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Vin, politique et œnologie dans la poésie de l’Italie post-unitaire (1860 - 1890)

Matteo M. PEDRONI
Université de Lausanne, Suiza

Vin, politique et œnologie dans la poésie de l’Italie post-unitaire (1860 - 1890)

Versants, vol. 2, núm. 67, pp. 93-107, 2020

Universität Bern

Publicación: 31 Octubre 2020

Sommario: À l’aube de l’Unité d’Italie le choix d’écrire des poèmes sur le vin répond à de nouvelles motivations par rapport au siècles précedents. Le vin en vers peut aborder le discours politique nationaliste, le discours social sur l’égalité et les droits de l’homme, le discours économique lié à la production vinicole, les polémiques littéraires, l’anticléricalisme. Entre poésie, politique et œnologie cet article présente les différentes facettes de cette innovation thématique.

Parole: Vin, œnologie, Politique, Poésie, Italie post-unitaire.

Pendant l’hiver 1879-18801, à Turin se déroulèrent onze conférences sur le vin présentées par les plus éminents hommes de sciences italiens de l’époque, qui formaient une « Société de lectures » (Rondini 2001 : 12) : Arturo Graf, professeur de littérature italienne à l’Université de Turin ; le chimiste Alfonso Cossa ; Corrado Corradini, « littérateur et brillant conférencier » (De Gubernatis 1890 : 703) ; Michele Lessona, zoologue et divulgateur, traducteur de Darwin ; l’économiste Salvatore Cognetti De Martiis ; le botaniste Giovanni Arcangeli ; le physiologiste Angelo Mosso ; le dramaturge Giuseppe Giacosa, qui par la suite signera trois livrets pour Puccini, Bohème, Tosca et Madama Butterfiy ; Giulio Bizzozero, précurseur de l’histologie ; Cesare Lombroso, père de l’anthropologie criminelle ; et l’écrivain Edmondo De Amicis, auteur d’un roman très populaire, le Livre-Cœur. La tractation d’un même thème, le vin, par différentes sciences plut à l’editeur Ermanno Loescher qui décida de réunir ces conférences dans un volume, Le vin, qui parut en 1880. Dans la préface Loescher nous parle de cette nouvelle expérience :

Réunir plusieurs amateurs d’études fort disparates, choisir ensemble un seul thème, et le traiter, dans une série de conférences publiques, selon la compétence scientifique particulière de chacun, fut une idée heureuse et nouvelle, dont la nouveauté, comme elle obtint d’abord l’adhésion des auditeurs, ainsi elle obtiendra maintenant celle des lecteurs (Il vino 1880 : 5)2.

Le vin dans la poésie ou, plus précisément, Les poètes du vin .I poeti del vino), était le sujet de la conférence de Giuseppe Giacosa. Dans son discours, il ne cite que trois poètes italiens et sans beaucoup de conviction : Dante, parce que c’est Dante ; Francesco Redi, l’auteur du plus connu poème sur le vin de la littérature italienne, le dithyrambe Bacchus en Toscane .Bacco in Toscana, 1685), que Giacosa n’apprécie que partiellement, et le poète dialectal milanais, Carlo Porta, dont un poème rappellerait un passage du Roman de la rose de Jean de Meung. Selon Giacosa la palme du meilleur poète moderne du vin revient à Béranger, qui dans son œuvre « résume le caractère du peuple français. Franc, joyeux, enthousiaste, un peu fanfaron mais avec grâce, un peu agressif mais sans méchanceté, et accueillant comme personne » (Il vino 1880 : 313). Ce qui correspond – c’est toujours l’opinion de Giacosa – au type même du vin français, « vins de bonne société et qui ne sont pas traîtres » (313)3.

Laissons pour l’instant de côté l’éloge du peuple français, de son vin et de sa poésie et revenons à notre sujet. Qu’en est-t-il de la poésie sur le vin dans l’Italie de la deuxième moitié du XIXe siècle ? Pourquoi Giacosa n’en parle pas ? L’hypothèse qu’il ne veuille pas considérer des auteurs vivants ne tient pas, étant donné qu’il s’en prend à Mario Rapisardi (1844 - 1912) pour sa traduction malheureuse de Lucrèce (Il vino 1880 : 317) 4. Il faut que je vous avoue tout de suite que mon illustre prédécesseur avait bel et bien raison : d’un point de vu artistique la poésie post-unitaire sur le vin n’a pas grande chose à dire et, j’ajouterais, elle ne dit pas grande chose non plus dans une optique quantitative.

Si nous oublions les chef-d’œuvres du mélodrame, les brindisi de Traviata (1853), d’Otello (1887), de Cavalleria rusticana (1889) ou le monologue au « vin caldo » de Falstaff (1893), qui se trouvent chronologiquement et génériquement aux limites de mon sujet, nous pourrions d’ores et déjà interrompre nos efforts.

Le seul poète italien contemporain cité dans le volume est Emilio Praga, qui en 1880 avait déjà disparu, à l’âge de trente-six ans, et dont – comme le souligne le conférencier, Cesare Lombroso –,

la triste source d’inspiration s’aperçoit dans les écrits modelés par un érotisme artificiel, malsain, qui sent, plus que la chaire, la drogue ; et par une inégalité de style, par une originalité plus bizarre que belle, grâce a une imagination trop effrénée, aux imprécations fréquentes, aux passages brusques de la plus sombre mélancolie à la plus obscène gaieté et à une tendance à peindre la folie et l’alcoolisme, et les scènes plus sombres de la mort : « Il y a des jours que mon cœur s’évanouit / et la boue me conquiert » chantait le pauvre Praga que l’alcool tua. Et en louant le vin, il jurait : « Que l’horreur vienne / Que le mépris vienne – Du genre humain / Que l’enfer vienne – du Père Éternel / J’y descendrais avec mon verre dans la main » (Il vino 1880 : 413)5.

Emilio Praga n’est pas un poète qu’on lit par amour de l’art mais par amour de l’histoire. Dans ses recueils de poèmes, du début des années ‘60, nous trouvons les débordements et les incohérences remarqués par Lombroso. Le criminologue les interprétait comme symptômes pathologiques ; nous, nous les considérons comme des réactions, humaines et littéraires, à une modification profonde d’une société et d’une culture. Praga est l’un des membres les plus représentatifs de la Bohème milanaise, qui – s’appuyant sur les expériences déjà vécues au-delà des Alpes – par Baudelaire et par Murger, entre autres, brandit la plume contre son époque, contre ses coutumes, ses valeurs fondées sur la productivité, sa littérature moralisante, son positivisme. Ce mouvement d’avant-garde ne pouvait naître qu’à Milan, “la petite Paris de la Lombardie”, avec ses disparités sociales, ses rythmes effrénés, ses tensions politiques, amplifiés jour après jour par une quantité de journaux et de revues équivalent à la somme de tous les journaux et toutes les revues des autres villes italiennes. Seulement dans ce contexte de croissance explosive de l’économie, de l’industrie et de la société, avec ses contrecoups dramatiques, Emilio Praga et ses amis auraient pu ressentir le malaise existentiel que nous retrouvons dans leurs poèmes, scandaleux et protestataires, sensés épater le bourgeois par un réalisme sélectif, choisi dans le mauvais, l’effroyable, l’étrange, l’immoral. Dans ce combat contre le conformisme, le vin et ses abus mis en vers assument une nouvelle valeur, qui ne peut pas être assimilée aux chansons estudiantines, aux rythmes bachiques ou à l’esprit de la poésie conviviale. Le vin dégusté dans Le poète ivre .Il poeta ubbriaco), Orgie .Orgia), L’âme du vin .L’anima del vino) est l’un des éléments d’un discours plus large sur la condition de l’artiste dans la modernité.

Notre recherche vise ce vin nouveau, bien différent du vin classique dont souvent Giacosa nous parle, produit par Anacréon ou par Horace et servit tout au long des siècles dans le respect de la tradition. Nous sommes intéressé par le vin qui se fait porte-parole de l’Italie post-unitaire et qui ne peut exister avant 1860, parce que seulement à ce moment, en quelques mois, la péninsule italienne, après des siècles de division et de soumission, devient une nation ; avec sa langue, que personne ne parle ; avec un roi, que pas tout le monde connaît ; avec des lois qui, du jour au lendemain, bouleversent deshabitudes séculières ; avec un Nord qui n’a pas encore savouré le Marsala et un Sud qu’ignore le Vermouth6.

Dans la poésie de la deuxième moitié du XIXe siècle ce type de vin poétique est rare. Ce malgré, nous n’avons pas voulu ratisser large. Il n’est pas question de passer en revue les innombrables occurrences du mot “vin”, de ses dérivés et synonymes dans les poèmes de cette période, comme aujourd’hui nous le permettrait, dans une certaine mesure, les bases de données électroniques. Des instruments fort intéressants mais souvent dépassant les limites d’une gestion constructive des informations. Et s’il est vrai que dans certains cas le mot “vin”, même dans un contexte qui n’a rien à voir avec la poésie sur le vin, peut se révéler une goutte de notre “dive bouteille”7, il est vrai aussi que parfois le vin que nous cherchons peut se cacher là où le champ lexical œnologique est très peu défini8. Mais ce n’est pas le moment de réfléchir sur les méthodes de la recherche thématique dans l’ère de l’informatique.

Il n’est pas question non plus de considérer les thèmes qui nous parlent du vin in absentia, comme celui de l’osteria, du bistrot. Il s’agit pourtant d’un des lieux, réel et métaphorique, de référence des bohémiens et aussi l’un des traits distinctifs du discours poétique des poètes véristes, et encore une fois, l’une des scènes du crime du procès contre l’alcoolisme, la dégénérescence, la criminalité et le paupérisme. Il suffirait d’aligner quelques citations pour comprendre qu’osteria est le mot-clé de discours forts différents, qui ont trait au vin. Pour les véristes, écrire des vers sur l’osteria signifiait revendiquer l’appartenance du quotidien à la poésie9, sans les ambages imposés par la tradition pétrarquesque, qui s’était construit un monde à part, spirituel et abstrait. Je rappelle qu’à partir de 1877, date de parution des Odes barbares de Giosuè Carducci, dont nous reparlerons, et des Postuma de Lorenzo Stecchetti, un débat virulent éclate entre idéalistes et véristes sur l’opportunité de traiter en poésie des sujets que la poésie traditionnelle avait jusqu’alors dédaignés et que la pudeur et le bon goût invitaient à ne pas aborder. Dans cette ouverture à la réalité, la définition d’osteria comme « endroit sans désespoirs, […] territoire de l’égalité parfaite, […] maison de celui qui n’en a pas » (Carlo Dossi cit. in Gibellini 2001 : 107)10, véhiculait des idéaux socialistes, que Lombroso se devait de contrer, pour des raisons d’ordre publique ou même idéologique: « M. Sclopis déclara au Parlement que neuf dixièmes des délits qu’on commet en Italie naissent dans les bistrots »,… « nelle osterie » (Il vino 1880 : 386)11.

Comme je l’avais annoncé auparavant, notre corpus de textes est restreint, au point que les exemples que je vous soumettrais sont parfois les seuls que j’ai pu repérer. Etymologiquement des non-exemples, donc, mais au centre desquels il y a bien du vin réel, produit en Italie et qui nous parle de l’Italie post-unitaire. Ces bouteilles uniques sont signées par des auteurs qui ont marqués, chacun à sa façon, l’histoire de la littérature italienne de l’époque, et même de la société.

À une bouteille de Valteline de 1848 .A una bottiglia di Valtellina del 1848) est une ode écrite et publiée par Giosuè Carducci entre 1888 et 1889. Carducci– 1835-1907 – est le vates de la “troisième Italie”, sur laquelle « il exerce un magistère moral et politique comparable à celui d’un Hugo en France au début de la Troisième République » (Fournier-Finocchiaro 2007 : 22). Cet intellectuel remarquable, professeur de littérature italienne à l’Université de Bologne, critique et philologue hors pair, trouve souvent l’inspiration qui l’amène à glorifier l’épopée nationale dans les paysages, les monuments, les statues qu’il rencontre pendant ses voyages de travail ou ses vacances, comme dans ce cas, à Madesimo, dans la Valteline. Mais quel étrange monument qu’une bouteille de Sassella de 1848 ! Soulevons le mystère et accordons nous le plaisir d’un bref anecdote: ayant su que c’était l’anniversaire du célèbre hôte, des amis et des admirateurs décidèrent de lui offrir une bonne bouteille de Sassella, vieille de quatre ans, de 1884, mais pris de peur que le cadeau ne soit pas assez important, il décidèrent de la rétrodater au 1848, l’année des révolutions, que l’amour de Carducci pour sa Patrie ne pouvait laisser indifférent12. Et ce fut le cas, et ce fut la seule ode composée cette année là, par ce poète « qui aima la manifestation rustique de la joie de vivre, dans laquelle les forces pour le travail se restaurent et se fortifient : le vin » (Croce 1968 : 39)13.

Le poète s’adresse au vin, dans la bouteille, et lui rappelle l’époque de sa naissance, entre le mois de mars, quand encore il n’était que « pied de vigne en fleur », et le mois d’octobre de la même année, quand il « bouillait emprisonné dans la cuve ». Du printemps à l’automne 1848, le peuple italien vivait aussi une période de révolution, contre l’envahisseur autrichien, une révolution qui, comme nous le savons, n’aboutit pas à la liberté du Pays. Mais la défaite ne fut pas stérile, parce qu’elle amorça le processus de libération. Pour l’Italie, comme pour le vin, ce n’était qu’une question de temps. L’« année des miracles », ainsi la baptisa Carducci dans une ode célèbre, donna l’élan pour la deuxième (1859 - 60) et la troisième guerre d’indépendance (1866), avec l’annexion de la Valteline et ensuite pour la prise de Rome (1870). Mais la mission du vin de 1848, que le poète est en train de déguster et qui porte les valeurs sacrées du Risorgimento, n’est pas encore terminée : à quelques kilomètres de là, Trente et Trieste attendent encore de devenir italiennes. L’ode se conclut ainsi avec une prophétie irrédentiste qui se réalisera trente ans après :

Pied de vigne en fleur, tu pendais odorant des rochers rhétiques au murmure des fleuves d’azur qui s’échappent des Alpes en fuyante écume d’argent. Alors que, du Pô jusqu’au Stelvio, avril resplendissait de la gloire italienne, et le peuple latin sur l’Autriche conquérait sa ceinture de chevalier ;

Et, trouble, tu bouillais emprisonné dans la cuve, lorsque de l’italique ardeur octobre frémissait et que Chiavenna, oh ! vaillante Rhétie ! rangeait en bataille, à Vercea, // […] il est doux, sous le riant soleil des Alpes, de verser ton vin généreux en chantant ;

Mais, au sein des vieillards votre esprit vit encore, et chez les jeunes gens bouillonne votre sang. O Italie, nous ferons flotter au vent sur d’autres Alpes ta bannière glorieuse ! (Carducci 1891 : 78 - 80)14.

L’allocution au vin n’est pas ici en fonction d’une déclaration de poétique, d’exaltation du classicisme contre le romantisme15, qui risque de contaminer la pureté et le vitalisme de la littérature italienne, mais en fonction politique. Le vin devient métaphore de liberté et de sacrifice : la liberté que le vin retrouve dans le verre après des années de réclusion ; le sacrifice inscrit dans l’analogie entre le vin et le sang. Dans notre ode cette symbolique, qu’on retrouve explicitée dans plusieurs poèmes de Carducci16, est ancrée avec force dans l’histoire et dans le territoire de la Valteline de 1888.

Il est temps de quitter la rhétorique patriotique du poète national pour entrer dans le domaine viticole et poétique de Vittorio Betteloni (1840 - 1910). En retrait des lumières de la scène littéraire italienne, dans l’intimité de son “petit monde”, celui de la campagne de Vérone et de sa villa de Castelrotto, ou il vécut de ses vignes, Betteloni fut l’un des poètes les plus novateurs de son temps (cfr. Ghidinelli 2007). Sa façon d’approcher la réalité n’avait rien de scandaleux ou de velléitaire ou de déclamatoire : elle se contentait, dans ses meilleures réalisations, de raconter la vie d’un bourgeois de province avec un langage qui, par rapport au standard poétiques contemporains, s’orientait plutôt vers la prose et anticipait ainsi des solutions expressives du XXe siècle. Cette nouveauté de thèmes et de langue lui était reconnue par son admirateur le plus célèbre, Giosuè Carducci, qui en 1880 signa la préface de ses Nuovi versi.

Après un Brindisi, dans lequel le poète s’adresse à une bouteille comme s’il s’agissait d’un « prêtre » (Betteloni était un fervent anticlérical, et Carducci aussi), ce recueil nous offre une Ode au vin .Ode al vino) tout à fait originale. Dans les premières strophes sont déclamées les qualités topiques du vin : il accompagne pendant les insomnies, il rend heureux, il accorde l’oublie des chagrins, il pousse à des actions nobles, il anime les banquets et il invite à l’amour. Mais à partir de la neuvième strophe ces motifs conventionnels laissent la place à des considérations d’ordre social. Ce n’est plus le poète inspiré par les classiques qui parle, mais l’homme qui « perçoit le vrai de la vie contemporaine », comme l’avait écrit Carducci (Betteloni 1880 : XXXII)17. Betteloni déplore les abus alcooliques du milieu populaire et ouvrier. En tant que producteur de vin, il déplore surtout que les pauvres doivent renoncer au vin de qualité, pour consommer des spiritueux ou pire du vin frelaté :

Oh l’élixir de la vie et du plaisir ! / Le peuple malsain ne peut pas extraire/ tes joies sincères d’une autre boisson ; / mais celui-ci de sa propre main/ s’empoisonne, parce ce que à une autre beaucoup plus forte / boisson ilapproche les lèvres, / et parce qu’elle lui coûte moins, / à celle-ci plus qu’àtoi [vin] il court souvent. // Je le déplore, et moins à déplorer / celui-ci ne mesemble, à qui / il convient de se désaltérer avec un autre poison, / qui avec toine partage / que le nom, et il ne coule de sarments réchauffés par le soleil,/ mais il est fait d’artifices, / et celui qui est appelé à le boire doit / avoir lagorge doublée de cuivre (Betteloni 1880 : 138)18.

Nous ressentons dans ces vers les échos des discours contre l’alcoolisme, dont on pourrait dénicher un corpus de citations dans les conférences de Lombroso, Mosso et Bizzozero (cfr. Il vino 1880) ; et les échos des débats sur l’altération des vins et peut-être aussi sur les innovations chimiques de production, qui occupent les viticulteurs italiens de l’époque (cfr. Atti 1884). Hygiénisme et commerce tournent autour du vin avec des intérêts différents et des solutions communes. Prenons, en guise d’exemple, une phrase d’un discours de 1876 d’un œnologue italien – Balbo Bertone, comte de Sambuy– reprise par Cognetti de Martiis dans sa conférence :

Faisons mieux nos vins… Il ne s’agit pas de toute façon de faire des vins mauvais destinés aux tavernes dans lesquelles l’artisan miséreux, attiré par le prix intéressant, perd ses épargnes précieux et sa plus précieuse santé, il s’agit de faire des vins-type, qui franchissent les monts et les mers, avec notre avantage et le décor d’Italie (Il vino 1880 : 197)19.

Cognetti de Martiis aussi souligne la convergence des points de vue économiques et médicales sur les questions du vin frelaté et des alcools forts. D’abord il relate un épisode de falsification intégral de vin qui rappelle les vers de Betteloni :

Un scientifique subtil allemand démontra que le raisin n’avait rien à voir dans le Château Margaux Vieux qu’une Cour d’Allemagne recevait de son fournisseur exclusif, qui lui donnait à boire un mélange composé d’eau pure, eau-de-vie de froment, extraits divers, acide, sel, glycérine et matières colorantes (Il vino 1880 : 201).

Ensuite Cognetti de Martiis, comme l’avait fait le poète, envisage le frelatage comme étant un problème de santé publique et d’économie national, et pointe du doit les impôts commerciales :

L’économiste non moins que le médecin désapprouve et condamne les falsifications et les contrefaçons, dont l’industrie œnologique est profondément corrompue, avec un dommage grave de la santé des consommateurs, en particulier de ceux qui appartiennent aux classes ouvrières. […] Il est beaucoup mieux, messieurs, de laisser passer le vin franc et sain que de voir se diffuser dans les populations et spécialement dans les classes ouvrières l’utilisation funeste de l’eau-de-vie et des autres liqueurs que les anglo-saxons, avec une dénomination énergique et appropriée, appellent empoisonneuse (203)20.

L’ode finit avec les remerciements que Betteloni adresse au vin, qui lui garantit une vie libre et aisée. Grâce au commerce de Valpolicella, Betteloni peut s’adonner à la poésie sans devoir rendre compte à personne. Dans la politique surtout, il peut s’exprimer librement sans crainte des conséquences :

Oui, oh mon bon vin, a toi que le marchand / lombard apprécie beaucoup, /a toi seul je dois que ni abondante / nourriture, ni l’aisance / manque à meschers ; que je ne me fatigue / maintenant dans des travaux ingrats, / et aucontraire à non rétribuées / occupations nobles je pus me dédier ; // qu’auxhommes ni de la Droite ni de la Gauche jamais je ne demandai / le plus petitservice ; / que librement à ceux qui sont tombés et à ceux qui viennent demonter au pouvoir / je peux dire mon opinion, / que de leur part je ne désireni d’honneurs ni de gains / a toi uniquement je le dois ; / Pour cette raisonje t’adore, et je chante, / Oh vin, à ton nom, et je n’ai pas honte de le faire(Betteloni 1880 : 140)21.

Cet hymne au bien-être bourgeois procuré par le vin nous montre une facette inattendue de la poésie post-unitaire, strictement liée à la réalité sociale et économique. Presque trente ans après avoir écrit cette Ode au vin, Betteloni reviendra sur ces mêmes arguments, mais l’enthousiasme a disparu. Dans le poème La villa, du recueil Crisantemi (1903), il fait allusion aux ravages des épidémies des vignes qui obligent l’agriculteur à des traitements agressifs ; au développement des moyens de transport qui ont ouvert le marché et favorisé une concurrence non moins pernicieuses que les maladies ; il nous fait part des ses préoccupations pour les dettes qui risquent de lui aliéner le domaine de famille (Betteloni 1946 : 539-540)22. Bien qu’il ne les appelle pas par leurs noms – mildiou et phylloxéra – et qu’il préfère une expression très classique (« orrendi morbi »), en syntonie avec l’involution de son style tardif, Betteloni encore une fois nous surprend par son réalisme qui amène dans le monde de la poésie des aspects concrets de son expérience de viticulteur en crise.

Notre enquête sur le vin nouveau dans la poésie post-unitaire se conclu dans les prisons du Palais de Justice de Milan, dans lesquelles le journaliste Felice Cavallotti (1842-1898), porte-drapeau de la démocratie, était détenu pour ses idées politiques, qu’il exprimait par des invectives en vers et en prose, des gestes spectaculaires, des discours féroces. Ses croisades idéologiques pour la liberté, qui l’amenèrent à se jeter contre les institutions et les personnalités publiques ; ses actions militaires à côté de Garibaldi, ses innombrables duels (le trente-quatrième lui sera fatal), font de Cavallotti l’une des personnalités les plus fascinantes de son époque.

Depuis sa cellule, le 10 août 1870, Felice écrit ce poème d’alexandrins à son ami, Francesco Compagnoni, en guise d’Accusé de réception de douze bouteilles de Grignolino, qu’il lui a fait parvenir23. Le proverbe italien “parler avec la belle-fille, afin que la belle-mère comprenne” (“parlare a nuora perché suocera intenda”) explique très bien les intentions de Felice, qui par cette lettre versifiée veut se moquer de la justice et des mœurs des italiens. Derrière la description minutieuse de la vérification de la qualité du vin piémontais, comme l’aurait fait un policier du Royaume, Cavallotti traite le juge Canevari (cfr. Cavallotti 1881-1888 : II, 90 et Romussi 1901 : 293) de buveur corrompu, qui s’occupe de questions futiles en leur attribuant une importance capitale :

Je trouvai le vin tellement exquis que de meilleur / le juge instructeur certainement n’en boit pas. / […] / je ne voudrais pas que le juge s’aperçoive de quelque chose / et qu’il refuse le laissez-passer à quelques bouteilles, / pour pouvoir vérifier personnellement en toute conscience, / que là dedans il n’y ait pas de matières incendiaires. / C’est vrai que pour mieux dissiper les soupçons, / diriez-vous, je pourrais faire cadeau d’une bouteille : / mais […] cela serait corrompre la justice […].

Après le juge c’est le tour de l’« Italie libre », dont les principes fondamentaux seraient douze, comme les bouteilles, et non pas dix, comme les Commandements. Le choix de la part de Cavallotti des deux principes supplémentaires – « éviter le ministère publique du Royaume » et « ne pas se faire prendre par la préfecture de police » – est une déclaration de défiance vis-à-vis des institutions et des mentalités du Pays.

Ce représentant de la “Scapigliatura démocratique” se sert du vin pour mener son combat politique. Nous sommes loin de la rhétorique “maudite” de la “Scapigliatura littéraire” et aussi des excès des poètes véristes que Cavallotti, neuf ans après sa réclusion, affrontera avec intelligence dans la préface d’Anticaglie (1879). C’est intéressant de remarquer que parmi les thèmes distinctifs du vérisme le plus conventionnel et stérile, Cavallotti reconnaissait celui du vin, dans sa version décadente : « Voici, l’immense panorama des brindisi qui s’ouvre et se déroule – et la production entière de la plante de Noé suffit tout juste aux besoins du vérisme » (Cavallotti 1881-1890 : III, 34).

Dans les textes de Carducci, Betteloni et Cavallotti nous avons savouré le vin nouveau de la poésie de la deuxième moitié du XIXe siècle. C’est un vin d.o.c., dont on connaît le territoire de production et parfois même le millésime (s’il n’est pas faux) ; son bouquet nous parle de son époque et des espoirs des poètes qui l’ont bu ; sa vertu principal est la Liberté. L’un des attributs de Bacchus était “Libre” (Liber), parce qu’il délivrait les hommes des soucis : le vin nouveau est le mythe d’une liberté qui ne passe plus par l’oubli alcoolique mais bien par des actions lucides, des gestions scrupuleuses, des qualités de l’homme sobre, engagé et combatif. Ce vin n’amène guère aux paradis artificiels mais dans un monde concret et libre, qui peut s’appeler Villa de Castelrotto ou Italie.

Le lien entre le vin et la liberté dans la poésie post-unitaire et d’autant plus fort et complexe que, comme nous l’avons vu, le vin était alors jugé pour liberticide : la dépendance qu’il engendre, enlève la liberté à l’individu et lui empêche de se réaliser et de participer au bonheur social. Même il le gâte : l’ivrogne est inapte à travailler, à combattre, à assumer des responsabilité. Les seules actions dont il est capable sont le délit et la transmission de sa tare à sa descendance.

Pris dans son ensemble le corpus de poèmes sur le vin que je vous ai présenté est le miroir de la société italienne de l’époque. La mise en scène du vin par la bohème milanaise, par les différentes orientations du vérisme poétique, Stecchetti ou Betteloni, par la vis polemica de Cavallotti, par le classicisme moderne de Carducci, d’une façon plus ou moins explicite, exprime les différentes facettes d’un fait social total. Dans les discours poétiques sur le vin nous percevons la conscience collective d’une société, ses peurs, ses désirs, ses contradictions.

Nous revenons au point de départ : aux discours dangereux de Giacosa qui parlait du vin français pour parler du peuple français, pour parler de la poésie française. Pouvons-nous, sans tomber dans la banalité ou dans le folklore, interpréter la poésie italienne post-unitaire par le biais du vin italien ? La littérature œnologique de l’époque dénonce l’incapacité du vin italien de s’exporter, si ce n’est comme vin de coupage, surtout en France. La poésie italienne se trouve dans la même condition, mise à part que pour le mélodrame, un art hybride qu’heureusement les italiens réussissent à « couper » tous seuls avec des musiciens d’exceptions et à exporter dans le monde entier (« une victoire mondiale. L’Otello est cette victoire » [Boito 1979 : 33])24.

Les vins français sont considérés les meilleures et, pour ce qui est des lettres, les écrivains italiens prennent souvent inspirations des poètes français, qui produisent un art moderne : Praga de Baudelaire, Carducci de Hugo, Betteloni de Musset, etc.

Le frelatage poétique est à l’ordre du jour : il suffirait de lire les critiques de Carducci contre l’excès de sucre dans les vers des romantiques, ou celles de ses adversaires contre les sophistications proposées dans le recueil des Odes barbares, qui aurait été un insulte à la tradition sacrée de la métrique, ou encore les débats sur les scories, le vin entre autres, présent dans la poésie des véristes, ou sur « l’abus de sucrerie » (Stecchetti 1903 : 158-159)25 de la part des idéalistes.

La mauvaise qualité du vin italien est attribuée au retard des techniques de vinification, encore liées à une économie de subsistance et donc inadéquates à une production industrielle moderne. Le vin était avant tout voué à une consommation privé ou à une distribution locale et la plupart des producteurs ne visait en aucun cas à une standardisation de type commercial26. Les sociétés œnologiques visaient par contre à la conception de « vins-type » (Il vino 1880 : 197)27, avec des disciplinaires de production spécifiques, mais devaient se confronter à des habitudes productives régionales ou familiales, qui n’avaient pas encore intégré les changements engendrés par l’unification du Pays. L’Italie était unie politiquement, mais dans la pratique elle gardait sa fragmentation séculaire. D’où une phrase célèbre de Massimo d’Azeglio :« l’Italie est faite, il reste maintenant à faire les italiens ». Dans cet esprit de rassemblement nous pouvons interpréter les mots prononcés par M. Froio, ampélographe napolitain, à la fin du colloque des producteurs italiens de vin, qui s’était déroulé à Rome du 18 au 21 février 1884 :

Je crois qu’avant de nous quitter nous avons un devoir à accomplir. Sans doutenous-mêmes étions les premiers à ne pas reconnaître le mérite de nos vins,et en effet nos vins étaient bannit de tous les baquets de luxe, et au contraireétaient choisis les vins d’autres pays. Donc, nous avons eu dans ces jours unexemple merveilleux : le premier citoyen d’Italie, le Roi, a commencé à accepterle vin d’Italie à sa table. Je crois que pour les viticulteurs italiens cela estle pas le plus important qu’on pouvait faire, et je crois donc que ce soit notredevoir de remercier le Roi pour cette initiative très noble. (Applaudissements –Acclamations Vive le Roi !) (Atti 1884 : 222-223)28.

Notre parallèle entre vin et poésie devrait s’arrêter ici, étant donné que depuis des siècles la seule forme d’unité nationale était représentée par la culture littéraire, qui utilisait une langue et des modèles communs. En ce sens la poésie de notre période n’avait rien à voir avec la division du Pays, au contraire. Mais laissez-moi pousser un peu plus loin cette comparaison et vous parler d’un des événements socio-culturels qui marquèrent l’Italie de la fin des années ’70 du XIXe siècle : la conversion de Giosuè Carducci à la monarchie. C’est une drôle de coïncidence, mais comme les viticulteurs italiens, en 1884, acclamèrent le roi Humbert I de Savoie parce qu’il appréciait le vin qu’ils produisaient, ainsi Carducci, le jacobin, avait écrit, en 1878, une ode À la reine d’Italie, Marguerite, parce qu’elle aimait sa poésie ! Carducci avait donc trahi la fois républicaine pour les compliments et la beauté d’une blonde ? Avait-il perdu la raison ? Non, simplement, tout comme les producteurs de vin, Giosuè Carducci misait sur la Couronne comme sur la seule institution qui pouvait garantir « l’unité qui fut et qui est l’amour, la foi, la religion de ma vie »29.

Bibliographie

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Betteloni, Vittorio, Nuovi versi, con prefazione di G. Carducci, Bologna, Zanichelli, 1880.

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Carducci, Giosue, Odi barbare, testimonianze, interpretazione, commento di M. Valgimigli, Bologna, Zanichelli, 1966.

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Gibellini, Pietro, Il calamaio di Dioniso. Il vino nella letteratura italiana moderna, Milano, Garzanti, 2001.

Il vino. Undici conferenze fatte nell’inverno dell’anno 1880, da Arturo Graf, Alfonso Cossa, Corrado Corradino, Michele Lessona, S. Cognetti De Martiis, Giovanni Arcangeli, Angelo Mosso, Giuseppe Giacosa, Giulio Bizzozero, Cesare Lombroso, Edmondo De Amicis, con molte incisioni nel testo e 3 tavole litografiche, TorinoRoma, Loescher, 1880.

Riccardi di Lantosca, Vincenzo (V. ERDIEL), Pippetto ossia il regno di Saturno. Commediola in martelliani seimila e tanti, parte prima, Ravenna, Tipografia Nazionale di Eugenio Lavagna, 1886.

Romussi, Carlo, « Felice Cavallotti giornalista », Nuova antologia, 26 mai 1901, pp. 287-308.

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Stecchetti, Lorenzo (Olindo Guerrini), Poesie, Bologna, Zanichelli, 1903.

Torchio, Emilio, « Vino, brindisi e convivio nella poesia carducciana (con cenni sulla storia del tema) », Nuova rivista di letteratura italiana, 11, 1-2, 2008, pp. 85-130.

Nota

1 Ce discours a été prononcé à Angers en 2016 dans le cadre d’un colloque sur le vin, quiréunissait des économistes, des anthropologues, des sociologues, des historiens, desbiologistes etc. Mise à part pour les textes de Giosuè Carducci, les traductions ont étéélaborées par l’auteur de ces pages dans un souci de clarté. Je me suis tenu le plus possible àla lettre du texte italien et, en ce qui concerne les poèmes, j’ai essayé de respecter le contenusémantique de chaque vers.
3 « D’altronde, egli riassume il carattere del popolo francese. Schietto, gaio, accensibile, unpo’ gradasso ma con grazia, un po’ mordente ma senza fiele, ed ospitale più che nessun altro.Riassume anzi il tipo dei vini francesi, vini che fanno discorrere e ridere, che intenerisconoqualche volta, che ci armano di garbate punture, vini di buona società e non traditori ».
4 « Mario Rapisardi traduce dilungando…, […]. Non tutti i poeti sono discreti ed efficaci comeLucrezio ».
6 À ce propos il est intéressant de revenir sur l’anachronisme qui obligea Guido Gozzano(1883-1916), poète piémontais du début du xxe siècle, à corriger un mot de la première versionde son poème, L‘amica di nonna Speranza, paru en 1907. La scène se déroule dans une villa surle lac Majeur, en 1850 : l’un des personnages offre « un po’ di marsala » (v. 63) à ses hôtes. Orle marsala sera connu au Nord d’Italie seulement après la conquête du Royaume des DeuxSiciles, en 1860. Gozzano, dans la version de 1911, remplacera donc « marsala » par « moscato »,un vin de dessert local.
7 La dénomination Chianti est parfois utilisée comme synonyme de “vin de qualité” dansdes poèmes de revendication sociale : « avrà il docente / Un posto fra la gente / Di buon senso.Nel ventre una bistecca, / E sulla lingua secca / Qualche stilla di Chianti » (« l’enseignant aura/ une place parmi les gens / de bon sens. Un steak dans le ventre, / Et sur la langue desséchée/ quelques gouttes de Chianti ») (Riccardi di Lantosca 1886 : 170).
8 Dans un poème de Tavolozza (1862), Olanda, Praga – qui a perdu son inspiration – demandeà un passant un « rimario », un dictionnaire de rimes, qui n’est rien d’autre que du vin, commenous l’apprenons par les vers suivants, où l’on parle d’« albergo », d’osteria.
9 « Se c’è chi ha cantato un’osteria colle parole necessarie a dipingerla, chiamando litro e nonnappo il recipiente che si usa più spesso direte che si è messo in una scuola piuttosto che inun’altra ? Potete nell‘ambito dell‘arte trovare che il quadro è mal dipinto: potete nel calcolodelle intenzioni deplorare che si frequentino e si cantino le osterie dove il vino è buono, manon potete dire che quell’opera sia brutta perché c’entra un’osteria » (Stecchetti 1903 : 212).
10 « punto franco dai dispiaceri, […] terra della perfetta uguaglianza, […] casa di chi non ne ha ».
11 « Lo Sclopis dichiarò in Parlamento, che nove decimi dei delitti che si commettono in Italia,hanno origine nelle osterie ».
12 L’anecdote est citée par Valgimigli (1966 : 151), et aussi, dans une version amusante etlégèrement fantaisiste, par Soldati (2006 : 216-219).
13 Sur le thème du vin dans la poésie de Carducci cfr. Torchio (2008).
14 « E tu pendevi tralcio da i retici / balzi odorando florido al murmure / de’ fiumi da l’alpevolgenti / ceruli in fuga spume d’argento, // quando l’aprile d’itala gloria / dal Po rideva a loStelvio / e il popol latino si cinse / su l’Austria cingol di cavaliere. // E tu nel tino bollivi torbido/ prigione, quando d’italo spasimo / ottobre fremeva e Chiavenna, / oh Rezia forte !, schierò aVercea […] / […] / È bello al bel sole de l’alpi / mescere il nobil tuo vin cantando : / […] / Ma neivegliardi vige il vostro animo [fratelli], / il sangue vostro ferve ne i giovani : / o Italia, daremoin altre alpi / inclita a i venti la tua bandiera » (A una bottiglia di Valtellina del 1848).
15 Carducci dans le poème Brindisi (Juvenilia) parle des romantiques comme d’une « familleromantique scélérate qui ne boit pas » (« scelerata astemia / romantica famiglia »).
16 Brindisi d’aprile, dans Rime nuove (1887) : « Allora a l’aër tepido / Tutto fermenta e langue, /Entro le vene il sangue, / Entro le botti il vin. // Tu senti de la patria, / Rosso prigion, desio ; /E l’aura del natio / Colle sommove il tin. / […] / Andiamo, il prigioniere / Andiamo a liberar ;/ Facciamlo nel bicchiere / Rivivere e brillar. / […] E, tu arridigli, o sole […] Prigion celeste incarcere terreno ». Ça ira I dans Rime nuove (1887) : « Ma il falcetto su l’uve iroso scende / comeuna scure e par che sangue cóle » (« Mais le couteau, rageur, tranche la grappe / comme unehache, et l’on croit voir couler / du sang », trad. A. Pézard). Canto dell‘amore (1877) : « Apriteil Vaticano. Io piglio a braccio / quel che di sé stesso antico prigionier. / Vieni : a la libertàbrindisi faccio : / Cittadino Mastai, bevi un bicchier ! » (« Ouvrez le Vatican. Je prends dansmes bras ce vieux prisonnier de lui-même. Viens, je bois à la liberté : Citoyen Mastaï, bois unverre ! », trad. P. Renucci). Pour d’autres exemples cfr. Gibellini 2001 : 115-129.
17 « Ora il Betteloni non solo seppe percepire il vero della vita odierna italiana con elezioned’artista, ma lo seppe verseggiare con lingua varia abbastanza se non sempre finissima, constile sempre suo e spesso accurato » (Carducci, Prefazione).
18 « O l’elisir della vita e del piacere ! / Trar non può il vulgo insano / D’altro liquor le goie tuesincere ; / Ma quegli di sua mano / S’attossica, che ad altro assai più ardente / Liquore il labbroaccosta, / E poi che men gli costa, / A questo più che a te corre sovente. // Io lo compiango, e dacompianger meno / Colui non parmi, al quale / Dissetarsi convien d’altro veleno, / Che sol conte d’eguale / Ha il nome, e non da tralci adusti cola, / Ma d’artificii è fatto, / E dee chi a berlo ètratto / Foderata di rame aver la gola ».
19 « Facciamo meglio i nostri vini… Non si tratta di far comunque dei vini cattivi destinatialle bettole ove il misero artigiano, attirato dal buon prezzo, perde i suoi preziosi risparmi ela più preziosa sua salute, si tratta di fare dei vini-tipi, che passino i monti ed i mari con utilenostro e decoro d’Italia ».
20 « Un arguto scienziato tedesco dimostrò che l’uva non c’entrava per nulla nello ChâteauMargaux Vecchio che una Corte di Germania riceveva dal suo fornitore brevettato, il quale ledava a bere una miscela composta con acqua pura, acquavite di frumento, estratti diversi, acido,sale, glicerina e materie coloranti. […] l’economista non meno del medico riprova e condannale adulterazioni e contraffazioni, dalle quali è profondamente viziata l’industria enologica,con danno grave della salute dei consumatori, di quelli specialmente che appartengono alleclassi lavoratrici. […] È molto meglio, o signori, lasciar passare il vino schietto e sano che vederdiffondersi nelle popolazioni e specialmente nelle classi operaie l’uso funesto dell’acquavitee degli altri liquori che gli anglo-sassoni con energica ma appropriata denominazionechiamano attossicatrici ».
21 « Sì, o mio buon vino, a te che il mercatante / Lombardo molto apprezza, / A te solo degg’iose né abbondante / Vitto, né l’agiatezza / Manca a miei cari ; se non è ch’io sudi / Ora in ufficiingrati, / E invece a non pagati / Dedicar mi potei leggiadri studi ; // Se a Destri né Sinistriio mai non chiesi / Il più lieve piacere ; / Se libero ai caduti e ai novi ascesi / Dir posso il mioparparere,/ Se onoranze da lor né lucri agogno / Ciò a te soltanto io deggio ; / Però t’adoro, einneggio, / O vino, al nome tuo, né mi vergogno ! ».
22 « Oh lieti antichi tempi ! Allor l‘agreste / Vita fu assai miglior ch‘oggi non sia : / Ricordo iostesso le gioconde feste / De le vendemmie de l‘infanzia mia. / Ma orrendi morbi vennero dipoi / Triste la vita ed infeconda a far ; / E la gentile inferma pianta a noi / Ora tocca più volteinsudiciar // Di strani e sozzi e rei medicamenti. / E quando, se uragan non l‘ha distrutto, /Abbiam con grandi spese e grandi stenti, / Salvato alfine il prezioso frutto, / Onde nettareicolan quei sì noti / Retici vini, a cui gran fama diè / La stessa Roma, a‘ tempi suoi remoti, / ETeodorico, il barbaro gran re, // Voleva a mensa sempre aver dappresso, / Noi non troviam chifaccia pur richiesta / Più di quel vin così famoso istesso, / Che inutilmente a qui invecchiarci resta. / Or son vent‘anni appena ed a Natale / Tutto, fino al bigoncio ultimo, già / Eravenduto : ma ventura tale / Non par che in avvenir mai più s‘avrà. // I facili trasporti e lo sviato /Commercio ci portaron di lontano, / A ‚l più vil prezzo, il vin più vile e ingrato, / E noi speriamvendere il nostro invano. / Meglio che a ‚l buono, a ‚l facile s‘arrende / Liquore il volgo, e ingollail reo velen / E l‘esattor le adunche man distende / Frattando ogni due mesi, e a noi convien //Quelle mani colmare, o ch‘ei l‘avito / Sacro poder ci usurpa ».
23 Felice Cavallotti, A Francesco Compagnoni | Dichiarazione di ricevuta di n. 12 bottiglie diGrignolino | (Carceri di Palazzo di giustizia, 10 agosto 1870) : « Carissimo ! | Le dodici bottiglie horicevuto, / Ed illico e immediate del loro contenuto / La debita perizia compiuta è stata già :/ Il tutto in buono stato, perfetta qualità ! / Anzi, vi posso aggiungere che, tutto ponderato /E il fondo già di varie bottiglie ispezionato, / Il vin così squisito trovai, che del migliore / Dicerto non ne beve il giudice istruttore. / La qual cosa, intendiamoci, per norma di prudenza,/ Vi dico qui a quattr’occhi, ma in tutta confidenza, / Ché non vorrei che il giudice di alcunche sospettasse, / Ed a qualche bottiglia il visto ricusasse, / Per potere in coscienza verificarda sé, / Che materie incendiarie lì dentro non ce n’è. / È vero che, i sospetti per megliodissipare, / Direte, una bottiglia potrei ben regalare : / Ma oltreché ciò sarebbe corromper lagiustizia, / Sento per tutte e dodici sì eguale un’amicizia, / Che fra di lor lo scegliere sarìa perme impossibile : / E poi, il numero dodici è un numero intangibile ! / E l’ostriche e le noci sicontano a dozzina : / Dodici fur le tavole delle gente latina : / Dodici mesi all’anno prescrivonoi lunari : / De lo Zodiaco i segni son dodici del pari. / Giacobbe ottenne dodici figliuoi dalla suadonna, / E per lo appunto dodici ne aveva anche mia nonna. / Dodici d’Israello furono le tribù,/ E dodici gli apostoli che seguiron Gesù. / Soltanto erano un giorno dieci i Comandamenti,/ Perché l’Italia libera v’aggiunse i rimanenti : / Undecimo: Guardarsi dalla Regia Procura ; /Duodecimo : Non farsi pigliar dalla Questura. / E se non me ne fossi dimenticato un dì, / Amicomio carissimo, ora non sarei qui ! / Così, mentre sturando vo il collo a ogni bottiglia, / La miacoscienza esamina sé stessa e si consiglia : / E se avvenga che, un giorno, la grazia del Signore/ Mi tocchi alfin, siccome toccò a tant’altri il cuore ; / E che riesaminando di Grignolino unfiasco / Rinnovi anch’io l’esempio di san Paolo a Damasco, / Ben potrete vantarvi, per tempisì corrotti, / D’aver salvato l’anima del / Vostro / Cavallotti » (Cavallotti 1881-1888 : II, 233-234).
24 Lettre d’Arrigo Boito à Giuseppe Verdi, 9 juillet 1889 : « Io so che l’Otello ha poco più didue anni e che mentre le scrivo si fa intendere come deve ai compaesani di Shakespeare. […]Pure è raro assai di vedere conchiusa una vita d’arte con una vittoria mondiale. L’Otello èquesta vittoria ».
25 « a chi ha lo stomaco pieno di schifo per abuso di dolciumi, un po’ di pepe di Caienna glieloaccomoda ».
26 « La produzione dei vini presso di noi non ha ancora assunto forma di vera industria. Ipiù dei viticoltori producono per vendere la materia prima, che gli stranieri manipolano erivendono cavandone quel vantaggio che tutti sappiamo e che noi stessi potremmo trovare :ognuno produce per conto proprio e con metodi propri, e produce entro quei confini ristrettidai quali resta impedito che il commercio dei vini si ordini sopra larghe e solide basi » (Atti1884 : 3).
27 « Il nostro guaio è appunto la mancanza di vini-tipi. La nomenclatura dei vini italiani èlunghissima e svariatissima, e questo nuoce assai al nostro commercio enologico. I produttorivogliono fare sfoggio di qualità diverse e il prodotto risulta scarso per ogni qualità e pergiunta incostante » (Cognetti de Martiis).
28 « Io credo che, prima di scioglierci, abbiamo un dovere da compiere. È indubitato che iprimi forse a non riconoscere il merito dei nostri vini eravamo noi, ed infatti in tutti quantii desinari di lusso i nostri vini erano banditi, ed erano invece prescelti quelli di altri paesi.Orbene abbiamo avuto in questi giorni un bellissimo esempio : il primo cittadino d’Italia,il Re, ha cominciato ad accettare alla sua mensa il vino d’Italia. Io credo che sia questo per iviticoltori italiani il più gran passo che si poteva fare, e credo perciò che sia dovere nostro diringraziare il Re per questa sua nobilissima iniziativa. (Applausi – Grida di Viva il Re !) ».29 Lettre de G. Carducci à Camillo Antona Traversi, du 15 septembre 1897.
29 Lettre de G. Carducci à Camillo Antona Traversi, du 15 septembre 1897.
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