de traduction efficace – russe, allemand, anglais et français – L’Internationale communiste avait une grande résonance, tout en représentant l’autorité reconnue par les partis communistes pour les études sur la situation internationale et le moyen principal de diffusion des textes rédigés au sein du Komintern. L’auteur du compte-rendu est l’instructeur[11] russo-polonais Yablonski, envoyé en France en tant que « chargé de la formation », intégré à une équipe d’émissaires de l’Internationale[12] dont le but était, initialement, de fournir un support théorique et organisationnel aux communistes français, mais qui au cours de années finissent par acquérir un grand pouvoir décisionnel, jusqu’à recouvrir les mêmes fonctions des dirigeants du Pcf. Le rôle joué par Yablonski dans l’organisation de la politique culturelle du Pcf, ainsi que la position stratégique de la revue au niveau international, nous invite à attribuer une importance particulière au choix même de recenser les essais d’ALdM. Les contenus peuvent présenter eux aussi un certain intérêt, surtout s’ils sont mis en relation avec les critiques de Razoumovski. Au-delà d’une structure identique, faisant suivre aux félicitations pour le projet un appel à ne pas s’éloigner de la ligne tracée par Staline, le texte partage d’abord avec l’intervention de Pod znamenem marksizma l’exhortation à ne pas négliger « ce qu’ont écrit de meilleur les vieux matérialistes français » (Yablonski, 1935, p. 1568). Cependant, Razoumovski fait correspondre à la nécessité de s’annexer la tradition rationaliste et matérialiste française, la nécessité de se débarrasser de l’excès de références à l’idéalisme allemand, alors que Yablonski semble n’avoir pas même remarqué la place centrale assignée par Maublanc à la dialectique hégélienne, se bornant plutôt à y relever un platonisme suspect[13].

La fonction pédagogique, évidente surtout dans l’intervention de Razoumovski, est pourtant absente dans les autres comptes rendus, même quand ceux-ci proviennent du « monde communiste ». Le trait dominant est plutôt celui de l’apologie ou bien de la critique qui vise moins à la reconduction à une ligne censée être juste, qu’à la définition, par un travail collectif, des nouveaux parcours ouverts par ces premières études. Alors que les interventions soviétiques sont à interroger à partir de leurs effets de retour, constituant des indices majeurs pour identifier l’origine des variations dans l’itinéraire du CRN, dans les autres réactions du monde communiste, en tant qu’effets de l’élaboration française du matérialisme dialectique, on peut retracer plutôt des indices majeurs du sens du projet d’ALdM dans son existence concrète. C’est le cas par exemple de la toute première recension, parue en juin 1935 dans Monde, revue dirigé par H. Barbusse et investie, à sa création en 1927, d’un rôle crucial dans le processus de restructuration des rapports entre le Parti et les intellectuels. Mais son but primaire, à savoir la progression de l’art et de la littérature prolétariens, relavant d’un humanisme des Lumières qui aurait aidé à reconquérir les intellectuels au bolchévisme, s’accompagne bientôt d’un refus à suivre tout sectarisme politique. En revanche, si d’un côté son pluralisme provoque une condamnation pour « confusionnisme » et éclectisme, de l’autre Monde contribue à la formation de la fonction de l’ « intellectuel collectif » qui en France était encore absente[14]. L’article porte la signature de Paul Nizan, membre du CRN – bien que peu actif – partisan toutefois d’une idée de militantisme comportant la dissolution de la philosophie, au moins dans sa forme académique, dans la praxis révolutionnaire. Compte-tenu du caractère ouvert et relativement indépendant de la revue ainsi que de la marginalité de Nizan dans le CRN et de son extranéité au projet proprement philosophique d’ALdM, toutes les conditions étaient réunies pour qu’une position critique s’y exprime. Cependant, cette recension est purement apologétique, en mettant en relief surtout les mérites d’avoir commencé à introduire le matérialisme dialectique en France et à étudier la dialectique hégélienne (Nizan, 1935, p. 8). Ces appréciations s'avèrent être alors d’autant plus significatives en considération des positions de leur auteur et de la revue qui les publie, et confirment que ce qui était perçu comme l’enjeu du travail du CRN, était précisément la valeur philosophique du marxisme, et que cette valeur dépendait de la façon dont le rapport de Marx à Hegel était posé. Europe, « revue des compagnons de route » qui venait d’être placée sous l’influence communiste, accueille deux articles portant sur ce premier tome, allant dans la même direction que celui paru dans Monde. Pourtant les auteurs, qui étaient moins liés au Parti que Nizan, y avancent en même temps quelques remarques critiques concernant surtout le philosoviétisme du groupe ; il s’agit de Pierre Gérôme, militant pacifiste et secrétaire du « Comité de vigilance des intellectuels antifascistes », et Léon Werth, sympathisant socialiste mais essentiellement étranger aux « paroisses » des années trente, y compris celle des non-conformistes (Azéma, 1992, p. 11-12)[15]. Une philosophie marxiste abordée comme « pensée vivante », dépassant toute interprétation purement économique de la vie sociale, à l’abri de « cette sensation d’étouffement que peuvent donner les textes de Plekhanov et de Boukharine » : telle est l’image que Gérôme (1935, p. 613) retient de la lecture des essais, au point que les « éléments nouveaux », que ceux-ci introduisent, participeraient d’un « tournant historique », ne concernant pas que la France, ouvrant à une réélaboration originale du marxisme. En revanche, il ne manque pas de relever ce qui sera effectivement une dérive réelle du parcours du CRN, en signalant le risque de retomber dans le dogmatisme, notamment à travers l’application indifférenciée de la dialectique en tant qu’ensemble de lois universelles, valables pour tous les domaines, au-delà de la spécificité des objets particuliers (Gérôme, 1935, p. 619-623). La mise en évidence de l’originalité du marxisme introduit par le CRN et de sa contribution à la découverte d’une philosophie marxiste est également le but principal de la lecture de Werth (1935, p. 302), prenant pour point de départ le constat que « jusqu’à ce jour on ne connaissait guère en France que le matérialisme d’agitation et propagande »[16]. Et tout comme l’avait déjà souligné Gérôme, Werth signale un écart majeur entre l’intérêt philosophique du projet des savants français et l’orthodoxie soviétique stérile, dont il faut, à son avis, démentir l’image trop complaisante que les auteurs en restituent dans leurs essais. Les travaux du CRN sont alors perçus premièrement comme l’occasion, pour le marxisme français, de se distinguer du marxisme soviétique, et cela grâce à leur capacité de garder une certaine autonomie, l’appartenance aux institutions académiques de certains de ses membres semblant en fournir la garantie.

Les réactions accueillies par Inquisitions, tout en reflétant des contradictions internes à la ligne de la revue, révèlent le même intérêt pour le projet philosophique du CRN. Créée dans le cadre de la politique culturelle du Front populaire, placée au carrefour entre son intérêt pour l'avant-gardisme et son militantisme dans le Parti, ouverte aux surréalistes comme aux philosoviétiques mais aussi à de simples sympathisants socialistes, la revue Inquisitions était un véritable laboratoire[17] et constituait le lieu idéal pour les deux postures possibles face au recueil. Claude Cahen, jeune normalien, tout en reconnaissant l’importance du travail, n’épargne pas ses critiques, notamment à l’égard d’un manque présumé de rigueur et d’originalité de l’essai de Jean Baby sur le matérialisme historique (Cahen, 1936). A quelques pages de distance, Louis Aragon (1936) oppose aux objections de Cahen un appel à la lutte idéologique, dont le présupposé, bien qu’implicite, est la valeur immédiatement politique de la philosophie, voire le caractère essentiellement instrumental de l’intervention théorique. Cette réponse indique bien ce mouvement qui va modifier le projet initial d’ALdM : tandis que celui-ci était fondé sur la tentative d’articuler la théorie à la praxis, tout en assurant à la recherche scientifique son autonomie, Aragon, exprimant le point de vue de l’idéologie du Front populaire, demande au contraire la séparation entre le travail théorique et l’intervention politique, puisque seule cette séparation permet la soumission de la théorie aux urgences de la praxis, tout en établissant un rapport purement instrumental de la théorie à la vérité qu’elle énonce.

Contrairement au débat d’Inquisitions, articulé suivant les mêmes contradictions régissant ce processus d’appropriation de la dialectique matérialiste, qui concernent le rapport entre orthodoxie et réélaboration créative, fidélité politique et autonomie théorique, les deux articles que Charles Rappoport consacre au volume (1935) se situent aux marges des manœuvres de positionnement idéologique : si d’un côté ils n’avaient nullement l’intention de représenter la ligne du Komintern, de l’autre ils ne peuvent pas être classés parmi les interventions critiques participant d’un mouvement de renouvellement du marxisme. Tout en étant reconnu comme l’un des plus éminents théoriciens marxistes, en 1935 Rappoport se trouvait en effet désormais exclu des centres de pouvoir du Parti ; et son indécision entre l’adhésion à la ligne officielle et son anti-stalinisme de plus en plus évident est à l’origine du choix de l’identifier comme le parrain de la Revue marxiste, laquelle se plaçait justement au carrefour entre instances de renouvellements provenant des années 1920 et d’autres déjà projetées vers le philosoviétisme de la décennie suivante (Goldberg, 1991, p. 41-44). L’ambiguïté du jugement qu’il porte sur ALdM, relevant de sa propre ambiguïté, reflète ainsi en même temps une contradiction interne au CRN, à ce moment-là traversé par deux tendances opposées : d’un côté, la volonté de poursuivre une recherche libre dans l’esprit de l’expérience de Philosophies, risquant toutefois d’en reproduire à long terme l’impuissance politique; de l’autre, la conscience de la nécessité de maintenir un lien entre avancée théorique et soutien des institutions, celles-ci étant le lieu de réalisation des idées, c’est-à-dire la condition de leur existence concrète et de leur efficacité. Par-là s’explique aussi la double position de Rappoport, liée à deux différentes stratégies, vis-à-vis de l’hégélianisme qu’il relève notamment dans l’essai de Maublanc. En rappelant que la dialectique de Hegel ne constitue que l’ « échafaudage » de la critique de l’économie politique, Rappoport vise à épurer le marxisme de la valeur stabilisante du système hégélien, en exprimant par là son côté enclin à l’antibolchevisme. Mais cet anti-hégélianisme peut se transformer en son opposé, puisque c’est encore l’antibolchevisme qui pousse en même temps Rappoport vers une forme d’adhésion à l’inflexion hégélianisante du CRN, dans la mesure où il voit dans la dialectique de Hegel un soutien pour l’élaboration d’une théorie du processus historique sans cesse exposé à la révolution, impliquant alors le dépassement de la phase stalinienne. Son projet d’un marxisme « vivant et créateur » s’inscrit alors dans le cadre d’une reprise de la philosophie hégélienne en un sens révolutionnaire, tout en s’opposant à tout hégélianisme utilisé en tant que base théorique de la fin de l’histoire. Sa position se présente finalement comme spéculaire de celle qui régit l’abandon stalinien du principe de la négation de la négation – dont l’origine est précisément la nécessité de se défendre de la possibilité de sa propre négation pour se concevoir comme dernière étape du progrès historique – tout en reproduisant la contradiction entre les différents usages de la dialectique hégélienne, qui correspondent à des positions politiques opposées. D’ailleurs, c’est la coexistence de ces différentes tendances dans l’ouvrage lui-même qui détermine l’ambiguïté du jugement exprimé dans le compte rendu : si d’un côté Rappoport fait l’éloge de la tentative de poursuivre, selon une attitude libre et originale, le chemin que Marx et Engels ont entamé grâce à l’ « échafaudage » de la dialectique hégélienne, de l’autre il met en garde contre le risque de céder à la clôture à laquelle expose le telos de la fin de l’histoire, correspondant au stalinisme.

Si l’on excepte les références purement apologétiques de la part des dirigeants (Thorez, 1936, p. 288-289; Cachin, 1936, p. 7;; Duclos, 1936, p. 20), l’enquête sur les articles parus dans les revues liées, à différents degrés, au Parti, relève que le « monde communiste » a gardé l’espace pour une attitude critique à l’égard des essais, bien qu’empreinte d’une appréciation fort positive du projet dans lequel ceux-ci étaient inscrits. Qu’il s’agisse de mettre en relief sa dépendance de la doctrine officielle – soit pour la louer soit pour la refuser –, ou bien, au contraire, de souligner son extranéité à l’orthodoxie, ces interventions convergent toutes à l’égard du statut philosophique du marxisme, unanimement identifié comme le noyau central du recueil. Ce qui est transmis, et surtout partagé, est donc la nécessité d’aller plus loin dans la recherche d’une pensée du mouvement, dirigé vers le concret, à partir de la philosophie de Hegel. L’appropriation souhaitée de la dialectique hégélienne est représentée en même temps comme la garantie de la valeur théorique du marxisme et la condition d’une mise en cause radicale des catégories philosophiques de la tradition nationale, donc comme le point d’activation d’une révolution ressentie comme imminente. Une telle représentation de la philosophie de Hegel, comme source principale du marxisme, est donc accueillie positivement dans le débat français ; l’intervention de Razoumovski, visant à arracher le marxisme à l’idéalisme allemand afin de le reconduire à la tradition matérialiste française, s’est révélée d’autant plus nécessaire, pour les partisans de la bolchévisation de la philosophie, car la réception du recueil avait identifié son point de force précisément dans l’étude de la dialectique hégélienne.

La réception en dehors du « monde communiste », bien qu’elle soit naturellement encore moins homogène en ce qui concerne sa consistance théorique et son inclinaison politique, fournit une confirmation de l’importance à la fois philosophique et politique attribuée à la parution du volume. L’ampleur de sa résonance confirme également qu’il ne s’agissait pas que d’un succès éditorial, mais que son impact, au-delà des militants, fut bien réel. Il n’y pas eu que les interventions au style pamphlétaire de la part d’intellectuels antibolchéviques (Drabovitch, 1936; Delevsky, 1935), ou l’intérêt évident pour le défi politique du marxisme philosophique de la part du groupe d’Esprit (Moré, 1936) : parmi les auteurs des comptes rendus se trouvent Lucien Febvre et Valentin Feldman – dont le rapprochement au groupe du CRN est connu (Gouarné, 2013, p. 361 sq.) – mais aussi le jeune Georges Canguilhem qui a montré son intérêt pour le travail de la Commission scientifique[18]. Dans ce groupe de recensions il est possible de repérer deux axes principaux, l’un proposant une analyse politico-institutionnelle, l’autre se concentrant plutôt sur les faiblesses théoriques du projet. Sur le premier volet sont axés les articles que le journaliste et psychologiste russe Wladimir Drabovitch consacre à la critique du CRN[19], menée d’un point de vue qui se veut marxiste, tout en se réclamant d’un socialisme antibolchévique. Drabovitch adresse alors ses critiques moins au matérialisme dialectique qu’au soviétisme, ce dernier caractérisant davantage le « néo-marxisme universitaire » français. Par cette expression il montre, lui aussi, avoir bien identifié l’enjeu : ce qui est nouveau en France est le statut philosophique du marxisme, à travers lequel le marxisme tente de pénétrer dans les institutions, en demandant sa légitimation dans le monde académique, notamment scientifique. Les deux expressions, néo-marxisme et soviétisme, correspondent d’autre part au double caractère du programme d’ALdM, présentant d’un côté les aspects théoriques du marxisme inédits pour la tradition socialiste française, importés à travers une délicate œuvre de traduction et un renouvellement des concepts (néo-marxisme), et de l’autre une tension indéniable vers la forme stalinienne du matérialisme dialectique (soviétisme) – l’union de ces deux caractères, philosophique et politique, visant à donner son efficacité au marxisme. Cette duplicité est d’autre part l’objet du compte-rendu de Lucien Febvre (1935), lequel, tout en reconnaissant l’importance du travail du CRN, notamment pour l’élaboration d’une nouvelle méthodologie historique, met en garde contre les risques de figer le matérialisme marxiste en lois établies sans passer par les vérifications scientifiques adéquates. Ce risque serait moins évident aux yeux d’un autre historien, Valentin Feldman, lié au centre de Synthèse, qui souligne surtout la fécondité du recueil, celui-ci représentant « moins un dogme qu’une expérience intellectuelle et une promesse » (1936, p. 117).

Ces recensions, qui questionnent d'un point de vue non communiste la tenue philosophique du « néo-marxisme français », identifient – bien entendu dans des termes différents et à plusieurs niveaux d’analyse selon les cas – dans le statut de la dialectique le maillon faible du matérialisme dialectique tel qu’il se présente dans les essais dont il est question. Paul Labérenne et Maublanc, tout particulièrement, sont invités, respectivement par le mathématicien Jacques Delevsky et par G. Canguilhem, à approfondir leur analyse au sujet de la contradiction dialectique, dont la nature, qu’elle soit logique ou ontologique, resterait à préciser. Plus précisément, puisqu’il considère indépassable la distinction entre opposition réelle et contradiction logique, Delevsky (1935) peut aisément affirmer l’impossibilité d’admettre la réalité de la contradiction, tandis que Canguilhem (1935, p. 75) se borne à mettre en évidence l’impossibilité de refuser le principe de non-contradiction, ce qui apparaîtrait clairement tout d’abord dans l’argumentation de Maublanc, elle-même fondée sur la non-contradiction. Labérenne répondra à l’occasion d’un débat public, en avouant la nécessité d’aller plus loin dans la définition de certaines catégories[20], tandis que Maublanc, tout en reconnaissant les difficultés qu’une définition de la dialectique comporte, oscille dans sa réplique qui s'adresse également à Gérôme, entre différentes positions, tout en ayant tendance à réaffirmer ce dont il semblait persuadé dans son essai sur Hegel et Marx, à savoir que la dialectique de Marx, descendant de la logique de Hegel, n'a de valeur que dans les limites du processus de connaissance. En soustrayant ainsi la dialectique à l’ordre du réel, Maublanc (1936, p. 1112-1113) risque donc de la nier en tant que fondement de la construction de l’ontologie marxiste, et accepte – ou mieux défend – la réduction de la contradiction à principe logique visant à la résolution, dans la pensée, d’oppositions réelles. Néanmoins, sans renoncer à la présenter comme étant à la fois hégélienne et marxiste, il pense cette dialectique comme fondée sur la synthèse en tant que présupposé de la contradiction, qui est alors toujours déjà résolue à l'avance. Maublanc est ici bien sûr poussé par Canguilhem, qui l'invite à réfléchir davantage sur le « sens de la dialectique hégélienne », mais son indécision entre la réduction de la contradiction à principe logique, ou bien à moteur du processus réel téléologiquement orienté, ne répond pas qu’à l’exigence de se défendre des objections. Il semble plutôt exprimer la volonté d’opposer une résistance, partagée par Wallon[21], à concevoir la dialectique comme quelque chose de plus qu’un principe méthodologique. En effet, Wallon lui-même (1936) avait défendu le caractère purement analogique du rapport entre pensée et réalité, tout en essayant de garder la possibilité d’une connaissance objective. Il faut souligner que Razoumovski (1935, p. 860) avait reproché à Maublanc précisément de n’avoir considéré la dialectique que d’un point de vue logique. L'extension de la dialectique dans l’ordre du réel et sa traduction dans une ontologie marxiste semble donc être plutôt tardive, et doit être comprise comme le résultat des différentes pressions exercées sur leur parcours théoriques.

En 1937, lors de la publication du volume II d’ALdM le contexte a profondément changé, et cela non seulement suite aux mutations macroconjoncturelles évidentes, liées au Front populaire devenu horizon politique indépassable, mais aussi en réaction au débat qui avait conduit les auteurs, comme le montrent leurs répliques aux recensions[22], à se repositionner dans un champ idéologique dont ils ignoraient auparavant, en grand partie, la configuration complexe. L’inscription dans le cadre d’un projet plus ample de définition des limites du marxisme, ce qui était initialement envisagée sur base inductive – c’est-à-dire en même temps à partir des textes du marxisme et de la pratique scientifique, pour en dégager les lois de la dialectique matérialiste –, se traduit désormais sur un plan plutôt déductif, à travers une vérification – en réalité déjà assurée en avance – des principes préalablement posés par décret. Ce deuxième volume voit donc le jour en un sens de façon posthume, ce qui explique par ailleurs sa faible réception. Si l’on excepte la présentation qu’en fait Wallon (1937), le seule compte-rendu du deuxième volume est celui de Lucien Febvre (1937), qui intervient pour la deuxième fois à propos de ALdM, dont il avait également recensé le premier volume (1936). Le projet régissant les interventions réunies autour du sujet du deuxième volume, « Marx et la pensée moderne », semble désormais dépassé en 1937, ce qui conduit à mettre à jour ce même projet, en en modifiant le sens au moment de sa parution. En outre, une deuxième partie de ce deuxième tome avait été prévu. Plusieurs témoignages, dont celui de Wallon qui a essayé également dans l’après-guerre de le publier, attribuent cet échec au retard dans la remise des textes et à l’éclatement de la guerre. Cependant, il est difficile de croire ce troisième volume, qui aurait dû accueillir des conférences consacrées aux rapports entre le marxisme et la pensée contemporaine, ne verra jamais le jour[23]que pour des raisons contingentes. La disparition de la rubrique de Commune, « A la lumière du marxisme », visant justement à la diffusion de travaux autour du CRN, est un autre indice, en novembre 1937, de l’épuisement du projet initial. Un article de Jean Bruhat (1937), significativement consacré à la « question nationale », clôture, en un soutien sans conditions de la politique stalinienne de la voie nationale, non seulement une rubrique de revue mais aussi tout un cycle, au sein duquel « A la lumière du marxisme » avait représenté un moment crucial. Le « rationalisme moderne », qui en est certes l’héritier, est déjà pleinement encadré dans la narration nationale d’un marxisme issu des Lumières.

Une autre image de la « misère française »?

Dans sa Préface à Pour Marx, en 1965, Louis Althusser relève « l'absence […] d'une réelle culture théorique dans l'histoire du mouvement ouvrier français » (2005, p. 13). Cette « misère française » serait d'autant plus « tenace » et « profonde » à cause d'un « monstrueux provincialisme philosophique et culturel » (p. 17), qui aurait empêché de s'intéresser à ce qui s'était produit au-delà des frontières nationales. Mis à part les études minutieuses d'Auguste Cornu et les quelques « erreurs géniales » de Politzer (p. 16), le marxisme français se réduirait à l'expression d'un « chauvinisme » qui ne s'appuie que sur un « vide théorique » (p. 17). Le retour que nous venons de faire sur le processus d'introduction de la philosophie marxiste en France, loin de nier simplement le constat fait par Althusser, proche de celui fait par Tosel quelques années plus tard (1979), semble en un sens le confirmer. Il est vrai que la génération de marxistes français d'après 1956 se trouve sans maîtres et avec un Parti incapable de penser les contradictions et les impasses léguées par la Troisième Internationale dans la nouvelle phase ouverte par le « dégel » post-stalinien. Cependant, nous avons montré que ce vide théorique face auquel se trouve confrontée la nouvelle génération dont Althusser se fait le porte-parole a été le résultat d'une lutte idéologique, dans laquelle face à une tendance, victorieuse, reconduisant le marxisme à la philosophie matérialiste et rationaliste de la tradition française, nous en trouvons une autre, résistante et finalement battue, qui regardait au-delà des frontières nationales pour penser le marxisme non seulement en tant que vision du monde ou instrument de lutte, mais aussi en tant que théorie de la connaissance. L'intérêt pour Hegel, encore exclu de l'Université française, qu'un certain nombre d'intellectuels qui gravitaient autour du CRN ont exprimé, témoigne de cette tentative, étouffée en quelques années, de donner un fondement conceptuel solide à la théorie du Parti.

Au-delà d'Henri Lefebvre, qui se fait promoteur d'une « enquête sur Hegel »[24], ce sont les scientifiques, dont les physiciens Paul Langevin et Jacques Solomon, qui essayent de s'approprier la dialectique hégélienne dans le but de mesurer la validité du matérialisme dialectique dans l'étude des sciences de la nature. Cette reconstruction du débat autour du projet d'ALdM nous indique donc premièrement que le "monstrueux provincialisme" ne peut être compris qu'à l'intérieur du processus par lequel s'impose, avec la complicité du Pcf, la stratégie des voies nationales au socialisme. Mais elle nous indique aussi que bien avant le projet de lecture épistémologique et anti-hégélienne de l'œuvre de Marx promu par Althusser (1996), un groupe d'intellectuels, au lieu d'un "maître", avait entamé un tout autre projet de définition du marxisme en tant qu'épistémologie, cette fois en référence à la philosophie de la nature de Hegel, ce qui lui a couté d'abord la marginalisation et ensuite l'oubli.

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Notes

[2] Sartre fait explicitement référence à la revue qui se qualifie elle-même d'« organe du rationalisme moderne », La Pensée.
[3] Il reste beaucoup à faire pour restituer la figure et la pensée de Lefebvre […] Je n’écrirais plus ce que j’ai écrit en 1974 » (Tosel, 20091, p. 206). Voir aussi Tosel, 20092, p. 13-14.
[4] L’introduction a joué sans doute un rôle dans la réception du volume, surtout dans le monde académique : au moment de la publication, Henri Wallon est « directeur d’études » auprès de l’Ecole pratique des hautes études ; deux ans après, en 1937, il se voit confier la chaire de « psychologie et d’éducation de l’enfance » au Collège de France.
[5] Aux activités du groupe participent des hommes de lettres, artistes et écrivains, ainsi que des instituteurs, agrégés, académiciens, scientifiques.
[6] Sous l’impulsion de la VOKS (Société pan-soviétique pour les échanges culturels entre l’URSS et l’étranger), qui est à l’origine de la création de l’Association et dont l’influence est de plus en plus importante (Gouarné, 2013), le CRN adopte, entre 1934 et 1936, la nouvelle dénomination « Association pour l’étude de la culture soviétique » (voir Les documents de la Russie neuve, n. 14, juin-juillet 1934).
[7] Le deuxième volume d’ALdM porte sur le rapport entre Marx et la pensée moderne (Wallon et al., 1937) et contient en effet deux essais sur Marx et Comte de Lucie Prenant et Paul Labérenne (le deuxième paraît sous le titre Efficacité politique et sociale du positivisme et du marxisme), un essai d’Auguste Cornu intitulé Utopisme et marxisme et un texte d’Armand Cuvillier sur Marx et Proudhon.
[8] Ce compte-rendu avait été d’abord publié dans Pod znamenem marksizma, revue clé de la politique culturelle soviétique, notamment dans le domaine philosophique. La direction de cette revue a ainsi été le théâtre de la transition de l’hégémonie du « parti dialectique » de Déborine à celle des partisans de la ligne stalinienne.
[9] Il est aussi l’auteur, avec Mitine, de ce qui a été considéré pendant des décennies comme le manuel de référence, pour ce qui concerne la transmission de la version stalinienne du matérialisme historique et dialectique (Mitin, Razumovskij, 1932).
[10] Voir notamment à ce sujet les études de S. Wolikow (2004).
[11] Sur les fonctions des instructeurs, envoyés par le Comité exécutif de l’International à ses représentants à l’étranger, voir l'étude de Kriegel et Bourgeois (1985, p. 204).
[12] Sur la composition de la délégation avec laquelle Yablonski s’installe à Paris, fin 1931, voir Bourgeois (1993) et Wolikow (2010).
[13] La raison de cet écart entre deux interventions, dont l’une ressemble à la préfiguration de l’autre, est sans doute liée à la mise au jour de la doctrine soviétique qui allait se définir précisément au début de l’année 1936, concernant en particulier l’abandon du principe de la négation de la négation, d’ascendance hégélienne, qui aurait pu fonctionner comme référence théorique pour une remise en cause de la phase stalinienne elle-même, susceptible d’être dépassée à son tour.
[14] Parmi les causes de ce retard on peut retenir la résistance des intellectuels français face aux tentatives de se voir réduits à simple fonction du parti (Tartakowski, 1979, p. 36).
[15] Ami de Lucien Febvre et proche de Frédéric Rauh, Werth avait collaboré à Monde jusqu’en 1933, à l’occasion de l’affaire Victor Serge, qu’il défend contre la décision du Parti (Racine).
[16] Plus précisément, c’est à Henri Wallon, plus qu’aux autres contributeurs, qu’il adresse ses éloges à l’égard de l’anti-dogmatisme et de la profondeur théoriques des analyses proposées.
[17] Que l’on songe, par exemple, à la présence de l’écrit de G. Bachelard sur le « Surrationalisme », fortement voulu par le rédacteur Roger Caillois.
[18] A part le compte-rendu essentiellement positif du pamphlet de Politzer contre le bergsonisme (1929), Canguilhem fait référence au travail du CRN dans la présentation d’une rubrique de « Chronique marxiste » (19351), et rédige une recension de la brochure de Maublanc, où sont proposées les mêmes thèses que dans son essai sur Hegel et Marx (19352).
[19] A la recension déjà évoqué (1935), Drabovitch fait suivre sa réplique (1937) aux réponses formulées par Maublanc (1936). Finalement, Drabovitch recueille ses articles, en les modifiant en raison des derniers développements de la polémique, dans l’ouvrage résumant les points principaux de son antibolchevisme (1937).
[20] De cette intervention, prononcée à la Maison de la culture, il nous reste le manuscrit (Labérenne, 1936). C’est la seule réponse comprenant une référence au compte rendu de Pierre Poumier (1935).
[21] Cf. H. Wallon, « Quelques remarques sur la signification du matérialisme dialectique », Commune, n. 35, juillet 1936. Ici Wallon défend un rapport purement analogique entre pensée et réalité, un rapport qui garantit néanmoins bien entendu la possibilité d’une connaissance objective.
[22] Pour la reconstruction des débats publics, il faut ajouter à ces répliques déjà citées, les témoignages de Lucien Febvre (2003).
[23] eux de ces essais conservés aux archives du fonds Henri Wallon (Archives Nationales, CARAN) ont été récemment édité : R. Maublanc, « Marx et Durkheim », Durkheimians studies, 2013 ; J. Solomon, « Marx et Meyerson », La Pensée, n. 374, 2013.
[24] Lefebvre rédige et fait circuler un questionnaire sur Hegel dans le but de faire ressortir la « valeur révolutionnaire » de la dialectique hégélienne, tout en rappelant l’existence d’un « néo-hégélianisme fasciste ». Les réponses seront publiées entre 1932 et 1935, dans la revue L’Université syndicaliste (dans le n. 4, V, janvier 1932 : « Une lettre de M. Jean Wahl » ; « Sée, Challaye et Alain sur la philosophie de Hegel » ; dans le n. 5, V, février 1932 : « Les problèmes de la dialectique matérialiste » ; dans le n. 8, V, mai 1932 : « Notre enquête sur Hegel ») ; et dans la Nouvelle Revue Française (n. 264, septembre 1935 ; n. 265, octobre 1935 : « Qu’est-ce que la dialectique ? »).

Notas de autor

[a] FC é professor, doutor em Filosofia


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