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La multifonctionnalité des constructions françaises avec le verbe finir: étude basée sur un corpus français-lituanien
Vita Valiukienė; Lina Dubikaltytė-Raugalienė
Vita Valiukienė; Lina Dubikaltytė-Raugalienė
La multifonctionnalité des constructions françaises avec le verbe finir: étude basée sur un corpus français-lituanien
Multifunctionality of the French Verb Finir ‘to Finish’ Based Constructions: a Corpus-Based Study of French and Lithuanian
Kalbotyra, vol. 74, pp. 247-267, 2021
Vilniaus Universitetas
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Résumé: Ayant pour base le Corpus parallèle de Textes Littéraires (CTLFR-LT), composé des documents littéraires français et de leurs traductions vers le lituanien, le présent article vise à confirmer que le verbe français finir, faisant partie de différentes constructions morphosyntaxiques, peut véhiculer une grande plurivocité de sens. Tout en conservant sa signification basique de la fin, le verbe finir transmet un grand faisceau d’autres valeurs. Ces dernières, dans les grammaires ou les dictionnaires français monolingues ou bilingues, considérées comme périphériques, apparaissent pourtant statistiquement très significatives dans ces grandes données électroniques que sont lesdits corpus. Le verbe finir en tant que composante des constructions perd sa valeur nucléaire et les constructions s’apparentent alors beaucoup à des constructions adverbiales ou connecteurs discursifs. Dans la présente contribution l’attention sera portée sur les constructions suivantes :

S((in)anim) + finir + (GN) ; S((in)anim) +

(en) finir de + V(inf) ; S((in)anim) + finir par +

V(inf) ; Pour finir.

Mots clés: adverbe de temps, adverbe de phrase, connecteur discursif, construction parenthétique, multifonctionnalité.

Abstract: Based on the Corpus parallèle de Textes Littéraires (CTLFR-LT), consisting of French fiction texts and their translations into Lithuanian, the present article aims to show the functional versatility of the French verb finir ‘to finish’. The paper focuses on the following particular constructions:

S((in)anim) + finir + (GN); S((in)anim) + (en)

finir de + V(inf); S ((in)anim) + finir par +

V(inf); pour finir.

While retaining its literal meaning, the verb finir ‘to finish’ exhibits a great range of modally marked uses. These uses, considered peripheral in the majority of French monolin- gual and bilingual grammars or dictionaries, nevertheless appear to be statistically very significant in the present dataset. The study shows that the verb finir ‘to finish’ can be used as a component of various constructions in which it loses its core lexical meaning and functions as an adverbial or discourse connector. The analysis of the data of the cor- pus Corpus parallèle de Textes Littéraires merely confirms the fact that the constructions under consideration can have a two-fold reading: the adverbial function of time and the function of a sentence adverbial.

Keywords: discourse connector, multifunctionality, parenthetical construction, sentence adverbial, temporal adverb.

Carátula del artículo

Articles

La multifonctionnalité des constructions françaises avec le verbe finir: étude basée sur un corpus français-lituanien

Multifunctionality of the French Verb Finir ‘to Finish’ Based Constructions: a Corpus-Based Study of French and Lithuanian

Vita Valiukienė
Institute of English, Romance and Classical Studies Department of French Philology Vilnius University Universiteto, Lituania
Lina Dubikaltytė-Raugalienė
Creative Industries Vilnius Gediminas Technical University (Vilnius Tech) Sauletekio, Lituania
Kalbotyra, vol. 74, pp. 247-267, 2021
Vilniaus Universitetas

Aprobación: 10 Abril 2021

1 Introduction

« Pour la plupart des traditions linguistiques occidentales, l’ambiguïté reste une malédiction. Elle est perçue comme un irritant défaut de fabrication des langues naturelles, comme un manque de perfection, comme une carence ou un accident. » (Sueur 1981, 165)

Une grande abondance d’ouvrages sur la problématique de la hiérarchisation et de la catégorisation des phénomènes linguistiques ne semble que démontrer les tentatives des chercheurs de mettre tout dans les « cases ». Pourtant en réaction à la vision du langage proposée par la grammaire traditionnelle et générative de nombreux courants lin- guistiques se sont développés au cours des dernières décennies et l’emploi des notions linguistiques telles que continuum, lexique-grammaire, co(n)texte, multifonctionnalité, plurivocité sémantique, synergie, etc. ne font que confirmer que le mot peut parfois être difficilement classable dans une catégorie linguistique concrète.

Branca-Rosoff (1998, 10) rappelle que mot remonte à mutmut, onomatopée attestée dans Apulée et Charisius1 et note un grognement et un marmottement. Plus tard intégré en latin, le terme muttum caractérise toujours un son qui n’a pas de signification exacte. Ainsi, la notion qui désigne aujourd’hui l’unité de base du discours, le mot, entre dans la langue par les marges. « En français, les premiers emplois s’observent dans des tournures négatives qui renvoient à la non-communication : « ne soner mot a le sens de ne pas émettre un son » rappelle Branca-Rosoff (1998, 10). Au XI siècle, mot employé en dehors de ces contextes, dans un sens général, et renvoie à des attitudes de locution plus qu’à des unités ; il désigne alors des discours ou des tranches de discours de dimension indéterminée.

Un mot sans contexte reste un grognement car, quand on passe à l’interprétation du mot, sa compréhension est toujours problématique, puisqu’elle est conditionnée par les autres mots avec lesquels le mot en question s’assemble pour former des énoncés particuliers. L’interprétation est également déterminée par l’histoire, à la fois par ce que Pêcheux (1975, 145) appelle l’interdiscours (l’ensemble des discours présents dans la mémoire des locuteurs et des récepteurs) et par les référents extralangagiers (Rey 1989). Les adeptes de la grammaire de construction ou contextuelle s’accordent sur le fait que le mot est un constituant minimal de base des constructions plus ou moins figées et la construction est une portion de discours.

Le mot français contexte, emprunté au latin classique contextus, « assemblage, réunion » (de contexere « assembler, rattacher »), devient extrêmement fréquent vers la fin du XIXe siècle mais son emploi est déjà attesté en 1539 et désigne « l’ensemble ininterrompu des parties d’un texte » (TLFi). Cette définition reste aussi valide à nos jours: pour déterminer telle ou telle valeur du mot, il faut absolument envisager tout son ensemble environnant.

2 Cadre méthodologique et corpus

La présente contribution intervient dans le champ des recherches fondées sur la méthode de la linguistique de corpus. Dans le présent travail nous renonçons à l’étude atomiste du mot et appliquons l’approche holiste dans la détermination de la valeur. Les unités analysées sont traitées selon le principe de la polysémie contextuelle. Ce terme est emprunté à Gausselin (2005), qui renvoie à la notion de la « polysémie contextuelle généralisée » (PCG) pour désigner le fait que la signification d’un marqueur (morphème lexical, grammatical, ou construction syntaxique) puisse varier en fonction non seulement des formes mais aussi des significations des autres marqueurs qui l’entourent. L’attention est donc portée sur les valeurs et fonctions du verbe finir résultant de l’interaction de marqueurs polysémiques qui propose une approche synchronique du verbe français finir. La méthode utilisée est descriptive analytique.

Le travail est basé sur le corpus parallèle bidirectionnel bilingue CTLFR-LT-FR (Corpus des Textes Littéraires). Cette base électronique des données est constituée de deux souscorpus CTLFR-LT et CTLLT-FR.. La composante CTLFR-LT (dont on se servira dans cette étude) regroupe les oeuvres littéraires françaises du milieu du XXème siècle au début du XXIème siècle et leurs traductions en lituanien. La taille du CTLFR-LT-FR présentée ci-dessous dans le tableau 1 :

Tableau 1.
Taille du corpus CTLFR-LT-FR

Le texte littéraire est choisi en tant que matériel d’étude à cause des facteurs suivants: premièrement, le texte littéraire est plus facilement abordable que plusieurs autres genres écrits ; deuxièmement, il est très polysémique: il englobe les différents registres (familier, standard, soutenu) et abonde en dialogues, ce qui le rapproche davantage de la langue naturelle.

La traduction des constructions en lituanien contenant le verbe finir sert d’outil de recherche pour confirmer telle ou telle valeur du verbe en question mais les réalisations en lituanien ne sont pas destinées à estimer la qualité de la traduction littéraire et l’aspect comparatif n’est pas pris en considération. La majorité des cas des traduction en lituanien sont glosés en se basant sur les règles de Leipzig: https://www.eva.mpg.de/lingua/ resources/glossing-rules.php et celles du site suivant: http://www.llf.cnrs.fr/sites/llf.cnrs.fr/files/statiques/Abreviations_gloses-fra.pdf.

Même si le verbe finir se classe parmi les verbes français très fréquemment employés, les études destinées à son analyse ne sont cependant pas abondantes. Dans la plupart des cas, c’est son statut d’auxiliarité qui est revu (Gross 1968, 78–79 ; 1975, 145 ; Frontier 1991, 586 ; Wilmet 1997, 318 ; Lamiroy 1999, 38) mais sans trouver un consensus.

Le dictionnaire TLFi donne un aperçu exhaustif des significations de finir mais la plupart des exemples datent de la première moitié du XX ième siècle ou ils sont plus anciens et les fonctions des constructions sont vaguement définies. Dans cette étude on analysera les fonctions de 4 types de constructions du français écrit datant de l’époque plus récente (les années 1960–2010) qui sont présentées dans le tableau 2 avec le nombre d’occurrences :

Tableau 2.
Types de la construction avec le verbe finir et leur distribution statistique dans le corpus CTLFR-LT

Dans la présente étude, le terme de construction ne sera pas traité comme une structure syntaxique mais en tant que signe linguistique, au sens saussurien, à savoir une « entité psychique à deux faces », qui unit de façon conventionnelle et plus ou moins arbitraire une forme à un sens, contenu ou fonction. Selon Puckica (2016), ces termes reçoivent ici une acception large: en particulier, par sens d’une construction, on entend des propriétés sémantiques, mais aussi des propriétés qui peuvent être appelées pragmatiques, discursives ou informationnelles.

3 La construction S((in)anim) + finir + (GN)

Dans le présent chapitre on examinera brièvement les fonctions de la construction S(inanim) + finir + (GN). Elle s’est révélée assez présente dans le corpus étudié (186 cas) et on a recensé 56 énoncés où les pronoms démonstratifs neutres ce, cela, ça dominent statistiquement en tant que sujets inanimés et où la forme de finir est au participe passé. L’emploi des pronoms susmentionnés est anaphorique et la connotation de la proposition renvoie à la finalité d’une étape.

(1) J’ai pris ce que j’ai pu. Désormais,c’est fini.(FR-orig)

Atvežiau, ką galėjau.Dabarviskas. (LT-trad)

maintenant.advtout.pron.indf.neu

La traduction de l’exemple en lituanien (1) ne fait que confirmer la valeur en question du verbe finir: dabar ‘maintenant’ et viskas ‘tout’.

Il est aussi notable que la tournure S(inanim) + finir est employée dans les énoncés généralisants du type :

(2)La vérité, c’est que l’amour commence dans l’eau de rose et finit en eau de

boudin. (FR-orig)

Tiesa tai, kad meilė prasideda rožių vandenyje, o

baigiasi nutekamajame. (LT-trad)

se_finir.prs.3sgboudin.m.loc

(3)t est mal qui finitmal. (FR-orig)

Viskas blogai, kas blogaibaigiasi. (LT-trad)

tout.pron.indf.neumal.advqui.pronmal.advse_finir.prs.3sg

Le verbe finir est employé au présent, le sujet est un nom abstrait – la vérité, l’amour – (2) et le pronom quantificateur tout (3), désignant un ensemble de choses, ce sont des marques linguistiques par excellence des propositions universelles.

Tout comme les verbes lituaniens už(pri)baigti, nusibaigti ‘finir’, ‘mourir’ (LKŽ), dans certains contextes finir peut aussi avoir le sens de tuer, mourir, décéder. Les complé- ments sont liés aux notions du temps : la vie, les jours, la jeunesse, les semaines.

(4) Cannelle Martin trompée par son mari, marie sa fille à un financier, encourage son fils à tromper sa femme, finit sa vie à Chatou dans une chambre à huit mille euros le mois. (FR-orig)

Kanelė Marten apgauta sqvo vyro, ištekina dukrą už piniguočiaus, paskatina sūnų apgauti savo žmoną, baigia gyvenimą kambaryje už aštuonis tūkstančius

finir.PRS.3SG vie.F.ACC

eurų per mėnesį. (LT-trad)

Nombreuses sont les occurrences où le verbe finir signifie achever de consommer quelque chose : finir sa compote, son lait, son omelette, sa soupe, son petit déjeuner, etc. (29 cas).

Il est intéressant de noter que dans la traduction en lituanien est intercalé le verbe valgyti ‘manger’ (5) et l’énoncé (6) est transmis du français en lituanien littéralement, en omettant le verbe gerti ‘boire’.

(5)e n’ai pas fini les carottes, dit-elle en frappant du pied, telle une enfant butée.

(FR-orig)

Aš dar nebaigiau valgyti morkų <...>. (LT-trad)

je.pron.1sgencore.advne_pas_finir.pst.1sgmanger.infcarotte.f.pl.acc

(6)Je finis la bouteille de vin en m’installant devant une des fenêtres du salon dans un

vieux fauteuil. (FR-orig)

Pabaigiu butelį vyno

finir.prs.1sgbouteille.m.sg.accvin.m.sg.gen

ir įsitaisau sename fotelyje prie svetainės lango. (LT-trad)

Les deux stratégies de la traduction sont possibles et l’omission du verbe n’entrave en aucun cas la compréhension des messages français (5) et (6). L’absence du verbe boire réside dans le fait que la bouteille de vin va usuellement avec l’action de la consomma- tion. Son omission est déterminée contextuellement et culturellement. Ce verbe est appelé

« appropriate X », qui s’impose dans un contexte donné (the main co-occurrent) pourrait s’effacer (un processus de « zeroing ») à cause de sa haute fréquence (Chu 2008, 100). Ce concept de « appropriate word » a été ensuite développé par Blanche-Benveniste (1975, 38) pour expliquer le phénomène de consensus dans une collectivité linguistique. Le verbe boire est omis parce qu’il est lié d’une manière spécifique au syntagme la bouteille de vin.

Par exemple, l’omission des autres verbes comme nettoyer, remplir serait difficilement acceptable parce que ce ne sont pas les verbes appropriés ou stéréotypes allant ensemble avec la bouteille de vin.

Il est logique que dans l’occurrence française (7) le verbe fumer est aussi absent parce que le syntagme la cigarette est indissociable du verbe fumer. Il est communément admis par la collectivité linguistique que la cigarette et fumer vont ensemble. La traduction en lituanien ne fait que confirmer ce fait, la proposition quand il avait fini sa cigarette est traduite en lituanien par la forme participiale surūkęs du verbe (su)rūkyti ‘fumer’.

(7)Quandil avait fini sa cigarette, il crachait son mégot devant lui et tentait, à la

volée, de le rattraper du pied. (FR-orig)

Surūkęs cigaretę,

fumer.ptcp.pst.3sgcigarette.f.sg.acc

nuorūką išspjaudavo priešais save ir bandydavo ją pagauti koja. (LT-trad)

Il peut arriver dans le français écrit que le complément du verbe finir est inexistant dans la proposition. Le contexte langagier plus large se révèle crucial pour son identification. Dans le cas de l’exemple sousmentionné (8) on comprend qu’il s’agit de finir le manuscrit, plus précisément – finir d’écrire le manuscrit.

(8)Voici mon dernier manuscrit. Il est inachevé. Je n’aurai pas pas la force...

Je n’aurai pas le temps de finir. Je te le laisse. Tu le finiras. Mes mains ne

m’écoutent plus. (FR-orig)

Čia mano paskutinis rankraštis. Jis nebaigtas. Aš neturiu jėgų...

Aš nespėsiubaigti. Palieku tau.

je.pron.1sgne_pas_avoir_le_temps.fut.1sgfinir.inf

Tu jį užbaigsi. Mano rankos daugiau nebeklauso. (LT-trad)

Tu jį užbaigsi. Mano rankos daugiau nebeklauso. (LT-trad)

Le contexte verbal élargi est l’ensemble dynamique des informations qu’apporte au locuteur le déroulement du discours, il correspond à l’idée qui se dégage peu à peu du discours. Égal à zéro aux premiers mots du discours, le contexte verbal élargi gonfle de plus en plus au fil de l’énonciation et avec ce gonflement du contexte, l’auditeur ou le lecteur arrive peu à peu à lever les ambiguïtés des phrases du texte et à en construire un sens qui se succède. En effet, dans la lecture, nous n’avons ni le besoin, ni la possibilité, de retenir tous les mots; par contre, nous retenons ce que nous venons de lire suffisamment longtemps en mémoire cognitive pour comprendre la suite du texte. Par conséquent, de même que le contexte verbal immédiat fait surgir d’un mot un sens actualisé, et laisse dans l’ombre ses autres acceptions, de même le contexte verbal élargi refoule certains traits sémantiques de l’acception des mots dégagés par le contexte verbal immédiat (Wei 2002, 147).

4 La construction S((in)anim) + (en) finir de + V(inf)

L’analyse de la construction S((in)anim) + (en) finir de + V(inf) a montré que le verbe finir conserve sa signification basique de la fin. Dans la base des données CTLFR-LT on a trouvé 58 occurrences de type S((in)anim) + (en) finir de + V(inf). Tous les infinitifs compléments sont les verbes dynamiques et le verbe finir est employé aux temps du passé. Le sujet a achevé de faire quelque chose :

(9)Quand j’ai fini de manger, je fais la vaisselle, je mets les restes dans le réfrigé-

rateur, il y en aura juste assez pour le repas de midi. (FR-orig)

Baigęsvalgyti,

finir.ptcp.pst.1sgmanger.inf

suplaunu indus, likučius sudedu į šaldytuvą, kaip tik užteks rytdienos pietums.

(LT-trad)

(10)Lorsqu’il eut fini de jouer, le tsigane tendit sa sébile pour récolter quelques

pièces. (FR-orig)

Kai čigonasbaigė griežti,

lorsque.conjtsigane.m.sg.nomfinir.pst.3sgjouer.inf

jis ištiesė dubenėlį, norėdamas surinkti keletą monetų. (LT-trad)

La plupart des cas détectés (42 cas) (le tableau 2) étaient employés à la forme négative, le sujet n’a pas terminé une action entreprise et ne l’a pas conduite à sa fin :

(11)Mon père, il m’a crié après parce que j’ai brisé mon cadeau de Noël, et lui, iln’a

pas fini de payerle crédit ! (FR-orig)

Tėtis barė, kad sudaužiau kalėdinę dovaną, o jis dar net

nebaigė mokėti kredito! (LT-trad)

ne_pas_finir.pst.3sgpayer.infcrédit.m.sg.gen

Nombreuses sont les constructions de type ne pas en finir de qui décrivent une situation qui menace de s’éterniser (22 cas). Dans la traduction en lituanien de l’exemple (12) le verbe brūžinti ‘frotter’ est employé deux fois :

(12)Rouge de confusion, le vieux gardien de chevaux n’en finit pas de frotter ses

bottes sur le paillasson. (FR-orig)

Sumišęs ir išraudęs senas arklininkasbrūžina irbrūžina

frotter.prs.3sget.conjfrotter.prs.3sg

į kilimėlį savo iškleiptus aulinius. (LT-trad)

Dans la construction en question finir garde sa valeur de base. Il est intéressant de noter que cette structure soit très peu employée dans les œuvres traduites en français du lituanien. Dans le sous-corpus CTLLT-FR nous avons vérifié la présence de la construction en question. Seulement trois cas lituaniens ont été traduit en français par la construction en finir de (la taille du sous-corpus CTLLT-FR est présentée dans le tableau 1). Le participe passé užsimiegojusių signifie littéralement ‘voulant toujours dormir’ :

(13)Ir negirdėjo, kad girgžda svirtys kaimynų kiemuose, mauroja karvės, laukdamos užsimiegojusių po sekmadienio melžėjų. (LT-orig)

Sans entendre non plus grincer les chèvres des puits dans les fermes voisines, ni meugler les vaches réclamant la main de la trayeuse qui, avec ce dimanche, n’en finissait pas de dormir. (FR-trad)

En dépouillant les données du corpus, on a pu noter que les traducteurs transformant le texte du lituanien en français choisissent une autre stratégie verbale et littérale, très souvent, avec les verbes ne pas s’arrêter, continuer, etc. Cette remarque ne fait que confirmer que la présentation de l’éventail large des fonctions de finir pourrait être intéressante aux traducteurs confrontés à la spécificité interlangagière et interculturelle de deux langues.

5 Construction S((in)anim) + finir par + V(inf)

L’analyse des données du corpus prouve que la construction S((in)anim) + finir par + V(inf) est statistiquement la plus significative (le tableau 2) pourtant les travaux en linguistique sont très peu nombreux qui lui en sont consacrés.

Dans ses ouvrages Frontier (1991, 586) et Lamiroy (1999, 38) citent la construction S((in)anim) + finir par + V(inf) en tant que semi-auxiliaire mais sans en faire une étude complète. Son statut est revu et confirmé par les tests formels par Hamma (2004) qui, se fondant déjà sur des occurrences des documents authentiques, confirme son statut pré- cédemment décidé mais distingue aussi encore ses deux valeurs différentes : la valeur descriptive et la valeur modale.

5.1 Fonction descriptive de la construction S ((in)anim) + finir par + V(inf)

L’analyse des exemples tirés du corpus CTLFR-LT ont permis de confirmer que la valeur de la construction S((in)anim) + finir par + V(inf) n’est pas unanime. Dans les exemples cités ci-dessous nous voyons que la construction S((in)anim) + finir par + V(inf) assume la valeur de la périphrase adverbiale de temps ayant pour fonction de marquer la fin de l’action. Dans le cas (14) le sujet décrit ce qu’il voit et la présentation des actions est faite à l’imparfait, au temps grammatical de narration par excellence. Les participes présents – transportant, glissant – soulignent également le procès en cours de déroulement et confirment la valeur temporelle de la construction adverbiale finissaient par disparaître.

(14)Des gondoliers, transportant leurs marchandises vers les marchés, passaient en silence à côté de moi, glissant sur l’eau comme des ombres inquiétantes, et finis- saient par disparaître dans le labyrinthe de la cité. (FR-orig) Gondoljerai, gabenantys savo prekes į turgus, tyliai praplaukdavo pro mane, čiuoždami vandens paviršiumi it nerimastingi šešėliai ir galiausiai išnykdami

enfin.ADV disparaître.GRD.M.3PL

miesto labirinte. (LT-trad)

La valeur adverbiale de temps des constructions dans les exemples (15) et (16) s’apparentent beaucoup à celle de l’occurrence (14). L’ensemble des actions successives est souligné par les marqueurs chronologiques tout d’abord et puis :

(15)Tout d’abord ils commandaient un verre, puis finissaient presque toujourspar

rester dîner d’un sandwich, d’une salade et ils parlaient, ils parlaient. (FR-orig)

Pirmiausia jie išgerdavo po taurę,opaskui

beveik visadapasilikdavopietų,

presque.advtoujours.advrester.pst.3pldéjeuner.m.pl.gen

valgydavo sumuštinius arba salotas ir kalbėdavo kalbėdavo. (LT-trad)

(16)Tout d’abord repoussait les draps, se redressait un peu, caressait mon dos, mes

épaules, mon visage, longtemps, longuement, tendrement, et puis finissait tou-

jours par murmurer des phrases douces. (FR-orig)

Pirmiausia numesdavo antklodę, truputį pakildavo, glostydavo mano nugarą,

pečius, veidą, ilgai, daug, švelniai ir

visuomet galiausiaipasakydavo kažką

toujours.advenfin.advdire.pst.3sgquelque_chose.pron.indef.neu.acc

švelnaus. (LT-trad)

Les exemples susmentionnés témoignent de la prévisibilité discursive de la périphrase descriptive ayant la valeur temporelle S((in)anim) + finir par + V(inf). L’adverbe toujours dans les exemples (15) et (16) ne fait que confirmer cette prévisibilité des actions finales et la construction en question garde sa valeur aspectuelle véhiculant le sens de enfin.

La construction en question est le plus souvent traduite en lituanien par les adverbes de temps galiausiai, galop, galų gale, pagaliau, tous signifiant enfin.

Si l’on remplaçait l’unité verbale finissait toujours par murmurer des phrases douces

(16) Importar imagenpar l’adverbe enfin, le sens propositionnel ne changerait pas, il transmettrait le même message : le murmure doux qui vient après un certain temps :

(16a) Tout d’abord repoussait les draps, se redressait un peu, caressait mon dos, mes épaules, mon visage, longtemps, longuement, tendrement, et puis enfin murmu- rait des phrases douces.

Dans les exemples mentionnés la construction S((in)anim) + finir par + V(inf) pourrait commuter avec l’adverbe enfin. Les fonctions de enfin sont décortiqués par Donaire (2014). Les deux types de constructions (16) et (16a) transmettent la prévisibilité de la dernière action mais ils sont exempts du jugement subjectif de la part du locuteur.

5.2 Fonction modale de la construction S((in)anim) + finir par + V(inf)

De l’examen des données recueillies nous avons pu voir que la construction S((in)anim) + finir par + V(inf) peut transmettre une autre valeur. L’exemple 16 véhicule déjà un juge- ment très explicite de la part du locuteur : l’adverbe évaluatif heureusement et le point d’exclamation transmettent de fortes émotions du locuteur envers le fait que le sujet ne vit pas ici. Puis vient encore la supposition d’une éventuelle mauvaise conséquence – il finirait par nous rendre folles – où le verbe finir est au conditionnel présent ce qui renforce le fait non vérifié et le jugement évaluatif de la part du locuteur.

(17)Heureusement qu’il ne vit pas ici, il finirait par nous rendre folles toutes les deux ! (FR-orig)

Gerai, kad jo nebėra, jis mus abidvi išvestų iš proto ! (LT-trad)

L’occurrence 18 n’est pas non plus une simple question pour s’informer sur l’abattage de l’arbre mais le locuteur exprime aussi son jugement qui pourrait être suivant: après des efforts considérables ou après des efforts vains jusqu’alors ou après de gros doutes le sujet a réussi à (s’est décidé de) couper l’arbre.

(18)Vousavez fini par abattre le vieux cerisier ? (FR-orig)

Tai pagaliau nukirtotetą seną vyšnią ? (LT-trad)

alors.ptclenfin.advabattre.pst.2pl

La particule modale d’identification tai ‘alors’ et l’adverbe modal pagaliau ‘enfin’ dans la traduction en lituanien soulignent aussi la position du locuteur (LKŽ).

Si l’on remplaçait l’unité verbale avez fini par faire abattre par le verbe abattre au passé composé avez abattu la phrase serait dépourvue du jugement et la valeur modale disparaitrait :

(18a)Vousavez abattu le vieux cerisier ?

Jūs nukirtotetą seną vyšnią ?

vous.pron.2plabattre.pst.2pl

L’analyse des occurrences a révélé que dans la construction S((in)anim) + finir par + V(inf) les infinitifs compléments de finir peuvent être de nature différente, les infinitifs statiques (p.ex. avoir faim, aimer, etc) et dynamiques (p.ex. partir, penser, etc)2. De ces dernières on peut discerner statistiquement significatives celles qui font partie des verba dicendi, c’est-à-dire les verbes du dire :

dire (38 cas), demander (27 cas), accepter (22 cas), admettre (16 cas), avouer (13 cas),

murmurer (13 cas), lancer (12 cas), articuler (7 cas), déclarer (5 cas), parler (2 cas),

rompre le silence (2 cas), conclure (1 cas), etc.

Notre étude ne vise pas à démontrer à quelle étape se place la construction S ((in)anim) + finir par + V(inf) sur l’échelle de grammaticalisation mais le fait que le verbe finir est enclin à se construire avec les verba dicendi implique que la construction est en train de se grammaticaliser et de se pragmaticaliser (Dostie 2004 ; Marchello-Nizia 2006 ; Pusch 2007). Sa commutation avec l’adverbe enfin est aussi un indice fiable de la perte du poids sémantique verbale de finir, autrement dit, la construction subirait la grammaticalisation.

(19)Ce n’est pas à toi d’en juger, finit-il par dire sur un ton agressif, sans doute convaincu qu’il était vital d’avoir le dernier mot pour conserver son autorité devant le reste de l’équipe. (FR-orig)

Ne tau apie tai spręsti, galų gale piktai iškošė jis,

enfin.ADV méchamment.ADV dire.PEJ.PST.3SG il.PRON.3SG be abejo, įsitikinęs, jog paskutinis žodis būtinai turi būti jo, antraip jo autoritetas kitų darbuotojų akyse gali susvyruoti. (LT-trad)

(20) Tu sais, je crois qu’il ne faut pas le prendre, ce petit chat, finit-il par m’annoncer très sérieusement. (FR-orig)

Paklausyk, man atrodo, kad mums nereikia imti to kačiuko, –

pagaliau ištarė jis labai rimtai. (LT-trad)

enfin.ADV prononcer.PST.3SG il.PRON.3SG très.ADV sérieusement.ADV

En lituanien la construction est traduite par les adverbes galų gale ‘finalement’, pagaliau ‘enfin’ dont la valeur sémantique n’est pas complètement disparue. Le sens nouveau, quel qu’il soit, ne met pas fin à l’ancien. Ils existent tous les deux l’un à côté de l’autre. Le même terme peut s’employer tour à tour au sens propre ou au sens métaphorique, au sens restreint ou au sens étendu, au sens abstrait ou au sens concret (Bréal 1897, 154–155).

La construction où le sujet est inanimé est beaucoup moins fréquente, elle ressemble à des concepts génériques. Le sujet exprime sa forte conviction envers les lois de la nature

(21)ou la vérité philosophique (22).

(21)Il sait que le sable et la mer finissent toujours par gagner parce que, malgré la guerre que la pierre et l’eau se livrent, eux seront encore là quand nous n’y serons plus. (FR-orig)

Jis žino, kad

smėlis ir jūra visada laimi,

sable.M.SG.NOM et.CONJ mer.F.SG.NOM toujours.ADV gagner.PRS.3PL

nes akmenys ir vanduo, nors ir kariauja nuolatinį karą, tebebus čia, kai mūs jau nebus. (LT-trad)

(22)Selon ce qu’il disait, il avait toujours pensé que l’obstination finit par triompher de tout et, d’un certain point de vue, c’était son métier d’être débrouillard. (FR-orig) Esą jis visada laikosi tos nuomonės, kad atkaklumas nugali viską, o žurnalisto amatas tam tikra prasme reikalauja sumanumo. (LT-trad)

Les énoncés peuvent véhiculer la modalité plus ou moins subjective de la part du locuteur. Le jugement peut être d’ordre aléthique (une très forte conviction) (21) et (22) et d’ordre épistémique (moins forte) (17), (18).

6 La construction pour finir

Dans le tableau 3 on peut voir que la construction peut avoir deux lectures : la construction pour finir +GN et la construction (Ø) +pour finir + (Ø). Les occurrences du type pour finir +GN ne sont que 2, la tournure (Ø) +pour finir + (Ø) est plus présente dans le corpus, on a calculé 26 cas.

Tableau 3.
Types de la construction pour finir et sa distribution statistique dans le corpus CTLFR-LT

Les constituants de la première tournure gardent leurs valeurs basiques (la préposition pour véhicule le sens de la finalité et le verbe finir le sens de cessation) et la construction en question transmet donc l’intention évidente de la part du locuteur de terminer l’allocution comme il faut :

(23)Pour finir mon discours, j’ai choisi les mots avec soin. (FR-orig)

Irnorėdamasužbaigtisavokalbą

et.conjvouloir.grd.1sg.mfinir.infson.pron.posdiscours.f.sg.acc

kaip reikiant, apgalvotai parinkau žodžius. (LT-trad)

L’analyse des données du corpus CTLFR-LT ont révélé que la construction pour finir, n’ayant aucun complément peut jouir de la mutabilité positionnelle (le tableau 4). Statistiquement parlant, on peut voir que la tournure en position initiale est le mieux représentée (16 cas) et en deuxième position vient la structure en médiane (7 cas). Le nombre d’exemples de la troisième constellation syntaxique est très limité (3 cas).

Tableau 4.
Distribution syntaxique de la construction (Ø) +pour finir + (Ø) dans le cor- pus CTLFR-LT

Il est notable que la tournure (Ø) +pour finir + (Ø) n’est pas extrêmement fréquente dans le corpus écrit mais suffisamment présente et intéressante au niveau de sa variation structurale et la fonction qu’elle peut véhiculer.

6.1 La construction pour finir en tant qu’adverbe de temps

TLFi donne pourtant en tout seulement deux exemples avec pour finir en position initiale dans le sens : en manière de conclusion :

(24)Pour finir, il se redressait encore à demi et, pendant un court moment, regardait devant lui (Camus, Peste, 1947, p. 1406).3

L’analyse des exemples trouvés dans le corpus CTLFR-LT confirme la fonction de la tournure donnée dans le TLFi, elle véhicule l’idée « en manière de conclusion » (24). En linguistique les mots qui ferment le discours sont appelés balises de clôture (Jackiewicz 2005, 102) dont la fonction est de canaliser le discours.

(25)Pour finir, je veux dire que je t’aime. Je le crois. (FR-orig)

Baigdamas noriu pasakyti, kad aš tave myliu. Aš juo tikiu. (LT-trad)

finir.GRD.1SG.M

Dans l’exemple (26) la construction pour finir joue le rôle d’un marqueur de structuration du discours et plus précisément elle aide à clore les actions effectuées par le sujet. Tout d’abord le sujet encastra le détendeur, régla le système et le dernier geste qu’il fit : il boucla. Les actions sont fixées visuellement mais aucune position subjective n’est exprimée de la part du sujet.

(26)Encastra le détendeur au creux du casque. Régla le système en légère suppres-

sion. Pour finir, elle boucla autour de sa taille une ceinture. (FR-orig)

Šalmo ertmėje įtaisė slėgio reguliatorių. Nustatė, kad palengva būtų leidžiamas

deguonis. Irgaliausiaijuosmenį susijuosė diržu. (LT-trad)

enfin.advtaille.f.sg.accboucler.pst.3sgceinture.m.sg.ins

La fonction de pour finir dans l’occurrence suivante 27 s’apparente beaucoup à celle qui est décrite précédemment. La construction relie deux segments verbaux consécutifs – se détend et se tourne. Le début de la progression temporelle est souligné par le marqueur chronologique au début et la fin par pour finir.

La moitié d’exemples (16 cas) de la construction pour finir + Ø se positionnant en tête de la proposition contribue à l’architecture du segment textuel et joue le rôle d’un jalon discursif menant vers l’aboutissement de l’action.

(27)Le docteur, au début fort soucieux, se détend progressivement. Pour finir, il se tourne vers Paul : Eh bien, mon jeune ami, ce cœur m’a l’air de se porter fort bien... (FR-orig)

Gydytojas, iš pradžių labai susirūpinęs, pamažu atsileidžia.

Galiausiai atsisuka

enfin.ADV se_tourner.PRS.3SG

į Polį ir sako : Na, mano jaunas bičiuli, šita širdis, atrodo, jaučiasi puikiai… (LT- trad)

Positionnée en médiane l’unité Ø + pour finir + Ø structure le discours. Dans l’énumération elle marque la fin des actions effectuées par le sujet qui sont vues et entendues par le locuteur. Dans l’exemple 28 Ø + pour finir + Ø fonctionne en tant que marqueur chronologique.

(28)J’entends les gémissements de mon frère tout d’abord, une plainte lente, étouffée, puis viennent les cris, ceux qu’il ne peut pas empêcher, réprimer, ceux qu’il doit expulser, les protestations, les vociférations, et, à nouveau, pour finir, de longs gémissements et des sanglots. (FR-orig)

Iš pradžių išgirstu brolio aimanas, lėtą, duslią dejonę, paskui nuaidi šauksmai, kurių jis nepajėgia sulaikyti, užgniaužti, kuriuos turi išstumti iš savęs, protestai, plūdimasis, paskui, pabaigoje, vėl ilgos aimanos ir rauda. (LT-trad)

fin.F.SG.LOC

Il faut dire que la portée de tournure ne se résume pas au verbe finir : la préposition pour a son importance dans la construction pour finir. La préposition pour s’utilise en début de syntagme pour signifier un acte de parole, dans une démarche argumentative forte la plu- part du temps (Combettes 2001, 119). La linguiste a examiné les cas de pour ce qui regarde et en ce qui regarde. Selon elle, d’une façon générale, les prédicats d’action sont complétés par pour, alors que la préposition en accompagne plutôt des procès statiques, résultatifs.

Les exemples prouvent donc que la construction pour finir sert à marquer le temps et structurer l’ordre du discours. Elle est majoritairement utilisée en position frontale de phrase ou de proposition (le tableau 5).

Tableau 5.
Fonction de la construction (Ø) + pour finir + (Ø) dans le corpus CTLFR-LT

Les données empiriques ont montré que deux lectures de la construction pour finir + Ø sont possibles. Le sous-chapitre 6.2 sera dédié à l’analyse de la construction pour finir + Ø transmettant la fonction adverbiale modalisante.

6.2 La construction pour finir en tant qu’adverbe de phrase

L’analyse des exemples trouvés dans le corpus CTLFR-LT ont révélé que la construction pour finir ne transmet pas toujours la valeur chronologique. Le décorticage des occurrences a montré que la construction analysée peut fonctionner en tant qu’adverbe modalisateur traduisant l’opinion du locuteur à l’égard du contenu. Statistiquement le nombre de la construction pour finir ayant pour fonction du marqueur temporel (12 cas) et le nombre de celle qui véhicule la fonction de l’adverbe modalisateur (14 cas), diffère très peu (le tableau 5).

Dans l’occurrence 29 la succession des actions ou des faits est inexistante et c’est une prémisse majeure pour déduire que la fonction de pour finir dans le présent cas ne s’apparente pas à celle qui était décrite dans les exemples susmentionnés (27) et (28). Pour finir dans l’exemple 29 est un modalisateur traduisant le raisonnement subjectif du locuteur :

(29)Sans doute, mais après tout, espérons que l’épidémie ne durera pas.

Pour finir, il avait essayé de consoler le docteur en lui faisant remarquer qu’il pouvait trouver en ville la matière d’un reportage intéressant et qu’il n’était pas d’événement, tout bien considéré, qui n’eût son bon côté. (FR-orig)

Žinoma, bet tikėkimės, kad epidemija, šiaip ar taip, neilgai truks.

Tiesą sakant,

vérité.NOM.F.SG.ACC dire.PTCP

jis mėgino apraminti gydytoją, kad mieste galima rasti medžiagos įdomiam reportažui, kad, gerai pagalvojus, nėra to blogo, kuris neišeitų į gera. (LT-trad)

(30) Mais je me laisse aller et je risque de donner trop d’importance à cet honnête homme. Car, pour finir, il n’a eu qu’une influence indirecte sur ma détermination. (FR-orig)

Bet aš įsivažiavau ir, ko gero, teikiu tam doram žmogui pernelyg daug svarbos. Mano apsisprendimui, reikia pasakyti, jis turėjo tik netiesioginės įtakos. (LT-trad)

falloir.PRS dire.INF

La traduction en lituanien ne fait que confirmer le statut du modalisateur intersubjectif de la construction Ø + pour finir dans l’exemple 29 qui est traduit en lituanien tiesą sakant ‘à vrai dire’ et dans l’exemple 30 par reikia pasakyti ‘il faut dire’. Le statut de l’adverbe modalisateur jouant aussi le rôle du connecteur faut dire en français est analysé en détail par Pusch (2007), je dois dire par Kronning (1988) et reikia pasakyti ‘il faut dire’ par Valiukienė (2014).

De plus, Ø + pour finir dans l’occurrence 31 peut être considérée comme construction parenthétique qui se trouve assertée et pragmatiquement subordonnée. Cette construction n’est pas porteuse du message, elle n’apporte qu’une note modalisante à la proposi- tion principale. Les insertions parenthétiques en français sont analysées par les différents linguistes (Dostie 2004 ; Gachet 2009), en lituanien par Usonienė (2012), en italien Venier (1991). Les exemples (29), (30) et (31) remplissent tous les critères des constructions parenthétiques décrites en linguistique.

L’exemple 31 ne fait que confirmer encore une fois la mobilité syntaxique de pour finir qui a pour fonction de modaliser la proposition.

(31) Je demeure, des heures durant, planté devant les rideaux de lin que le vent qui vient du jardin imprime contre mon corps immobile, devant le soleil blanc dont je ne ressens pas la chaleur. Au-dehors, je regarde la mer sans plus la voir. Serais-je devenu un vrai insulaire, pour finir ? (FR-orig)

Ištisas valandas stypsau prie lininių užuolaidų, kurias iš sodo atskriejęs vėjas priplaka prie mano nejudančio kūno, stoviu prieš baltą saulę, kurios šilumos nejaučiu. Lauke žiūriu į jūrą, bet jos nematau. Nejaugi būčiau tapęs tikru saliečiu? (LT-trad)

L’ajout en finale Ø + pour finir véhicule l’attitude du locuteur vis-à-vis de l’énonciation et ne constitue pas le noyau de l’énoncé. Son statut périphérique – tant au plan syntaxique qu’au plan sémantique – est aussi confirmé par son omission dans la traduction en lituanien.

Remarques conclusives

Avant de préciser les principaux résultats de notre analyse, il n’est sans doute pas inutile de rappeler l’utilité des grandes données électroniques faisant déjà l’objet d’un accord parmi les linguistes.

Notre analyse montre qu’une optique sémantico-pragmatique, qui considère que la langue n’a pas pour fonction essentielle de transmettre des informations mais d’établir des rapports intersubjectifs, s’est avérée particulièrement efficace à expliquer les fonctions du verbe finir. De l’examen des données recueillies dans le corpus CTLFR-LT on peut faire les remarques conclusives suavantes:

Le verbe finir garde sa valeur nucléaire de la fin dans la construction S((in)anim) + finir + (GN). Cette construction s’apparente beaucoup à la tournure S((in)anim) + finir de + V(inf) quand celle-ci exprime la consommation et production créative. L’absence du verbe complément est déterminée contextuellement et culturellement.

Nombreuses sont les constructions de type ne pas en finir de qui décrivent une situation menaçant de s’éterniser pourtant peu fréquentes dans la réalisation des travaux traduits du lituanien vers le français.

La construction S((in)anim) + finir par + V(inf) peut fonctionner en tant que marqueur chronologique aidant à structurer le discours et en tant que marqueur modalisateur véhiculant le jugement plus ou moins subjectif de la part de l’auteur. La construction du type pour finir peut aussi acquérir une double lecture: elle fonctionne en tant qu’adverbe de temps et en tant qu’adverbe de phrase. Le statut d’un adverbe de phrase – tant au plan syntaxique (mobilité positionnelle) qu’au plan sémantique (rôle périphérique, traduction en lituanien par les adverbes modalisateurs de phrase ou l’omission) est confirmé par les exemples authentiques.

Les résultats de la présente analyse avec les exemples abondants (28 exemples) relevés du corpus CTLFR-LT pourraient être utiles aux étudiants en FLE et en linguistique, aux professeurs donnant des cours théoriques, aux traducteurs confrontés à la spécificité interculturelle de deux langues génétiquement différentes.

Remerciements

Nous tenons à remercier les enseignants français de l’Institut français de Vilnius de leurs suggestions pertinentes lors des analyses des exemples authentiques, nécessaires pour la présente étude.

Material suplementario
Abréviations

ACC: accusatif

ADV: adverbe

CONJ: conjonction

GN: groupe nominal

GRD: gérondif

F: féminin

FLE: rançais langue étrangère

FR-orig: ançais langue source

FR-trad: français langue cible

INDF: indéfini

INS: instrumental

LT- trad: lituanien langue source

LT-trad: lituanien langue cible

n: nombre d’occurrences

NOM: nominatif

NEU: neutre

M: masculin

PEJ: péjoratif

POS: possessif

PRON: pronom

PST: passé

PTCL: particule

PTCP: participe

Sanim: sujet animé

Sinanim: sujet inanimé

SG: singulier

Ø: complément zéro

??: énoncé invalide

References
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Wilmet, Marc. 1997. Grammaire critique du français. Louvain-la-Neuve: Hachette et Duculot.
CTLFR-LT-FR – Corpus des Textes Littéraires
CTLFR-LT – sous-corpus français-lituanien
CTLFR-LT-FR – sous-corpus lituanien-français
LKŽ – Lietuvių kalbos žodynas (http://www.lkz.lt/)
TLFi – Trésor de la Langue Française informatisé (http://atilf.atilf.fr/)
Notas
Notes
1 Apulée (125–170) écrivain, orateur, philosophe médio-platonicien. Charisius (IV siècle) grammairien latin.
2 Sur la notion des verbes statifs et non-statifs regardez F. Martin (2008).
3 http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/affart.exe?19;s=417840705;?b=0
Tableau 1.
Taille du corpus CTLFR-LT-FR

Tableau 2.
Types de la construction avec le verbe finir et leur distribution statistique dans le corpus CTLFR-LT

Tableau 3.
Types de la construction pour finir et sa distribution statistique dans le corpus CTLFR-LT

Tableau 4.
Distribution syntaxique de la construction (Ø) +pour finir + (Ø) dans le cor- pus CTLFR-LT

Tableau 5.
Fonction de la construction (Ø) + pour finir + (Ø) dans le corpus CTLFR-LT

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